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Qu'est-ce que le tantra?
Interview de Dominique Vincent
Propos recueillis par Pascal Bourdon
Pascal Bourdon : Peut-on donner une définition du tantra ?
Dominique Vincent : (Rires) Je m'attendais à cette question pour commencer.
Pour moi le tantra c'est d'abord la conscience dans la matière. C'est la rencontre de Shiva et Shakti. C'est la rencontre de la conscience et de l'univers. En fait, c'est la conscience créatrice et c'est tout cet univers extraordinaire qui émane à partir de la conscience.
C'est quelque chose de complètement cosmique.
PB : Plus concrètement, comment pourrait-on dire ?
DV : Concrètement cela peut être extrêmement subtil : Je suis conscient en ce moment. L'univers apparaît pour moi.
PB : Sous quelle forme, qu'est-ce que cela signifie ?
DV : Dès que j'ouvre les yeux ou que je suis éveillé, un certain nombre de choses apparaissent dans ma conscience. L'univers existe à partir de cela.
D'un point de vue subjectif. Vu par chaque individu, l'univers existe à partir de ce que chacun perçoit.
PB : C'est à dire que cela passe par les sens.
DV : Oui. Les sens, l'imagination, la pensée, tout ce qui se manifeste dans la conscience.
Le monde est ce qui se manifeste dans la conscience. S'il n'y a pas de conscience, il n'y pas de monde pour l'individu.
Si je me centre dans le phénomène de conscience, si je mets plus de conscience dans toute chose qui arrive, c'est comme Shiva qui pénètre Shakti. C'est un symbole sexuel, c'est de nature orgasmique.
Si je mets toute la conscience dans tout mon corps, toute la présence, mon corps va se mettre à vibrer (peut-être qu'il vibrait déjà avant, mais je n'y faisais pas attention) et d'être conscient du corps qui vibre devient orgasmique.
Tout l'univers est perçu comme orgasmique dans la mesure où il y a de la conscience dans l'univers.
Le tantra, c'est l'aventure de la conscience dans mon corps.
PB : On peut donc dire que le tantra, c'est mettre plus de conscience dans tout.
DV : Oui. C'est le fait de reconnaître que la conscience est dans tout.
C'est reconnaître la conscience elle-même dans tout ce qui arrive.
C'est la primauté de la conscience. . De là l'univers se déploie.
Par exemple : Si je suis dans mon jardin, en étant préoccupé de mon compte en banque, je ne suis pas vraiment dans le jardin et c'est vraiment ennuyeux, je suis juste stressé et inquiet.
Maintenant, si je suis dans mon jardin en étant vraiment présent et conscient, aussi bien de mon corps qui respire, des odeurs, de la beauté. alors c'est comme si j'étais au centre d'un feu d'artifice. Pas seulement spectateur d'un feu d'artifice. Si je regarde vraiment ce qui se passe dans la conscience, tout ce qui arrive est un feu d'artifice. L'orgasme c'est ça. C'est orgasmique.
PB : Peut-on vivre dans l'orgasme permanent ?
DV : Bien sûr, si on entend par « orgasme » : « spasme éjaculatoire » ou « spasmes vaginaux », c'est incompréhensible.
Mais la présence tranquille, à tout ce qui se passe et sans porter de jugement (ceci est bon/ceci est mal ; ceci je devrais l'éviter/ceci je devrais l'accepter ; il faudrait que ce soit autrement.), amène à une forme de plaisir extrêmement profond et une vibration très forte. C'est ce que je nomme « orgasme »
L'interface entre la conscience et tout ce qu'il y a autour, c'est le cour. La qualité du cour est l'essence même de cette présence.
Le tantra peut se définir aussi par l'espace du cour présent.
PB : Qu'est ce que tu entends par qualité du cour ou espace su cour ? Est-ce que cela signifie « aimer tout le monde » ou « l'amour universel » ?
DV : Quand tu dis « l'amour universel » cela pourrait ressembler à « il faut aimer » et ça devient un commandement. Alors qu'en fait, le cour, est quasiment synonyme de présence : « tel que c'est, je suis là. »
On peut l'appliquer à soi-même, aux autres, à une relation amoureuse. Mais le cour est une réalité fondamentale :
C'est une qualité de présence qui dit « OUI »
L'opposé de l'espace du cour serait : « il faut que je sois autrement que ce que je suis, que les situations soit autrement que ce qu'elles sont »
PB : Cela signifie-t-il qu'il faut tout accepter ?
DV : Attention, cela ne veut pas dire passivité. Cela signifie aussi donner une réponse ouverte à ce qui apparaît dans mon expérience.
PB : En quoi est-ce différent de la passivité ?
DV : La passivité serait de se comporter en disant : « mon cour est présent j'accepte tout ce qui arrive » avec une sorte de fatalisme. « Je tombe malade, c'est la fatalité, j'accepte tout avec cour , je me couche et je meurs ! »
Non, si le cour est présent, j'accepte ce qui arrive et je réponds . C'est un défi. « Je tombe malade, quelle est la réponse que je peux donner pour prendre soin de moi avec attention, que me dis mon corps, etc. »
Comment cela se passe-t-il en occident ?
PB : Pour nous occidentaux, qu'est-ce que le tantra peut nous apporter ? Qu'est-ce que cela t'a apporté ?
DV : Cela m'a apporté une voie de méditation qui intègre le corps. Une voie de la spiritualité qui prend en compte l'expérience humaine dans sa globalité. Dans mon passé catholique, la place du corps ou de la sexualité était plutôt mince.
L'idéal que l'on me proposait c'était plutôt de devenir moine ou prêtre. L'idéal pour le développement spirituel semblait être un refus du corps et même une exaltation du corps souffrant. Le symbole en est le corps crucifié.
Dans le tantra, le symbole de la méditation représente l'union sexuelle de Shiva et Shakti.
PB : Le tantra est connu en occident pour tourner autour de la sexualité. Peux-tu nous en dire plus ?
DV : L'aspect sexuel du tantra est un des éléments. Il peut être présent ou pas, suivant les périodes de la vie, mais l'essence du tantra n'est pas de vivre une bonne relation sexuelle. La sexualité est acceptée, dans sa totalité, par le tantra comme un moyen de faire une expérience « transcendantale », trans-personnelle.
PB : En quoi le tantra est-il non-sexuel ?
DV : Le tantra n'est pas indifférent à la sexualité, il l'intègre mais il représente une approche spirituelle. Quand la vie devient orgasmique au sens large, la sexualité génitale peut paraître infantile et perdre beaucoup de son importance, en particulier dans ses aspects ???. Mais la sexualité ordinaire bien vécue n'est jamais condamnée. Elle prend une place relative.
C'est une tradition qui a une grande importance en Inde, en Chine, au Japon. C'est une tradition qui a évolué en interconnexion avec le Bouddhisme. Le Bouddhisme tibétain est un Bouddhisme tantrique. Le tantra recouvre une multitude de textes, de référence à la compréhension de la nature, de la nature de l'univers, des courants philosophiques, des cultes, des rituels, des musiques des poèmes, c'est une tradition immense qui a certainement produit autant que le Bouddhisme.
Bouddhisme, Taoïsme et Tantrisme sont des traditions extrême-orientales qui sont interconnectées sur bien des points.
PB : Pour pratiquer le tantra, faut-il obligatoirement suivre un maître ?
DV: Traditionnellement, le tantra perdure par la transmission. Il y à des gens qui transmettent, certains sont des maîtres, d'autres sont des enseignants.
Mais il n'y a pas d'examen de passage. Cela signifie qu'il faut faire très attention. Il peut y avoir des enseignants qui abordent le tantra comme une technique permettant d'éviter d'éjaculer ou de faire remonter l'énergie en faisant telle ou telle respiration. On peut s'amuser à ça, mais pour moi ce n'est absolument pas l'essence du tantra.
Dans le tantra, il peut être important pour certains de se déconditionner de ses barrières judéo-chrétiennes. Après tout, si pendant un temps, quelqu'un veut avoir plusieurs partenaires et s'éclater, pourquoi pas, le tantra ne porte aucun jugement, mais ce n'est pas l'essence du tantra.
Une personne qui médite seule dans sa chambre, peut être fondamentalement tantrique.
PB : C'est là ma question. Est-il possible de pratiquer le tantra en ayant lu quelques livres de gens reconnus dans le domaine ?
DV : Je dirais : « surtout, OUI, commencez, faites ! »
Mais il y a des choses qui ne pourront être transmises que dans un groupe ou avec quelqu'un qui a fait l'expérience. J'en suis infiniment persuadé. Quelque chose est transmis qui n'est pas de l'ordre de l'intellect (cela on peut le trouver dans un livre), mais c'est de l'ordre d'un certain parfum . Et ça, pour avoir été auprès de deux ou trois maîtres en Inde, c'est quelque chose !
Si ce que je transmets actuellement a un peu de valeur, c'est sûrement parce que je me suis imbibé, j'ai respiré, j'ai été en présence de ces maîtres en Inde.
PB : Cela signifie-t-il qu'il faut obligatoirement aller en Inde pour comprendre réellement ce qu'est le tantra ?
DV : Je ne dirais pas cela. Pour moi, la clé est au niveau du cour.
Si en face d'un livre, en face de quelqu'un, d'un enseignant de tantra, d'un maître ou d'un lama tibétain. il se passe quelque chose au niveau du cour, quelque chose qui s'éveille, quelque chose qui dit « Oh ! Oui ! » , une aspiration, alors il faut surtout y aller.
C'est la réponse à son propre cour.
Je peux alors faire un bout de chemin avec une personne, puis me rendre compte que finalement, il faut que je continue ma quête autrement.
Si un client ou un participant à un groupe me dit qu'il estime avoir fini avec moi et qu'il pense devoir continuer avec quelqu'un d'autre, je transmets autant d'informations que je peux pour lui permettre cela. Il n'y a pas de monopole, il faut que chacun dans sa recherche soit complètement libre.
PB : Le tantra est-il une secte ? N'y a-il pas de risque de dérive sectaire ?
DV : Le tantra, dans l'histoire, est un mouvement immense, il comprend beaucoup d'écoles différentes et il a fortement influencé la Chine et le Japon. Dire que c'est une secte, signifierais que cela englobe le Dalaï Lama, le bouddhisme cashemirien etc.
Maintenant cela dépend de la façon dont les gens l'utilisent. Honnêtement, je ne vois pas d'organisation coercitive ou qui cherche à exploiter des personnes dans les mouvements qui se réclament actuellement du tantra.
En occident, la transmission de cette tradition se fait surtout sur le mode de séminaires et donc tout dépend de la qualité de celui qui transmet.
De fait, il y a toujours risque qu'un pseudo-maître utilise des ateliers, qu'il nommera « de tantra », pour avoir une sexualité facile avec ses clients. J'en connais, ça existe.
C'est difficile à percevoir, parce que dans le tantra traditionnel en Inde, il y a parfois des initiations où il y a l'acte sexuel, certaines écoles utilisent cela. Mais dans le contexte occidental, avec ce que l'on comprend du pouvoir, de l'abus de pouvoir, du transfert et des implications de l'inceste et la position de pouvoir où est quelqu'un qui anime sur un participant, je pense qu'il faut être extrêmement vigilant à cela.
Les changements dans la vie quotidienne
PB : Qu'est-ce que le tantra change dans la vie quotidienne ?
DV : Ah ! Cela me rappelle la question qu'un disciple posait à un maître zen : « comment étiez-vous avant l'illumination ? »
Le maître répond : « avant l'illumination, j'allais fendre du bois et j'allais chercher l'eau au puits »
« Et depuis l'illumination ? »
« Eh bien, je fends du bois et je vais chercher l'eau au puits. »
« Mais alors rien n'a changé ? »
Le maître :
« Si, tout a changé »
Cette histoire montre l'importance de l'espace de conscience.
La réalité ne change pas, la réalité EST.
La première question est : « moi, comment suis-je en relation, en connexion, quand je suis au centre dans la réalité ? »
Pratiquement, dans tout ce que je vis au quotidien, est-ce que ma conscience est présente à elle-même, sans choix ni rejet. Pour comprendre ce que je veux dire, il faut un déclic. Je ne peux pas l'expliquer plus.
L'autre question est : « est-ce que j'accueille tout ce qui se présente ? » Ce qui ne veut pas dire que je ne vais pas me protéger. Mais dans la présence, je suis ouvert.
En fait la plupart du temps, nous fonctionnons en n'étant pas ouverts à toutes nos sensations, en n'étant pas ouverts à tous les messages, en n'étant pas ouverts aux émotions que suscitent les gens qui s'approchent, en n'étant pas ouverts au temps qu'il fait, à la beauté de ce qui nous entoure. Visuel, saveur, auditif, toucher, nous sommes inconscients d'énormément de choses.
Il ne s'agit pas de se couper en mille morceaux et de s'affoler à vouloir tout percevoir. Il ne s'agit absolument pas de cela.
C'est une ouverture. Et ce qui émerge dans ma conscience est accepté.
L'image traditionnelle c'est le miroir. Le miroir est là, ce qui passe devant est reflété, sans jugement, le miroir est neutre, il laisse être. Mais cette métaphore n'est pas satisfaisante, car ça devrait être un miroir vibrant qui est lui-même créateur de ce qui apparaît. Comme le dit Ramana Maharshi, dans la véritable connaissance, il n'y a pas de différence entre le sujet connaissant, l'objet connu et l'acte de connaître. Tout devient alors jaillissement spontané.
En ce qui concerne la rencontre amoureuse, il y a aussi changement dans la façon d'aborder son partenaire, sans avoir de plan ni d'idée préconçue, sans vouloir quelque chose. Si j'aborde ma partenaire d'une façon méditative, ce qui va se jouer va se jouer tout seul, de façon complètement naturelle.
Venir avec des « il faudrait que. », « je dois réussir à. », « je ne suis pas assez sensible. », détruit le bonheur amoureux. C'est le choix mental.
Ce qui change dans l'attitude tantrique, c'est que le mental peut être mis au vestiaire pour quelque temps (on le reprendra quand il s'agira d'aller travailler, le mental est utile et magnifique quand il joue bien son rôle), mais pour l'instant, en faisant l'amour, je n'ai pas besoin de ce mental mais de capacité de présence à l'autre et de présence à moi-même.
En privilégiant une sexualité tournée vers la disponibilité, il va y avoir peu à peu de grands temps de silence et de calme qui vont se développer en même temps que les mouvements sauvages, pour finalement trouver beaucoup plus de liberté.
Grâce à la pratique tantrique, les gens qui cherchent et qui méditent en occident, peuvent espérer trouver une sexualité plus riche, moins inhibée, une présence méditative amoureuse avec la paix qui émane de cela et découvrir les différentes qualités d'orgasme.
PB : Dans la vie quotidienne, le grand changement, c'est donc la présence.
DV : Présence ou conscience, deux mots pour une même réalité. Cela permet de ne pas être perdu dans le mental. Dans le tantra, l'ennemi public n° 1 c'est la domination du mental.
C'est à dire que je m'identifie au processus de pensée qui me broie continuellement. Il ne reste plus grand chose comme énergie pour vivre, pour manger, pour sentir, pour aimer parce que tout est dans la tête. Un des aspects de la démarche tantrique est de se libérer du mental. Ce n'est pas un mince affaire.
PB : N'y a-t-il pas un risque lorsque l'on entreprend une telle démarche de se sentir un « surhomme », de se sentir supérieur ?
DV : Si on sent cela, c'est que l'on n'a pas fait le chemin. Les gens qui font des expériences vraiment importantes avec le tantra, disent « c'est tellement simple »
C'est curieux, ils disent en même temps « c'est fabuleux » et « c'est très ordinaire »
Il n'y a rien de changé et tout est changé.
Les grands maîtres disent « vous êtes absolument ce que vous cherchez à être, vous êtes le bout du voyage, vous n'êtes, en aucun point, moins que moi. Il y a simplement quelque chose que vous ne saisissez pas »
PB : « Ils ont des yeux et ils ne voient pas »
DV : C'est quelque chose comme ça.
PB : Mais en pratiquant le tantra, peut-on faire des expériences supra-ordinaires ?
DV : En fait, ce n'est pas l'essence du tantra, mais il semble qu'en pratiquant le tantra, il y a des phénomènes psychiques, des perceptions élargies, des phénomènes de voyance, etc.
Mais c'est un piège. En Inde on peut trouver des tantrika qui sont en fait devenus des magiciens. Ce n'est absolument pas l'objet ou le but du tantra.
Ce sont des choses qui arrivent. Dans mon expérience, elles n'arrivent pas pour tout le monde, ni de la même façon pour tous et cela ne dit ABSOLUMENT RIEN de l'état du chemin et de l'attitude de celui qui cherche. C'est un à-côté qui peut être intéressant et magnifique, mais ce n'est pas l'essence de l'expérience. Ce qui est l'essence c'est « être présent »
Être présent à la couleur de mes vêtements est aussi important que d'être présent à une expérience télépathique. Au niveau de la conscience elle-même, il n'y a aucune différence, ce n'est ni plus ni moins. Il a une conscience de cela et c'est ça le point central.
PB : L'objectif du tantra, alors, c'est quoi ?
DV : ÊTRE.
PB : Ce n'est pas d'être heureux ?
DV : Non. Être heureux, c'est un produit dérivé. C'est quelque chose qui arrive en plus, si cela doit arriver. Le but du tantra s'il y en a un, c'est d'être entier. La formule la plus lapidaire serait : « SOIS »
Ramana Maharchi disait en substance : « Arrêtez de méditer, SOYEZ, il n'y a rien d'autre à faire » Juste d'être.
Les techniques tantriques.
PB : Voyons les techniques maintenant. Comment partages-tu ça ?
DV : Pour moi c'est essentiellement à travers des groupes. Des séminaires.
PB : Qu'y fait-on ?
DV : Tout. On peut chanter, on peut danser, on peut peindre, méditer, faire des exercices de respiration, donner ou recevoir des massages, on peut avoir des explications sur la manière dont ça circule dans le corps. C'est un festival.
Un festival de rituels, de chants. des mises situation à deux, de groupe. le but étant : « Est-ce que je peux vivre l'intégralité de mon énergie, faire confiance, aimer »
PB : Pratiquement, comment cela se passe-t-il ?
DV : Dans la pratique, il y a des stages spécifiques. Par exemple, les stages réservés aux couples.
Dans les ateliers de couple, nous travaillons sur l'intimité. On cherche à renforcer une intimité amoureuse méditative, la qualité de présence. On renforce la saveur de l'intimité et l'approfondissement d'un couple. On peut transmettre des techniques de massage intime par exemple (massage du périnée ou de l'intérieur des jambes) pour réveiller certains circuits d'énergie au niveau du cour, de la gorge.
On peut faire aussi un travail sur la communication et les projections. Un des aspects les plus importants du tantra, c'est la compréhension des jeux du mental en particulier dans les mécanismes de projection. Les relations (toutes les relations d'ailleurs, pas seulement les relations amoureuses) peuvent s'en trouver grandement améliorées. Cela fait partie du tantra car énormément d'énergie est bloquée ou mal utilisée, presque auto-détruite, dans nos modes de fonctionnements mentaux. Comprendre ces fonctionnements et s'en dégager c'est fabuleux. Nous avons pour cela des techniques qui sont extrêmement pointues.
PB : Ces techniques ne sont pas issues directement de la tradition tantrique ?
DV : Je ne connais pas assez les écritures tantriques, mais l'aspect de ce que l'on pourrait appeler « le corps fantasme » ou le « corps de rêves » existe certainement dans le tantra traditionnel. Mais c'est Carl Gustav Jung qui, dans la psychologie des profondeurs, a intégré cette dimension du tantra. Dans son jardin, il y avait un Shiva-lingam.
Un des outils que nous utilisons, c'est « The Work » de Byron Katie. Ce n'est pas du tout traditionnel, mais en même temps, l'expérience qu'elle a faite de l'illumination ou de la réalisation est de type bouddhiste. De toute façon, le tantra a toujours été ouvert à de nombreuses influences.
PB : Quels autres séminaires proposez-vous ?
DV : Un de nos séminaires très apprécié est la danse de Kali. C'est encore très jungien. Kali est un des aspects de Shakti, c'est la déesse qui donne la vie et promet la mort. Nous y explorons tout un aspect de l'existence qui est souvent difficile à intégrer : l'ombre.
Dans la danse de Kali, le pari est de trouver des outils qui nous permettent de saisir et de réincorporer des aspects de soi que nous avions occulté ou réprimé. C'est un atelier qui libère une immense vitalité. Nous utilisons par exemple Byron Katie ou d'autres méthodes voisines.
Parallèlement, pour récupérer cette énergie, nous utilisons les percussions et les danses avec, chaque fois que c'est possible, un percussionniste présent. Là c'est chamanique. De toute façon le tantra est un chamanisme. C'est très proche du chamanisme amérindien ou sibérien.
PB : Quoi d'autre dans les groupes de tantra ?
DV : Certains groupes sont centrés sur le massage. Le stage « sons, voix et mandala » lui, est centré sur les vibrations sonores pour éveiller notre corps et nos perceptions. Il permet aussi de projeter ces perceptions en créant des mandalas.
C'est un groupe à la charnière entre méditation, présence au corps et créativité.
Plusieurs musiciens qui ont participé à ce groupe m'ont dit avoir constaté que leur formation les avait sclérosé et qu'enfin ils avaient pu se permettre de jouer. Certains m'ont dit « je joue pour la première fois » Ils disaient cela en pleurant.
Un autre atelier que nous animons est le « qui suis-je ? » C'est une technique qui s'est développé dans des milieux qui n'étaient pas spécifiquement tantriques, mais que nous avons réintégré dans la démarche tantrique.
Il s'agit de répondre à la question « dis-moi qui tu es ? » La personne est amenée à rester en focus pendant trois ou quatre jours sur cette question.
Ce qui est étonnant, c'est que l'on peut donner des réponses avec le mental, mais elles ne percutent pas. Puis, tout d'un coup, c'est la question elle-même qui percute : « JE suis » C'est une réalisation dans le présent qui ne peut pas s'expliquer mentalement. Cette réalisation recentre tout et transforme complètement l'existence.
Il y a aussi les journées de méditation qui permettent de découvrir le tantra à travers les techniques de méditation sans qu'il y ai de dynamique de groupe. Et enfin, des soirées d'information à Paris, certains mercredi soir.
Nous avons également écrit un livre : « Le couple sur la voie tantrique »
Nous avons aussi proposé une approche du tantra qui fait le point sur certaines techniques pour un site Internet qui vend des cours par correspondance : www.naalia.com
PB : Il y a des exercices à deux dans les stages. Y a-t-il relation sexuelle entre participants ?
DV : Il n'y a évidemment pas de relation sexuelle dans la salle de groupe. Mais il n'y a pas d'interdit sur les rapports sexuels entre participants comme dans certains groupes d'inspiration psychanalytique. Les participants peuvent, s'ils le veulent, se rencontrer dans leur chambre et hors des périodes de travail en groupe.
En revanche, il y beaucoup de techniques ou de méditations qui intègrent la sexualité dans les groupes de couples. Simplement, chaque couple a sa chambre. Le temps est partagé entre des temps de méditation et d'échange en salle et des temps où les couples sont seuls dans leur chambre pour faire des expériences dont on a donné les explications auparavant.
PB : Voulais-tu ajouter autre chose pour terminer ?
DV : Je crois qu'il faut insister sur le fait que le tantra est la voie du cour. Le tantra permet de redécouvrir le côté sensuel et chaleureux de l'amour, de la sexualité. de la vie !
Beaucoup croient que c'est la voie d'une sexualité améliorée. Le tantra passe par la sexualité mais ne la sur-valorise pas. En tant qu'expérience, c'est extrêmement important, mais le but n'est pas d'améliorer sa sexualité.
Le but est de faire une expérience au niveau de l'être.