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SVÂMI PRAJNÂNPAD : L'art de l'acceptation

SVÂMI PRAJNÂNPAD

Parmi les maîtres spirituels dont l'enseignement est parvenu jusqu'à nous, figure Svâmi Prajnânpad, un brahmane enraciné dans les grands textes de la tradition indienne, mais aussi un enseignant instruit des disciplines scientifiques et littéraires de l'Occident.

SA VIE

Yogeshvar Chatterjee, qui deviendra Svâmi Prajnânpad, naît en 1891 dans une petite bourgade au nord de Calcutta. Malgré une enfance pauvre, il parvient à faire des études qui l'amènent, en 1919, à l'âge de 28 ans, à être maître-assistant de physique à Patna.

Dans les années 1920-1921, lorsque Gandhi prend la tête du mouvement national d'indépendance, Yogeshvar adhère avec enthousiasme à son programme.

Puis il se met en quête d'un maître capable de l'éclairer. Il rencontre alors Nirâlamba Svâmi.

En octobre 1922, il reprend un enseignement dans une région arriérée de l'Inde, et entame une période d'idéalisme et d'austérités. L'année 1922-23 est pour lui un temps de recherche et d'approfondissement des enseignements de Nirâlamba.

L'année 1923-24 est cruciale sous l'angle de la recherche personnelle. Yogeshvar découvre la psychanalyse et pense trouver le chaînon qui lui manquait dans le processus de libération par la connaissance de soi. Il se passionne pour les découvertes de Freud et particulièrement sa technique de mise au jour des émotions refoulées.

En avril 1925, après avoir démissionné de son poste d'enseignant, et bien qu'ayant femme et enfant, il se rend à l'ashram Channa de son maître qui l'y ordonne. Il devient alors Svâmi Prajnânpad et part en pèlerinage dans les Himalayas. Mais le parcours de Yogeshvar est surprenant. En effet, ayant manifesté socialement son nouvel état, il revient quelques mois plus tard, quitte l'habit couleur safran et reprend sa vie familiale et sa fonction de professeur.

En septembre 1930, il est appelé d'urgence au chevet de Nirâlamba Svâmi qui se meurt d'une gangrène, et décide tout naturellement de lui succéder à la tête de l'ashram Channa. Svâmiji – c'est ainsi que le nomme ses disciples – inaugure alors un parcours de compassion que seule la mort interrompra : pendant plus de quarante ans, il reçoit et forme des disciples indiens et européens à l'Advaïta Vedânta, dans la plus stricte confidentialité.

Le 24 septembre 1974, il s'éteint à l'âge de 83 ans. Ce sont ses disciples français qui nous ont fait connaître son enseignement.

Daniel Roumanoff le rencontre en 1959. Svamiji fait deux séjours en France, un en 1966 à Bourg La Reine auprès d'Arnaud et Denise Desjardins, un autre en 1973 en Normandie invité par Daniel et Colette Roumanoff.

SON MESSAGE

Svâmi Prajnânpad, qui était un scientifique et un intellectuel de haut niveau, ne cessait pourtant de répéter à ses disciples : « Ne pensez pas, voyez ! ». Il voulait par là non les empêcher de se cultiver ou les détourner de la réflexion, mais les inviter à développer une attitude d'observation. Il leur conseillait donc, après s'être suffisamment informé, d'oublier les savoirs appris, les expériences d'autrui, les croyances, les opinions, les vérités assénées sous couvert d'autorité : « Ne pensez pas, voyez ! »
Voir donc, mais voir quoi ?

D'abord l'obstacle qui bouche la vue, qui empêche l'observation directe, immédiate, des choses. Voir comment fonctionne le mental, les pensées qui l'agitent, les désirs qui l'animent. « Gardez vos yeux ouverts, dit-il, avancez les yeux ouverts » sur ce qui se passe en vous et autour de vous.

« Voir de manière parfaite, c'est voir seulement les formes infinies et ou plutôt le jeu de l'énergie infinie dans des formes différentes » et c'est voir l'unité fondamentale qui leur est sous-jacente. « Alors ce que vous voyez est en vous. Tous les objets que vous voyez sont en vous, dit-il, tout est en vous et vous devenez tout. C'est cela l'infini. »

Svâmi Prajnânpad fait le constat suivant : « La vie n'est le plus souvent qu'une réaction en chaîne de "non". Le "non" est toujours là, l'acceptation absente… Ce refus, dit-il, est à la racine de toutes les frustrations. » Il conseille donc de renverser la vapeur et d'apprendre à dire "oui". « Il vous faut dire "oui" d'abord et en premier lieu. » Une acceptation heureuse et profondément sentie ! « Quelle que soit la situation, dès qu'elle apparaît, il faut l'accepter. N'imaginez rien d'autre. Il n'y a pas lieu d'être bouleversé. Ceci est ce qui est maintenant. » « Dites oui à tout ce qui vient. »

Cette attitude n'a rien à voir avec une résignation, une passivité, une soumission défaitiste. Elle est une attitude réaliste et positive. « Ce qui est arrivé, est arrivé », « ce qui est là, est là », et c'est de là que nous partons dit Svâmi Prajnânpad. Il ne sert à rien de se perdre en regrets, remords, récriminations, c'est du temps et de l'énergie perdue. Acceptons la réalité des choses, aussi désagréable soit-elle, et voyons si nous devons et pouvons faire quelque chose. Loin de désactiver l'énergie, l'acceptation lui donne donc une base réaliste à partir de quoi elle va pouvoir se déployer.

Au bout de l'action bien menée il y a la liberté, et cela à l'égard de l'action elle-même : le fruit ultime de tout agir est le non-agir. Paradoxe que Svâmi Prajnânpad exprime simplement ainsi : « Dès que vous sentez : "J'ai fait ce que j'avais à faire" aussitôt vous n'avez plus rien à faire... vous êtes libre. » Au bout de l'action lucide, il y a la réalisation qui peut s'exprimer en trois phrases : « J'ai fait ce que j'avais à faire. J'ai obtenu ce que j'avais à obtenir. J'ai donné ce que j'avais à donner. »

Alors, est-ce à dire que l'homme parfait n'agit plus et que tout désir éteint en lui, toute possibilité d'action l'est aussi ? Svâmi Prajnânpad répond clairement à cette question : « L'homme libre donne l'apparence d'agir. Mais il n'agit pas. (Ce n'est plus lui qui agit) L'action a lieu en lui, mais il n'en prend pas l'initiative. » « Si votre conscience ne se limite pas à ce qui est particulier, alors l'ego disparaît, l'action se déroule, mais il n'y a pas d'acteur. L'action a lieu. Comment ? Selon les exigences de la situation. »

« L'action juste ne peut avoir lieu qu'en l'absence d'identification, de projection personnelles. » Ces remarques, Svâmi Prajnânpad se les appliquait à lui-même lorsqu'il disait à ses disciples : "Svâmiji agit-il ? (Il parlait alors de lui à la troisième personne) Non, il n'agit pas. Les circonstances le font agir."

Une petite fille, la fille d'Arnaud Desjardins, demanda un jour à Svâmi Prajnânpad s'il avait des pouvoirs extraordinaires, comme en ont tous les grands yogis. A quoi celui-ci répondit qu'il n'avait aucun pouvoir. Mais voyant la petite fille déçue, il se ravisa et lui dit : « Si, Svâmiji a deux pouvoirs : Amour infini, patience infinie. »

En fait, dans sa correspondance, Svâmi Prajnânpad utilise peu le mot amour. C'est qu'il se situe dans la ligne du Jnâna yoga, de la connaissance comme voie de libération, et non dans celle du Bhakti yoga, de l'amour dévotionnel. Toutefois, à partir d'un certain niveau de sagesse et de réalisation, ces distinctions n'ont plus beaucoup de sens et l'on peut trouver chez lui quelques propos sur l'amour qui ont une résonance universelle.

« Que signifie aimer ? Aimer, C'est prendre en considération l'intérêt de l'autre et non le sien », mais cela n'est possible, dit-il, que si l'on cesse d'attendre quelque chose de l'autre. Sans ce désintéressement, aucun véritable amour n'est possible.

Et pourtant, il affirme ailleurs : « Nul n'agit que par intérêt propre, même le plus grand sage. » Alors comment concilier ces deux affirmations ? Svâmi Prajnânpad répond : en étendant son intérêt à tous : « Considérez chacun comme étant vôtre. » Il subvertit donc la notion de "moi" et celle de possession et les fait éclater en les dilatant : « Tout est à moi, tous sont à moi, bienveillance envers tous. »

Bien qu'il utilise peut le mot, Svâmi Prajnânpad est donc convaincu de l'importance centrale de l'amour dans l'épanouissement de la vie. L'amour libère dit-il. Libère de quoi ? de soi. Dans une lettre à Shyamali Khan, il écrit : « Puisse votre vie être remplie d'attention aimante, de joie, de service et d'amour. »

Au bout du chemin, il n'y a plus de relations, il n'y a plus que l'unité qui les accomplit toutes. Mais il y a aussi parfait amour et parfaite compassion, car on ne fait plus de différence entre soi et l'autre. On aime l'autre comme soi-même. C'est alors une bénédiction d'être vivant, c'est une félicité d'être un avec tous, de vivre de la vie qui traverse tout.

Livres de Svâmi Prajnânpad : www.originel-accarias.com