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La question de l’argent et de la spiritualité

l'avare

par Emmanuel Moulin

Clarifions notre relation à l’argent !

Dans la société actuelle, l’argent est constamment présent dans notre vie quotidienne. Pas un jour sans avoir à faire avec l’argent. Acheter – Dépenser – Investir – Economiser. Et puis, tout a presque un prix aujourd’hui. Même pour aller aux toilettes, il faut payer dans les villes !

L’argent, c’est un peu comme le couple ou le sexe, c’est à mon sens un sujet délicat avec lequel il n’est pas toujours facile de trouver la bonne attitude et de rester vigilant. L’argent est à la source de nombreux conflits intérieurs et extérieurs : souvent rejeté comme anti-spirituel, il est parfois au contraire idéalisé et recherché avec obsession !

Pourquoi notre rapport à l'argent est-il si difficile ?

Et ne sous-estimons pas cette difficulté : L’enseignant spirituel Arnaud Desjardins écrit dans « L’ami spirituel » que l'argent est un des domaines dans lequel l'ego s'enracine au même titre par exemple que notre vie affective et sexuelle.

L’argent, ce n’est donc pas simplement des billets et des pièces. C’est avant tout le reflet de nos attitudes mentales. L’argent touche à ce qui est de plus profond en nous. L’argent est relié à la mort, c’est notre sécurité. C’est la possibilité de contrôler la vie, d’avoir un certain pouvoir sur les évènements. Notre attitude par rapport à l’argent révèle aussi notre capacité à aimer, notre avarice, nos peurs, notre vision de la vie.

Il me semble qu'il faut regarder le problème en face : si l’argent nous pose un problème, c’est que nous avons un problème avec l’argent.

L’enseignant spirituel Osho dit : « Dès l'instant où vous devenez avare, vous êtes fermé aux phénomènes de base de la vie : expansion et partage. Dès l'instant où vous commencez à vous accrocher aux choses, vous avez raté la cible, vous passez à côté de l’essentiel. Car les choses ne sont pas la cible, c’est vous, votre être le plus intime qui êtes la cible. »

J’ai souvent remarqué chez moi et chez certaines « personnes spirituelles » une tendance à une forme de psychologie de pauvre, ce que j’appellerais un « esprit de pauvreté» (je traduis là l’expression « poverty consciousness » en anglais qui me semble assez proche de ce que je veux exprimer.)

Par le terme « esprit de pauvreté », je sous-entends toutes les attitudes, croyances et valeurs qui sont liées à l’insuffisance matérielle ou à la peur du manque matériel. L’esprit de pauvreté est directement lié à la peur et à la survie. Vous pouvez vivre dans une conscience de pauvreté tout en ayant des revenus importants. Ce n’est pas la question, c’est avant tout un type de mental, une forme de pauvreté intérieure.

J’ai parfois identifié en moi ce personnage misérable, avare et peureux qui correspond à cet « esprit de pauvreté. » Il ne sort pas dans toutes les situations mais dans certaines situations. J’ai remarqué que mes conditionnements de « contrôle » et de « survie » font souvent surface lors des questions pécuniaires. Et j’ai observé que mon attitude face à l’argent ne dépend pas tant de mes revenus que de mes émotions, peurs et réactions mentales.

La semaine dernière par exemple, une personne (que je ne connaissais pas) m’a demandé de lui acheter deux paquets de cigarettes et ne m’a ensuite jamais payé, eh bien, ces 8 € ont bien mis quelques jours à quitter mon esprit !

Souvent, je m’inquiète, est-ce que je me fais avoir si j’achète telle ou telle chose ? Dès fois, je suis même un peu parano ! En dépensant des grosses sommes, je vois parfois aussi des peurs de survie agir en moi. J’ai aussi souvent ce désir de mettre fin à l’insécurité. Parfois même, ces émotions s’expriment par des tensions au ventre et un certain stress intérieur.

Ma relation avec ma compagne m’a permis de mieux voir cela car elle a bien sûr des attitudes différentes par rapport à l’argent. Ses peurs ne sont pas les mêmes que les miennes. L’un et l’autre, nous nous aidons à en prendre conscience. Seul, je trouvais que c’était plus subtil, plus difficile à voir. Et dans le travail, mon associé m’a montré que je n’étais pas toujours à l’aise avec l’argent. J’ai par exemple parfois un peu de difficulté pour demander un tarif plus élevé à un client lorsque c’est pourtant juste. J’ai parfois inversement tendance à faire trop d’histoires pour des toutes petites sommes.

C’est pourquoi lorsqu’il y a des questions d’argent, j’essaye donc d’être autant que possible conscient de mes peurs, de mes croyances pour trouver l’attitude juste. Le « juste », c’est pour moi, la relaxation, c’est lorsque je me sens bien avec moi-même avec ma décision.

Quand je dépense de l’argent, je ne fais pas qu’acheter quelque chose. Je partage aussi avec l’autre un moment, une vision. Si le vendeur fait son travail avec coeur, il est tout à fait possible que ce « ressenti » me donne une profonde satisfaction de lui avoir acheté quelque chose même si cela est plus cher !

Bref, la vie me montre chaque jour que ma relation à l’argent est intimement liée à mon niveau de conscience.

En pensant un peu à mon passé, lorsque j’ai découvert la spiritualité, je suis un peu sorti du « monde normal » et petit à petit je me suis trouvé dans un monde un peu « alternatif. » Ne travaillant pas toujours, voyageant souvent, j’ai commencé petit à petit à apprendre à ne pas trop dépenser. A vivre « petit. » A faire des économies ici ou là. Et puis évidemment, c’est bien connu : nous les personnes spirituelles, nous savons bien que « L'argent ne fait pas le bonheur ! »

C’est vrai, on peut fonctionner avec très peu d'argent et avoir une bonne qualité de vie. Je ne vais pas légitimer ici la société de consommation et sa philosophie du « toujours plus » : Il n’y qu’à regarder par exemple en Inde la joie de vivre de certaines personnes dont la pauvreté matérielle choque pourtant nos mentalités d’occidentaux.

Bien sûr qu’on peut vivre simplement... mais il n’existe néanmoins aucune raison pour ne pas vivre avec aisance ! Et surtout dans le monde d’aujourd’hui, comment voulez-vous vivre en harmonie si vous manquez d’argent ? Il faut payer 50 000 choses y compris pour faire des activités spirituelles !

Je pense que la division entre spiritualité et argent est une mauvaise compréhension de la spiritualité. Elle provient en particulier des religions qui ont souvent condamné l’argent, tout comme le sexe. Ce n’est pas l’argent le problème mais nos attitudes mentales. J’irais même plus loin : je pense que la personne spirituelle n’est pas celle qui renonce à l’argent mais celle qui sait unir méditation et créativité, richesse intérieure et extérieure !

Pour moi, l’intelligence c’est de savoir s’adapter à ce monde, de savoir jouer le jeu. Car la vie est un jeu, une aventure de chaque instant. Dans cette aventure, l’argent peut se révéler un moyen de réaliser notre potentiel et de faire simplement des choses que nous avons envie de faire.
Je considère aujourd’hui qu’une personne vraiment mature et consciente est capable de prendre soin d’elle-même, de vivre bien et de faire circuler l’argent. Bien sûr, chaque être humain est unique, nous avons tous un travail différent, nous vivons tous dans un contexte particulier. Et donc, forcément, 200 € ne représentent pas la même chose pour celui qui gagne 10 000 € par mois que pour celui qui n’en gagne que 1 500. Mais, il me semble que l’essentiel n’est pas dans le niveau de revenus mais dans une forme d’attitude générale par rapport à la vie.

On peut vivre dans l’abondance tout en ayant un appartement très simple, un niveau de vie très simple. Si la personne vit dans la générosité, dans la confiance, dans la joie, dans la beauté, alors, elle se trouve dans ce que je nomme « l’abondance. »

Plutôt que de se faire « pomper » par l’argent, la personne spirituelle sait l’utiliser comme un « énergétiseur. » La personne est mature lorsqu’elle sait aller au-delà de ses peurs et si l’abondance matérielle vient vers elle, elle ne la rejettera pas.

Et cela signifie aussi d’arrêter de toujours avoir cette réaction : « Zut encore une dépense ! », et pourquoi pas pouvoir dire « Waouh, super... je suis content d’avoir acheté quelque chose qui me plaît et en même temps d’avoir soutenu quelqu’un ! »

Et nous qui sommes dans une démarche spirituelle, nous ne sommes pas à l’abris de cet « esprit de pauvreté ». C’est que je me demande lorsque certains nous écrivent : « Pourquoi faut-il payer pour méditer à Paris ? Cela devrait être gratuit ! » ou encore lorsque d’autres nous reprochent d'avoir créé une section payante sur ce site "meditationfrance".

D’abord se rendent-ils rendent compte du temps et de l'argent nécessaires pour organiser tout ceci ? Et ensuite, est-ce que le fait d'être gratuit ou payant peut être une garantie de quoi que ce soit ?

En général, nous reconnaissons que les "problèmes" de sexe, de relations, de pouvoir sont bien révélateurs de nos conditionnements mais n’oublions pas de regarder aussi ce que "l'argent" éveille en nous.

Emmanuel Moulin