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Les mouvements de Gurdjieff : au masculin et au féminin
par Amiyo Devienne
Dans ce monde où le Faire l'emporte sur l'Etre, où la valeur humaine se mesure à son efficacité et à son automatisme productif, qui suis-je? Quelle est ma place? Comment me connecter avec paix, beauté, grâce, harmonie et silence?
" Tout ce qui vous amène à vous-mêmes est méditation. Trouver sa propre méditation est d'une importance capitale,
car au fait même de la trouver se joindront une grande joie,
plus de paix , plus de silence, plus d'unité, plus de dignité, plus de grâce"
Osho.
Quand, en 1989 Osho me demanda de commencer à enseigner les Mouvements de Gurdjieff dans sa communauté à Poona, j'étais loin de me rendre compte que je ferai mes premiers pas sur un chemin qui constitue l'essentiel de ma vie.
Pour de nombreuses personnes aussi, la pratique des mouvements de Gurdjieff s'est avérée être leur méditation en mouvement.
Très conscient de la compulsion de l'homme moderne à être sans arrêt actif, Gurdjieff introduisit les Mouvements comme une des pratiques les plus essentielles pour vivre son enseignement de facon directe et dynamique.
Vivant la plupart de mes activites en mouvements et souvent en stress, je trouvais dans cette approche enfin la possibilité de me connecter avec l'immobilité et le repos intérieurs.
Avant sa mort, Gurdjieff confia la responsabilité de son enseignement à Mme De Salzmann, en particulier la transmission des mouvements, ce qu'elle fit avec une intelligence et une clarté extraordinaires. De plus, elIe y ajouta une dimension plus féminine, enseignant autant la notion d'effort que celle du lâcher-prise, de la disponibilité envers une énergie supérieure qui entre par la tête et se transmet à tout l'Etre, particulièrement dans la pratique des Mouvements. Elle ajouta aussi la méditation assise à l'aspect plus actif du travail.
Elle suggéra :
3 CLES ESSENTIELLES
3 pratiques que l'on peut toujours faire :
- Garder une sensation du corps ou partie du corps aussi souvent que possible
- Respirer consciemment aussi souvent que possible
- Pratiquer l'économie d'énergie en soi: Atteindre un état de relaxation physique, émotionnel et mental
Il y a en nous toutes sortes d'agitations, tensions et dissimulations, liés à la peur, exprimée ou cachée. Tout s'inscrit dans le corps : quelque chose me tracasse. J'ai un rendez–vous important, et me voici bloquée dans un embouteillage à l'entrée de la ville. J'observe la respiration qui se raccourcit, les mâchoires qui se serrent et la tendance à imaginer le pire.
Si je deviens attentive à moi-même à ce moment–là, je vois que j'ai le choix: ou me laisser torturer par l'angoisse, ou rester connecter avec une de ces 3 clés.
Je vois que peu à peu l'angoisse perd de son emprise sur moi et le soleil brille de nouveau!
Quand le corps est détendu, le coeur ouvert, le mental calme, nous bougeons en conscience bras et jambes et sommes habités par une qualité de vibration particulière que l'on peut appeler la Présence. Le corps entre alors en résonance avec une qualité d'énergie plus fine et subtile. Il est libéré de la prison des habitudes et automatismes inconscients.
VOLONTE ET SOUMISSION
Dans l'apprentissage des Mouvements, bien sûr, il y a d'abord l'effort d'attention. Notre attention dans la vie ordinaire reste souvent à un niveau passif, prise ici et là, comme une girouette dans le vent, par tout événement extérieur, par toute personne qui passe, et qui ne nous concerne pas vraiment. ….ce qui fait d'ailleurs, la richesse des médias….
Ici, face à notre inertie, nous développons une attention qui est plus consciente, plus active; plus délibérée. J'apprends à vivre le choix et la liberté de mettre mon attention là où je sens que c'est intéréssant ou important.
Puis vient un moment dans la pratique où il est nécessaire de lâcher prise et de se soumettre à une force plus grande que nous-mêmes qui est la force du groupe, mais aussi celle du mouvement lui-même. Ce moment de transition entre effort et non-effort est subtil et individuel : il peut y avoir trop d'effort, ou pas assez. Nous marchons sur le fil du rasoir. D'un côté inertie, de l'autre domination et une certaine forme de violence.
Cela m'est particulièrement cher, ce sentiment d'abandon à une vague collective faite de musique, de grâce, remplie de l'archétype que le mouvement représente: Un mouvement derviche, et c'est tout mon être qui s'embrase de dynamisme et d'éveil intense; une prière, et un lien fragile mais tangible se crée avec un espace de paix et d'union.
Le guerrier et l'amoureux.
Mon expérience avec le Travail de la 4 ème Voie, nom qui désigne la voie transmise par Gurdjieff, m'a montré à quel point il est important de vivre à la fois Volonté et Amour. La pratique des Mouvements peu à peu nous met en connection avec le pouvoir de notre volonté, avec une force intérieure, avec nos capacités, qui si elles étaient seules, pourraient amener un dangereux malentendu.
Une certaine domination sur nous-mêmes et sur les autres qui n'est pas le vrai pouvoir.
Le pouvoir n'est pas le pouvoir sur les autres, ou même sur soi-même, le désir destructif de dominer, la comparaison, la compétition et l'intransigence.
Le pouvoir, c'est notre propre force vitale, une flamme intérieure qui désire s'affirmer dans sa totalité, et nous mener à accomplir notre destinée la plus élevée.
D'où l'importance de développer en nous sensibilité multidimensionnelle et soumission à une dimension plus élevée.
UNE DOUBLE STRATEGIE POUR UNE PRESENCE STABLE
La Présence est un mystère fascinant, une vibration d'Etre ici et maintenant.
Dans la vie quotidienne, nous sommes souvent passifs, à la merci de tout ce qui nous affecte. Le mental entend des mots qu'il croit comprendre et immédiatement, il s'emballe dans des associations automatiques et toute sortes d'histoires ; les sentiments et émotions s'enflamment aveuglément, et le corps se sent abusé, ou apathique ; lourd et encombré de désirs successifs.
Mais où suis-je réellement là-dedans? Ou est ma liberté?
Dans l'expérience de la Présence est la Liberté.
Une attention libérée, qui implique à la fois mon corps, mon coeur et mon esprit.
Est-ce que mon mental peut devenir silencieux et immobile, et percevoir ce qui est sans y ajouter de mots, de noms, de valeurs, de jugements?
Les mouvements nous amènent à cet état où la conscience est présente autant pour s'observer soi-même que pour observer la vie autour de soi : Les personnes, la musique, l'espace, la lumière et les couleurs …
En enseignant les mouvements, je suis souvent confrontée à cette situation délicate : La répétition de ces mouvements qui doivent être pratiqués de facon très précise risque de renforcer l'automatisme et la tendance à imiter aveuglément sans ajouter la conscience.
Pour éviter cela, une double stratégie :
- Ou bien il faut guider l'attention de plus en plus profondément dans l'observation des sensations du corps, des émotions et sentiments éveillés par la pratique, des postures et transitions, dans un travail lent et minutieux.
- ou bien il faut plus d'intensité et un tempo plus rapide dans le corps, pour en éveiller la force . A ce moment là, le mental lâche prise au controle et s'éveille au moment présent. Le mouvement n'est plus pensé mais vécu de facon organique.
La créativité de l'instructeur se situe à ce niveau là. Parler le moins possible pour ne pas encourager la tête à "faire " le mouvement. Et maintenir vitalité, vigilance, et relaxation au niveau individuel et collectif.
Ou comment faire l'expérience de la Présence, Présence à soi et aux autres, Présence à ce qui est, et en même temps cette joie infinie d'un mouvement en liberté, nourrie par une nouvelle énergie qui laisse un goût indéniable au fond du Coeur de l'Etre.
Alors seulement peut on parler de Mouvements Sacrés.
Amiyo Devienne
Pour en savoir plus sur les mouvement Gurdjieffs enseignés par Amiyo