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Jeux de pouvoir et manipulations
Par Dominique Vincent
Les mécanismes dont nous parlons ici, sont, généralement, non volontaires et inconscients. Le pari est de les amener à la conscience sans se culpabiliser ni culpabiliser l'autre. Il s'agit d'une prise de responsabilité.
Dans nos relations, nous interagissons les uns avec les autres selon de multiples attitudes et stratégies. Dans l'idéal, dans un climat de bienveillance mutuelle, chacun désire le bien-être de l'autre. Malheureusement nos rapports sont trop souvent dominés par la peur de l'autre. L'enfer, c'est les autres, disait Jean-Paul Sartre. Si l'autre est dangereux a priori, il faut que je l'aborde en position de force. Je peux chercher à l'intimider, à faire en sorte qu'il ait plus peur de moi que je n'ai peur de lui. Si je ne me sens pas capable d'établir un rapport de force à mon avantage, je peux tenter de déstabiliser l'autre par différentes stratégies, les meilleures étant celles qui se repèrent le moins facilement. Par exemple, je peux tout simplement faire semblant de ne pas avoir vu quelqu'un dans un groupe que je sais avoir besoin de reconnaissance. Quand cela est fait de manière habile, la personne ne se sent pas bien sans pouvoir identifier ce qui s'est passé. Elle perd une partie de sa stabilité et de son pouvoir en face de l'autre.
Qu'est-ce qui fait que nous nous empêchions mutuellement de nous épanouir ? Nous l'avons déjà dit, c'est la peur. Nous pouvons avoir peur de perdre le contrôle de la situation. Si je ne suis pas aux commandes, plus fort ou plus intelligent, qu'est-ce que l'autre va me faire? Si mon partenaire est sûr de lui, bien dans sa peau, il n'aura plus besoin de moi et va se tourner vers quelqu'un d'autre. Je revivrai alors la terreur de l'abandon et de la solitude. Si mon fils étudie et grandit, un jour il verra mes limites, me supplantera et m'écrasera. Pire encore, plus j'ai humilié mon fils, plus je crains qu'il ne prenne sa revanche un jour et plus je dois l'inférioriser pour qu'il en soit incapable. Combien de fois ai-je entendu ce témoignage d'hommes : Ce n'est que le jour où je me suis senti assez fort et que j'ai envoyé mon poing à la figure de mon père qu'il s'est calmé et ne m'a plus jamais touché. Une mère peut ressentir la peur que sa fille ne devienne plus belle ou plus séduisante qu'elle et lui faire sans cesse des remarques comme: "C'est dommage que tu aies le nez si court, autrement tu ne serais pas si mal," ou d'autres remarques encore plus subtiles encore.
Un supérieur hiérarchique peut craindre que son subalterne ne soit plus compétent que lui. Il lui fera remarquer toutes ses erreurs. Dans l'arène politique, tous les coups sont permis. Ce n'est pas le contenu du débat qui importe mais les sondages préélectoraux. Celui qui réussit à faire sortir l'autre de ses gonds a gagné car il sait que le public ne supporte pas ceux qui perdent leur self contrôle.
Comment nous sentons-nous sous une attaque perverse ? Blessé, désemparé ébranlé, en difficulté à identifier ce qui se passe et à répondre à la situation de façon claire. Que répondre à une remarque comme celle-ci ? « Arrête de danser comme ça, je suis connu ici » Comment nous sentons-nous quand nous nous apprêtons à lancer une attaque perverse ? » La plupart du temps, nous ne nous en rendons pas compte car nous sommes identifié au mécanisme de survie impliqué et notre esprit nous fournit toutes les justifications nécessaires. Nous sommes certainement dans un malaise profond et nous allons créer le même malaise chez la personne qui va recevoir cette attaque.
De nombreux livres ont été publiés ces dernières années sur la manipulation. Ils présument tous que vous êtes la victime et que l'autre est le manipulateur, voire le manipulateur pervers… Si vous vous intéressez à de tels livres, il est probable que cela est vrai, au moins partiellement. Vous vous y intéressez parce que vous avez souffert ou souffrez en ce moment de manipulations au foyer ou au travail. Cela ne signifie pas que vous ne soyez pas vous-mêmes un manipulateur à vos heures. Après tout, le manipulateur l'est probablement devenu parce qu'il a lui-même été manipulé. Chacun d'entre nous utilise des techniques de manipulation pour des raisons variées et spécifiques au moins de temps en temps. L'important me semble d'en comprendre les mécanismes, d'une part pour ne pas se laisser berner et détruire et, d'autre part, pour ne pas utiliser soi-même ces mécanismes qui de toutes façons, sont anti-productifs et desservent en premier lieu celui qui les utilise. A l'extrême ils conduisent à la maladie, à la mort, au suicide…
La clef se trouve dans l'écoute de vos ressentis: Vous ne vous sentez pas bien en pendant ou après la rencontre de quelqu'un. Comment ressentez-vous ce malaise dans votre corps? Quand en êtes-vous devenu conscient? Quels gestes ou quelles paroles précises ont été posés? Par exemple un participant d'un de mes groupes me dit: Je ressens ta violence et ta douceur. Je me sens immédiatement subtilement déstabilisé. En quoi me trouve-t-il violent? Me dit-il qu'il ressent de ma part une violence sournoise ou inconsciente? Un peu plus tard, je lui demande ce qu'il a voulu dire précisément. Il me dit qu'il apprécie ma force en même temps que ma douceur. Pourquoi alors utiliser le mot violence à la place du mot force? Le but caché est manifesté par le résultat, une légère déstabilisation. Que dire d'une personne qui vous dit qu'elle a besoin de votre aide et de vos suggestions et qui trois phrases plus loin vous dit que vous intervenez trop dans sa vie et que cela la bloque. Comment vous sentez-vous devant de telles injonctions paradoxales?
Observez ce que vous ressentez au cours de réunions de famille, de repas d'affaire, de rencontres informelles entre amis ou au club de sport, particulièrement quand il y a des blagues, de l'ironie les uns sur les autres. Quand est-ce que vous vous amusez légèrement, quand est-ce que vous ressentez un malaise léger ou extrême? Le montrez-vous? Partagez-vous quand cela dérape et commence à vous blesser? Mais aussi notez bien quelles sont les blagues que vous utilisez vous-même: S'agit-il d'un vrai plaisir ou d'un duel caché?
La personnalité manipulatrice perverse
La manipulation peut dépasser le cadre des jeux de pouvoir occasionnels dont les modes dépendent de notre type de personnalité, en termes psychologiques, de nos structures caractérielles et de nos mécanismes de défense. Soyons clair : Chacun manipule à des degrés divers et cela fait partie de nos systèmes d'adaptation plus ou moins justes et efficaces. Par contre, cela peut devenir chez certaines personnes un mode relationnel structuré. On parle alors de personnalités manipulatrices perverses, ce qui est très proche de ce que d'autres décrivent comme structure psychopathe. Les raisons de la construction d'une personnalité manipulatrice perverse qui contient des traits paranoïaques importants, semblent être à chercher dans le trans-générationnel, dans une absence extrême de sécurité. Il faut chercher l'endroit où l'enfant a été abandonné, terrorisé, trahi dans l'amour et la lumière qu'il apporte, laissé sans protection et sans recours très jeune et à l'adolescence. Les comportements de manipulations sont à classer au nombre des stratégies de survie dans un milieu où l'enfant ne peut croire qu'il puisse être aimé et protégé.
Comme Arnold Mindell et beaucoup d'autres, je me méfie des typologies et des diagnostics médicaux. Ce qui est un processus, ce qui décrit des modes de fonctionnements plus ou moins figés et répétitifs, se trouve cristallisé avec un diagnostic emprunt de gravité et un pronostic dévastateur qu'on peut décrire comme une prophétie auto réalisatrice. Il en est ainsi particulièrement pour la schizophrénie et la manipulation dite perverse. Dans mon expérience de thérapeute, l'un et l'autre de ses modes de fonctionnement peuvent se transformer en profondeur. Le plus bel exemple en est donné par Byron Katie qui relevait de la psychiatrie avec un diagnostic évident de paranoïa extrême. Pour commencer, ces personnes ont besoin de reconnaître leur souffrance et de vouloir en sortir. Elles ont aussi besoin de rencontrer au moins une personne en qui elles acceptent de faire confiance. Il faut encore qu'elles soient courageuses et prêtes à faire face à leur fonctionnement sans complaisance. C'est ce qui est arrivé à Byron Katie dans sa rencontre avec un psychologue inconnu au téléphone. Elle témoigne : Dans sa voix, j'ai senti qu'il y avait une attention vraie, de l'amour, de la compassion. Cela lui a permis un peu plus tard de comprendre dans un véritable moment d'illumination que toute sa souffrance trouvait sa source dans son fonctionnement mental.
J'ai découvert un texte qui expose magistralement l'organisation interne et la configuration énergétique corporelle des différentes structures caractérielles. C'est le chapitre 13 du livre « Le pouvoir bénéfique des mains » de Barbara Ann Brennan. Je vais reprendre ici celle qu'elle appelle la structure déplacée ou psychopathe. Une telle personne a fait l'expérience dans son enfance de la séduction du parent de sexe opposé qui veut obtenir quelque chose d'elle. Par exemple un père qui n'arrive pas à obtenir une relation affective satisfaisante avec sa femme va avoir tendance à séduire sa fille pour remplir son manque à la place ce que ne lui apporte pas son conjoint. En conséquence la personne psychopathe éprouve profondément un grand besoin de sécurité et simultanément ne peut faire confiance à ceux qui lui en apportent. D'une part, il n'a pas été reconnu et soutenu par le parent de son sexe et s'est tourné vers le parent de sexe opposé. Mais celui-ci cherchant à la séduire pour finalement la trahir, elle cherche désespérément à obtenir ce qu'elle veut en manipulant avec un fort sentiment de: "J'y ai droit et je l'obtiendrai coûte que coûte." Pour survivre, elle en vient à observer constamment les personnes et les situations et à calculer toutes ses réactions.
Un aspect important est la nécessité de se contenir, en particulier de contenir sa colère pour réussir cette maîtrise de la situation. Elle a besoin de soutien, de chaleur et d'encouragement mais, comme elle ne peut faire confiance à personne et se sent désespérément seule, elle utilise la séduction ou la menace directe ce qui induit crainte, soumission et dépendance affective. Elle recherche le pouvoir et la domination sur les autres pour ne plus se sentir menacée d'aucune manière. Sa sexualité est minée par son agressivité envers le sexe opposé. Malgré ses affirmations contraires, son attitude est profondément de supériorité et de mépris en défense contre un sentiment d'infériorité dévastateur. Cela mène à des échecs amoureux et professionnels à répétition.
Son attitude envers la psychothérapie individuelle ou de groupe est paradoxale. Elle y est poussée par un terrible sentiment d'échec et veut reprendre son pouvoir. Elle demande de l'aide mais de ce fait même se sent en danger. Elle cherche donc à affirmer sa supériorité sur le thérapeute et les autres personnes du groupe car, sans cela, elle se vit en danger d'être humiliée, écrasée et détruite. Le nœud commence à se desserrer quand elle entrevoit la bienveillance d'autres personnes, en particulier de celle du thérapeute et commence à se détendre.
« En début de travail » dit B. A. Brennan, « la première couche de la personnalité que l'on rencontre est le masque qui déclare : « J'ai raison, donc vous avez tort. » Après un sondage plus profond, le moi inférieur dira : « Je vais arriver à vous contrôler. » A l'heure de la résolution du problème, le moi supérieur de la personnalité émerge et déclare : « Je me soumets, je n'ai plus envie de résister. » souvent à la suite de tentatives exténuantes du moi inférieur.
B. A. Brennan continue en donnant des indications précieuses sur la structure énergétique qu'elle perçoit directement grâce à ses dons de voyance. La circulation énergétique est bloquée entre le haut et le bas du corps. La partie haute est surinvestie et comme enflée en particulier au niveau des lobes frontaux du cerveau. Le but en est d'affronter et de dominer ses interlocuteurs par la puissance de l'intellect et de la volonté. Cela génère une forte tension au niveau de la base du cou et des épaules, de la base du crâne et des yeux. L'ensemble du bassin, bas ventre, pelvis, zone génitale, sacro-iliaque et hanches est désaffecté car perçu comme non nécessaire à la survie. C'est la quête intellectuelle au service de la volonté qui remplit ce rôle. Malgré une stature qui peut être puissante mais souvent non reconnue comme telle à cause d'expériences répétées de figement, la personne est peu solide sur ses jambes, peu enracinée, ce qui renforce son sentiment d'infériorité et de mise en danger.
B. A. Brennan continue : « La structure psychopathe se bat contre sa peur de l'échec et de la faillite. Déchirée entre sa dépendance envers les autres et son besoin de les contrôler, elle a peur d'être manipulée, utilisée, victime, ce qui serait pour elle la pire des humiliations. Sa sexualité est affaire de pouvoir. Le plaisir de la conquête est secondaire. Elle s'efforce avant tout de cacher ses besoins, préférant amener son entourage à avoir besoin d'elle. (…) Le psychopathe se sert de ses puissants lobes frontaux pour projeter des arcs d'énergie vers la tête de son interlocuteur, afin de le maintenir sous l'emprise mentale de son type de défense. Il peut aussi s'engager dans un déni verbal, exploser d'une colère volcanique comparable à celle du système de défense hystérique. Mais son énergie contrôlée, équilibrée, ne comporte pas la même sorte de chaos. »
La personne doit réellement déposer les armes en prenant conscience que sa méfiance origine dans le passé et n'est plus nécessaire. Cela lui semble souvent une tâche impossible jusqu'au moment où elle découvre la réalité de l'affection et de la bienveillance de ceux qui l'entourent dans le présent. Le renoncement quasi sacrificiel à contrôler les autres libère une énergie fabuleuse qui redevient disponible pour la vie et pour l'amour. Elle peut descendre de la tête et réinvestir le coeur et la sexualité. Elle peut se révéler un ou une ami solide, sensible et fidèle.
Cette personne éprouve souvent un profond sens de l'honneur et des valeurs sociales. Noblesse, sincérité et courage lui viennent facilement. Cela est possible dès qu'elle dépasse le besoin inconscient et impérieux de dominer. « Lorsque les énergies de son moi supérieur se libèrent, il devient scrupuleusement honnête et d'une grande intégrité. Son intellect hautement développé peut servir à résoudre des différends, à aider les autres à trouver leur vérité. Son honnêteté les guide vers la leur. Il excelle dans l'aboutissement de projets complexes et son grand cœur est plein d'amour. » Affirme B. A. Brennan à partir de son expérience de thérapeute.
Je donne ici plus d'importance à la manipulation perverse qu'aux autres structures de personnalité car c'est souvent la plus difficile à déceler. C'est aussi celle qui est la plus directement impliquée dans les jeux de pouvoir. De nombreuses personnalités publiques occupant de hautes responsabilités politiques ou d'affaires utilisent ce type de stratégie. Le jeu du roi permet de dévoiler et de comprendre ces mécanismes et de travailler efficacement sur eux. Par contre cela n'enlève en rien l'intérêt de reconnaître et de travailler sur les autres structures défensives. B. A. Brennan décrit et analyse beaucoup plus positivement que d'autres auteurs cinq structures caractérielles. Elle en donne un tableau remarquable qui indique les aspects énergétiques et les chemins de la guérison. Il s'agit des structures schizoïde, orale, psychopathe, masochiste et rigide. Nous pouvons les comparer à des modes de fonctionnement. Chacun d'entre nous soumis au stress et à l'angoisse va recourir principalement à l'un ou l'autre de ces modes sans exclure les autres à l'occasion. Les repérer est une nécessité pour s'affranchir de leur automatisme. Je suggère donc à mes lecteurs de se procurer et de lire attentivement le chapitre 13 du livre de B. A. Brennan.
Souvent, à la première lecture de telles études les débutants sont pris de panique et se retrouvent dans nombre de descriptions. C'est probablement une étape inévitable. Dites-vous qu'au point de départ nous faisons tous à des degrés divers l'expérience de ce monde comme dangereux et que nous avons nécessairement développé quelques structures défensives dont aucune n'est pire que les autres. C'est dans l'enfance, principalement dans la toute petite enfance, que ces structures se sont développées. Nous devrions donc avoir une attitude de grande patience et de grande tendresse envers nous-mêmes quand nous abordons de tels sujets. Rappelons-nous aussi que ces modes de fonctionnement n'entachent en aucune manière ni nos talents, ni notre valeur fondamentale. En prendre conscience et s'en libérer progressivement fait partie du chemin vers une vie heureuse.
Liste pratique non exhaustive
Cette liste a pour but de vous aider à identifier quand vous manipulez et quand vous êtes manipulé :
- Retenir ou rendre difficile l'accès à de l'information qui pourrait amener quelqu'un à choisir quelqu'un d'autre, une autre formation, un autre choix de vie. L'autre ne peut pas se débrouiller seul et se sent en état de dépendance. A l'opposé, ce serait de faciliter son indépendance.
- Faire honte, ridiculiser : « Tu as vu comme tu es habillé ! »
- Culpabiliser : « Tu regardes sans cesse les autres femmes, les autres hommes » pourtant je t'ai tout donné. Le partenaire n'ose même plus regarder autour de lui.
- Laisser entendre sans dire tout : « des amis m'ont dit que … » sans nommer bien sûr celui qui aurait dit cela. La personne commence à se méfier de tout le monde.
- Décourager, invalider : Cela, tu n'y arriveras jamais…c'est trop difficile pour toi.
- Inférioriser, infantiliser, saper, déstabiliser…
- Faire attendre sans prévenir d'un retard…sans donner de raison… en laissant entendre sans précisions que c'était tellement important. L'autre n'ose même pas demander d'explications par peur d'importuner.
- Parler au dernier moment quand l'autre (les autres) n'ont pas le temps de réagir ou de négocier de façon à avoir le maximum d'impact, au lieu d'informer l'autre de sa position et de ses arguments en lui laissant tout le temps nécessaire pour qu'il puisse nous donner une réponse réfléchie.
- Deux poids deux mesures : Ne pas supporter la moindre attente et se faire attendre…
- Relever le moindre lapsus, la moindre erreur : Te rappelles-tu que tu as perdu le chandail noir que je t'avais offert. Sous-entendu, tu ne respectes pas ou tu n'apprécies pas mes cadeaux. Tu ne vois pas tout ce que je te donne en comparaison du peu que toi tu es capable de donner. »
- Enfoncer le clou : Si je te sadise c'est parce que tu joues la victime. La victimisation est ta façon de me faire du mal. Cela peut être complètement faux mais cela prévient toute tentative de rébellion de la part de la « victime ».
- Reproche et humiliation sur le plan de la sexualité : avec untel, je jouissais chaque fois et il tenait longtemps…
- Chantage à l'affection et à la sexualité, donner goutte à goutte, juste pour accrocher ou retenir l'autre…comme récompense ! Lieu de revanche : J'ai mal à la tête…
- Alterner les moments d'humeur négative et les moments d'humeur positive. L'autre ne sait jamais s'il va recevoir un coup de griffe ou une caresse…
- Ne pas respecter les espaces privés de l'autre. Entrer sans invitation ni permission, chambre, corps, tiroir, conversation téléphonique, journal intime, etc.
- Isoler quelqu'un en éloignant ses relations, ses amis, ses recours pour devenir son seul repère et sa seule ressource
- Maintenir en dépendance financière… Faire valoir sa suprématie financière. Il y a un vaste champ d'observation en rapport avec l'argent.
- Amener les autres à parler continuellement de soi quand on n'est pas là. Pour ceux qui souffrent d'une personne perverse, cela devient une préoccupation constante et lancinante. La personne absente est pourtant continuellement présente. Les moyens utilisés sont difficilement identifiables et pourtant on ne parle que d'elle.
- Mettre en doute la pertinence de ce que l'autre dit : Tu dis des bêtises, tu dis n'importe quoi ! Tourne ta langue trois fois dans ta bouche avant de parler ! Ne dis rien quand cette personne viendra nous rendre visite, tu vas encore dire ce qu'il ne faut pas.
- Utiliser le groupe pour humilier quelqu'un, en faisant une blague. Par exemple, j'ai vu un thérapeute dire à une participante de son groupe de thérapie : Que signifie cette arrogance quand tu t'es redressée ?, alors que à l'évidence, cette personne était enfin en train de se redresser et de réaffirmer sa dignité.
- Mettre en cause la compétence de l'autre…
- Attendre de façon calculée la fin d'une réunion pour balancer des affirmations péremptoires ou émettre des insinuations perfides sur les uns et les autres sans que les personnes n'aient la possibilité et le temps de réaliser de quoi il s'agit et de remettre les pendules à l'heure.
- Menace ouverte ou sous-entendue de violences, d'explosions émotionnelles.
- Menace d'abandon. Dans ce cas, faites bien la différence entre la nécessité de poser des limites et le chantage au départ pour obtenir quelque chose ou déstabiliser.
- Redevenir gentil ou séducteur envers l'autre après l'avoir humilié ou sadisé d'une quelconque manière, quand il sent que l'autre va partir, se révolter ou mourir. Battre un enfant et le consoler. Détruire un pays et le reconstruire. Affamer et envoyer de la nourriture.
- Faire semblant d'ignorer, ne pas voir.
- Répondre sèchement, de façon inamicale à quelqu'un qui s'adresse à vous avec vulnérabilité et gentillesse. : Un étranger, un nouveau venu. Cela est utilisé fréquemment au comptoir, au guichet, dans un bureau administratif…
- Réaction à quelqu'un qui chante ou qui s'exprime de quelconque façon… Tu chantes faux, tu parles trop fort. La manière dont vous exprimez votre énervement peut bloquer un enfant pour toute sa vie… Il y a un positionnement juste à trouver entre expression et respect des autres. Vous pouvez affirmer avec force votre droit à l'expression même et surtout de vos frustrations et de vos colères alors que vous refusez et invalidez toute velléité de quelqu'un de vous passer un message en rapport avec votre comportement.
- Comparer les gens les uns aux autres, les évaluer, les positionner mettre sur une échelle de valeur.
- Refuser tout feed-back, tout message de quelqu'un vous concernant. « C'est de la projection ! »
- Prendre avantage d'une limite ou même d'une infirmité de l'autre. Vue, ouïe, limite mentale, physique… « Qu'est-ce que tu ne veux pas voir ? » à quelqu'un qui a des problèmes de vue et le laisser péniblement chercher quelque chose qui, de fait est très visible pour quelqu'un qui a une vue normale mais difficile à discerner pour un malvoyant… c'est juste culpabilisant. Le mettre en situation de danger et de panique : Tu n'as qu'à prendre ta voiture ! Alors qu'il fait nuit et qu'il pleut.
- Jeux physiques, chatouilles, petites épreuves de force, aller au-delà de la limite de l'autre tout en poussant des hauts cris, quand l'autre se risque à se défendre à égalité.
- Amener l'autre de façon imperceptible à changer de point de vue ou à prendre une autre décision que celle qu'il voulait prendre au départ. Une maman à son fils de cinq ans : Oh le gentil garçon maintenant il est fatigué, il va aller se coucher avec plaisir, alors que l'enfant n'est visiblement pas fatigué et qu'il veut jouer. Aussi : « si tu m'aimes, tu devrais faire cela pour moi.»
- Utiliser ses connaissances psychologiques : Tu es encore en train de projeter sur moi. », Alors qu'il y a une part de vérité dans ce que l'autre dit. Il n'y a pas de manipulateur plus habile qu'un psychothérapeute pervers. Laisser entendre à l'autre qu'il ne fait pas le travail de prise de conscience sur lui, psy ou spirituel : Tu devrais suivre une thérapie, tu devrais méditer. Ou encore : Moi j'ai suivi une thérapie et je sais ce qui se passe pour toi. J'ai fait des années de travail sur moi et tu devrais en faire autant.
- Se mettre en situation d'aidant, de secouriste, parfois c'est juste, parfois c'est prendre du pouvoir sur l'autre.
- Complimenter l'autre pour l'empêcher de dire quelque chose… « Que tu es belle ce soir », alors qu'elle s'apprête à lui exprimer sa colère pour quelque chose de justifié.
- Bouder, refuser l'écoute, pleurer, etc.… « Il n'y a que quand je pleure qu'il m'aime. Si je ne pleure pas, il ne s'intéresse pas à moi. » Et quand il la caresse, elle boude pour prouver que de toute façon, il n'est jamais présent. Faire en sorte que l'autre ne puisse jamais rien dire.
- Passer une information fausse, il en restera toujours quelque chose: Deux exemples: 1- Une femme en cours de divorce affirme: Mon mari a fait des attouchements sexuels à ma fille. Tout laisse à penser que c'était une manipulation pour se venger. Qu'en restera-t-il quelques années plus tard? 2- Il n'y a eu que 15 morts par irradiation à Tchernobyl. Cela lu dernièrement dans un journal alors que certains avancent des chiffres proches d'un million de victimes et qu'il y a encore des gens qui meurent actuellement en grand nombre des suites de la catastrophe. Pourquoi de telles différences? Quels sont les intérêts en jeu? Qui croire?
Perversité et jeu du roi
Le jeu du roi est une mise en situation idéale pour mettre en valeur et déjouer les jeux de pouvoir et de manipulation. Les participants sont continuellement invités à suivre le fil de leurs ressentis et à les partager. Toute manipulation de l'un d'entre eux se solde immédiatement par un sentiment de malaise de la part des autres, sentiment dont il va falloir découvrir l'origine et le mécanisme qui la sous-tend. Mettre à nu ce qu'est le malaise dû à une manipulation est souvent une découverte majeure pour la plupart. La personne qi sait identifier ce sentiment très spécifique ne se laissera plus faire aussi facilement. Elle comprendra également comment l'autre se sent quand elle utilise une des techniques de manipulation. Dans un cas comme dans l'autre, sa vigilance augmente. Cette possibilité essentielle représente pourtant une difficulté majeure pour la conduite du jeu. Celui qui a recours à la manipulation se trouve exposé justement là où il opère une stratégie qui doit rester caché pour atteindre son but qu'il soit conscient ou inconscient. Cela est vécu comme une menace extrême particulièrement par celui dont la personnalité s'est construite sur ce mode.
Pour conclure
S'interroger sur les manipulations que nous utilisons et même nous demander si nous avons dû ressortir aux mécanismes de la perversité pour survivre à notre enfance demande un grand courage. Par contre les bénéfices en sont tels que nous ne devrions jamais reculer devant cet effort de lucidité et de mise à nu de nos comportements. Si vous acceptez de passer par là, vous assainirez immédiatement vos relations amoureuses et amicales. Vos relations de travail s'en trouveront immédiatement améliorées.
Mais il existe un écueil dans lequel il ne faudrait pas tomber : Dans une relation de couple ou de travail, c'est le plus humain qui a immédiatement tendance à se remettre en cause et à explorer ses manipulations même et surtout quand il est confronté à un partenaire franchement abusif. Le pervers dangereux non seulement refuse de se remettre en cause et de partager authentiquement ce qu'il ressent par peur panique que l'autre n'en profite, mais en plus il utilise le doute que l'autre a de lui-même pour l'enfoncer encore plus. Il est des personnes dont il faut savoir s'éloigner car elles ont le pouvoir de vous miner psychologiquement et de vous entraîner dans la dépression, la maladie ou le suicide. Il n'est pas vrai que dans la manipulation nous sommes égaux et qu'il faut placer la victime au même niveau que le manipulateur. Jouer la victime peut être une manipulation perverse mais la victime d'un abus ne joue pas, elle souffre et a souvent un grand besoin d'aide extérieure pour comprendre ce qui se passe et retrouver assez d'énergie pour s'en sortir vivante.
Bibliographie
Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, Marie-France Hirigoyen, Pocket et Éditions La Découverte & Syros
Malaise dans le travail, harcèlement moral, démêler le vrai du faux, Marie-France Hirigoyen, 2001, Éditions La Découverte & Syros
Femmes sous emprise, les ressorts de la violence dans le couple, Marie-France Hirigoyen, 2005, Oh ! éditions
Avec une nuance sur cet auteur: Il me semble y avoir autant de femmes que d'hommes par rapport à la perversion…
La cruauté ordinaire. Où est le Mal ?, Yves Prigent, DDB
Face au harcèlement moral - Approche clinique et psychométrique. Manuel de diagnostic, prévention et conduite à tenir, Yves Prigent, DDB
Les manipulateurs et l'amour, Isabelle Nazare-Aga, Les éditions de l'homme