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Révolution ou Rebellion ?

osho

par Osho

Article publié en 2 parties

Osho amène ici une vision nouvelle peu connue en Occident qui est intéressante notamment pour tous ceux qui se sont intéressés aux actions politiques socialistes ou anarchistes. Il explique pourquoi les révolutions sociales (communistes ou autres) ne peuvent pas réussir et sont condamnées à amener au pouvoir un système dictatorial. Sa vision est celle d’une rébellion, elle se base sur l’individu. Si chaque individu change, le monde changera...

Le texte reproduit ici est une transcription d’un discours prononcé par Osho devant une audience. Une personne lui a posé cette question :

Voici l'histoire d'un disciple qui vient voir son maître pour lui demander si l’homme est libre.
Le maître dit à son disciple de se tenir debout puis il lui demande de lever un pied. Le disciple sur une jambe, l'autre en l'air, comprend encore moins ce qui se passe. Le maître lui demande alors de lever le deuxième pied.
Osho, peux-tu nous parler de la différence entre «la liberté pour» et «la liberté de» ?

Réponse d’Osho (1ère partie) :

La «liberté de quelque chose» est ordinaire, banale. L’homme a toujours essayé d’être libre des choses. Ce n’est pas créatif. C’est l’aspect négatif de la liberté. La «liberté pour quelque chose» est au contraire la créativité. Vous avez une certaine vision que vous souhaiteriez faire et vous voulez avoir la liberté de le faire.

La «liberté de quelque chose» provient toujours du passé alors que la «liberté pour quelque chose» est orientée vers l’avenir.

La «liberté pour quelque chose» a une dimension spirituelle car vous avancez dans l’inconnu et peut-être qu’un jour vous irez même dans l’inconnaissable. Cette liberté va vous donner des ailes. La «liberté de quelque chose» peut au mieux vous retirer les menottes des mains. Et sachez que ce n’est pas toujours bénéfique, toute l'histoire de l’humanité en est la preuve. Les gens n’ont jamais pensé à la seconde liberté sur laquelle j’insiste.

Ils ne pensent qu’à la première forme de liberté parce qu’ils n’ont pas pris conscience de la seconde. La première liberté est visible : ce sont les chaînes à vos pieds et les menottes à vos mains. Vous voulez en être libre mais ensuite, qu’allez-vous faire de vos mains libres? Il est même fort possible que plus tard vous regrettiez d’avoir demandé la «liberté de. »

Cela c’est d’ailleurs produit à la prison de la Bastille pendant la révolution française. Cette prison était la plus réputée de l’époque, elle était réservée à ceux qui étaient condamnés à perpétuité. Vous ne sortiez jamais vivant de cette prison. Une fois que quelqu’un de nouveau était incarcéré, les gardiens, paraît-il, jetaient même les clés au fond d’un puits qui se trouvait dans l’enceinte de la Bastille. Ils savaient que les serrures ne seraient plus jamais utilisées. Il y avait plus de cinq mille prisonniers dans cette prison et ils ne sortaient jamais vivants de leur cellule alors pourquoi garder autant de clés?

Bien sûr, les révolutionnaires français ont pensé que la première chose à faire était de libérer les prisonniers de la Bastille. C’est inhumain de mettre quelqu’un dans une petite cellule sombre jusqu’à sa mort et cela quelque soit ce qu’il ait fait. Ils pouvaient rester enfermés cinquante ou même soixante ans. Une telle attente est une immense torture pour l’âme. Ce n’est pas une punition, c’est de la vengeance pure parce que ces gens ont désobéi à la loi. La punition est sans commune mesure avec les actes.

Les révolutionnaires se sont donc empressés d’aller ouvrir les cellules pour faire sortir les prisonniers. Et à leur grand étonnement, la plupart ne voulaient pas sortir de leur cachot.

Vous pouvez comprendre pourquoi. Une personne qui a vécu pendant soixante ans dans l’obscurité ne peut plus supporter le soleil. Elle ne veut plus s’exposer à la lumière. Ses yeux sont devenus très délicats. Et puis pourquoi faire? Elle a maintenant quatre vingt ans. Quand elle est entrée dans la prison, elle en avait vingt. Toute sa vie s’est passée dans une petite cellule obscure. C’est devenu en quelque sorte sa maison.

Et donc les révolutionnaires français sont arrivés pour libérer les prisonniers. Ils ont brisé leurs chaînes et leurs menottes puisqu’il n’y avait plus de clé. Mais les prisonniers résistaient, ils ne voulaient pas quitter la prison. Ils disaient: «Vous ne comprenez pas notre situation. Un homme qui a été soixante ans dans cette prison, que fera-t-il à l’extérieur? Qui va lui donner de la nourriture? Ici, la nourriture lui est donnée et il peut se reposer en paix dans sa petite cellule obscure. Il sait qu’il est presque mort. Dehors, il ne pourra pas retrouver sa femme ou savoir ce qu'il lui est arrivée. Ses parents doivent être déjà morts. Ses amis sont peut-être aussi morts ou ils l’auront complètement oublié. Et personne ne va lui donner du travail. Qui veut d’un homme qui n’a pas travaillé pendant soixante ans? Et surtout d’un homme qui sort de la prison de la Bastille là où les plus grands criminels se trouvent? Rien que prononcer le mot «Bastille» suffira pour se voir refuser n’importe quel travail. Pourquoi nous forcez-vous à sortir? Où est-ce que nous allons dormir? Nous n’avons pas de maison. Nous avons presque oublié les lieux où nous vivions. Et depuis d’autres personnes doivent vivre là où nous étions. En soixante ans, le monde a sûrement changé, nous ne pourrons pas nous adapter. Ne nous torturez pas une fois de plus. Nous avons été suffisamment torturés. »

Et quelque part, ce que disaient les prisonniers était tout à fait compréhensible. Mais les révolutionnaires sont des gens têtus. Ils n’ont pas voulu écouter. Ils ont forcé ces hommes à sortir de la Bastille mais le soir même, presque tout le monde était déjà revenu. Ils ont dit : «Donnez-nous s’il vous plaît quelque chose à manger, nous sommes affamés. »

Quelques-uns uns sont revenus en plein milieu de la nuit et ils ont dit : «Rendez-nous nos chaînes car nous ne sommes pas capables de dormir sans elles. Nous avons dormi pendant des dizaines d’années avec ces chaînes et ces menottes et aujourd’hui elles sont devenues un peu comme une partie de notre corps. Nous n’arrivons pas à dormir sans ces chaînes. Nous voulons retourner dans nos cellules, nous y étions parfaitement heureux. Ne nous imposez pas votre révolution. Nous sommes de pauvres gens. Vous pouvez faire votre révolution ailleurs que dans cette prison. »

Les révolutionnaires étaient en choc. Mais, cet incident montre que «la liberté de quelque chose» n’est pas nécessairement une bonne chose!

Vous pouvez voir que ceci est vrai dans le monde entier. Certains pays se sont libérés de l’empire britannique, d’autres de l’empire espagnol ou encore portugais par exemple. Mais souvent leur situation est encore bien pire que lorsqu'ils étaient des colonies. Au moins, dans leur esclavage, ils s'y étaient habitués. Ils avaient abandonné toute ambition, ils acceptaient leur situation comme leur destin.

La liberté de l'esclavage crée tout simplement le chaos.
Toute ma famille a été engagée dans la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Ils ont tous été en prison. Leur éducation a été fortement perturbée. Aucun n’a pu obtenir des diplômes à l’université car ils ont tous étaient arrêtés avant de passer les examens. L'un a fait trois ans de prison, un autre quatre ans. Et ensuite, il était trop tard pour reprendre des études de nouveau et ils sont devenus des résistants. En plus, en prison, ils avaient rencontré tous les grands chefs de la révolution. Toute leur vie était désormais dévouée à la révolution.

J’étais encore très jeune à ce moment là mais je me rappelle que j'en discutais déjà avec mon père et mes oncles. Je leur disais : «Je peux comprendre que l’esclavage est horrible et que cela vous déshumanise, vous humilie, ne respecte pas votre dignité d'être humain.
Cela doit être combattu. Mais ma question est la suivante : qu’allez-vous faire lorsque vous serez libre? Vous savez vivre dans l’esclavage, est-ce que vous savez vivre dans la liberté? Dans l’esclavage, un certain ordre est maintenu sinon, vous êtes arrêté ou tué. Savez-vous que dans la liberté, il en sera de votre responsabilité de maintenir l’ordre? Personne ne vous tuera et personne ne sera responsable de ceci. Est-ce que vous avez demandé à vos dirigeants pour quoi cette liberté sera-t-elle faite?

Et je n’ai jamais reçu aucune réponse. Ils ont dit : «En ce moment, nous sommes tellement occupés à nous débarrasser de l’esclavage que nous verrons plus tard, ce que nous ferons avec la liberté. »

J’ai répondu : «Votre attitude n’est pas scientifique. Si vous détruisez votre vieille maison, vous devriez déjà préparer les plans de la nouvelle maison.

Il est préférable de préparer le projet de la nouvelle maison car sinon ensuite vous serez sans maison et vous souffrirez inutilement. Car, il est évident qu’il vaut mieux avoir une vieille maison que de ne pas en avoir du tout! »

Des grands chefs de la révolution venaient parfois visiter ma famille. Et c’était toujours mon argument. Et je n’ai jamais trouvé un seul révolutionnaire qui puisse m’expliquer ce qu’ils allaient faire de la liberté.

La liberté est finalement arrivée avec l’indépendance du pays et que s’est-il passé? Les hindous et les musulmans se sont entretués par millions. Jusqu’à présent ils avaient été sous le contrôle des forces britanniques. Dès que les Britanniques se sont retirés de l’Inde, des émeutes ont commencé. La vie de chacun était en danger. Des villes entières étaient en feu, des trains étaient attaqués et les gens brûlés vifs dans les trains.

Je me suis alors fait cette réflexion : «C’est quand même étrange. Sous l’esclavage, il n’y avait pas de tels problèmes et maintenant que la liberté est là, la violence est partout. La simple raison c'est que les gens n’étaient préparés à vivre cette liberté. »

Les divisions du pays sont soudainement apparues avec d’un côté les hindous et de l’autre les musulmans. Personne n’y avait pensé. Dans tout le pays, c'était le chaos et les gens qui étaient arrivés au pouvoir avaient une réelle compétence pour brûler les ponts et les prisons, pour tuer les gens qui avaient réduit le pays à l'esclavage. Mais leur compétence n’avait rien à avoir avec ce qu’il faut savoir pour reconstruire un nouveau pays.
Mais c'étaient les leaders de la révolution, alors naturellement ils sont arrivés au pouvoir. Ils s'étaient battus, ils avaient gagné et alors le pouvoir est arrivé entre leurs mains. Mais ce n'était pas les bonnes mains.

Il ne faudrait jamais donner le pouvoir à un révolutionnaire parce que le révolutionnaire sait comment faire un sabotage mais il ne sait pas comment créer. Il ne connaît que la destruction. Il devrait être honoré, respecté, on lui décernerait une médaille d'or mais on ne devrait jamais lui donner le pouvoir.

Il faut au contraire trouver les gens qui soient créatifs mais ce sera des gens qui n'ont pas participé à la révolution.

C’est une question délicate car les personnes créatives sont intéressées par leur créativité et non pas par celui qui dirige le pays. Quelqu’un doit forcément diriger le pays que ce soit les Indiens ou les Britanniques, peu importe. Les personnes créatives sont seulement concernées par mettre toute leur énergie dans leur travail créatif et alors elles ne sont jamais dans les rangs des révolutionnaires. Mais du coup, les révolutionnaires ne veulent jamais qu'elles aient le pouvoir. Ils n’ont pas participé à la révolution, pourquoi devraient-elles obtenir le pouvoir?

C’est ainsi que toutes les révolutions ont à chaque fois échoué. Et la raison est que ceux qui ont fait la révolution n’ont qu’un type de compétence et les personnes qui elles sont capables de créer un nouvel ordre social, un nouveau pays et de responsabiliser les gens appartiennent à un autre groupe. Les personnes créatives ne participent pas à la destruction, au meurtre. Mais, du coup, elles ne peuvent pas accéder au pouvoir. Le pouvoir tombe dans les mains de ceux qui ont combattu. Donc, naturellement, toute révolution échoue forcément tant que ce que je viens de dire n’a pas été clairement compris.

La révolution a deux étapes et il faudrait en fait deux types de révolutionnaires. Le premier est lié à la «liberté de quelque chose. » Et puis un second qui travaille lorsque le premier a terminé. Le second serait quant à lui lié à la «liberté pour créer quelque chose. » Mais, une telle combinaison, un tel partenariat est difficile à réaliser. Qui peut organiser une telle coopération? Les gens ont une telle soif de pouvoir. Quand les révolutionnaires sont victorieux, ils s’approprient le pouvoir. Ils n’ont pas la sagesse de le donner à quelqu’un d’autre et c’est ainsi que le pays tombe en général dans le chaos. Et ensuite chaque jour, la situation se dégrade peu à peu dans tous les domaines.

C’est pourquoi je ne suggère pas de faire la révolution. J’enseigne au contraire la rébellion. La révolution est faite par la foule. La rébellion est faite par l’individu. C’est l’individu qui se change lui-même. Il ne se préoccupe pas des structures du pouvoir. Il met son énergie dans la transformation de son être pour donner naissance à un nouvel homme. Et si tout le pays est rebelle…
Ce qui est merveilleux au sujet de la rébellion c’est que les deux types de révolutionnaires peuvent y participer. Car dans la rébellion, il y a beaucoup à détruire et beaucoup à construire. Certaines choses doivent être détruites pour pouvoir créer ensuite. Donc, la rébellion a un attrait pour tout le monde, ceux qui sont intéressés par la destruction et ceux qui sont intéressés par la créativité.

La rébellion n’est pas un phénomène de masse, c’est de votre propre individualité dont il est question. Et si des millions de personnes passent à travers cette rébellion, alors le pouvoir des pays, des nations, sera dans les mains de ces personnes qui sont rebelles. La révolution ne peut réussir que dans la rébellion. Sinon, la révolution reste profondément divisée.
La rébellion est une, unie.

Dans la rébellion, rappelez-vous bien que la destruction et la créativité avancent main dans la main, elles se soutiennent mutuellement. Ce ne sont pas des phénomènes séparés. Si vous les séparez comme dans le cas des révolutions alors c'est la même histoire qui se répète.

Fin de la première partie

Extrait de La liberté – Le courage d’être soi-même. Osho

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Qui est 0sho ?
Osho est reconnu comme l’un des enseignants spirituels les plus influents et les plus provocateurs du monde actuel et l’Inde, son pays de naissance, lui accorde maintenant une grande considération. Le Dalaï Lama aussi l’a reconnu comme l’un des « maîtres de sagesse » de notre époque. N’appartenant à aucune tradition, il propose une approche nouvelle de la spiritualité et de la vie en société. Cliquez ici pour plus de détails sur Osho sur notre site