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Voyage au coeur du bouddhisme tibétain ou fausse croyance en un « moi »
Par Yasmine Kaplun
Ma fille et moi avons quitté le mois dernier notre confort de ville moderne en Inde pour rejoindre Kalimpong, dans les montagnes du nord de l'Inde, proche de Darjeeling. Après plusieurs heures sur une route improbable, sinueuse, pleine de trous et bordée par des arbres abritant des singes, nous sommes enfin arrivées à Kalimpong où se trouve notamment l'institut d'études bouddhique de Karmapa.
Je me suis intéressée plus précisément à la notion de détachement de soi qui est l'une des voies à suivre si l'on souhaite expérimenter plus de bonheur et moins de souffrance dans sa vie. Je souhaite partager le résultat de mes recherches dans cet institut avec vous à présent.
En effet cette croyance en un « moi » auquel nous sommes si attachés, n'est pas fondée, selon les enseignements kagyu. L'idée de ce « moi » est un concept, une idée, et nous en avons une conception erronée. Qui est ce « moi » ? existe-t-il vraiment ? La seule vraie cause de nos souffrances provient de cette croyance en un moi qui expérimente des émotions ou afflictions mentales en réaction aux circonstances extérieures.
« En fait l'esprit est celui qui pense, qui ressent... Quand nous pensons, il y a celui qui pense. Quand nous ressentons de la joie, il y a celui qui ressent de la joie. Et puis, quant à l'inverse nous ressentons un mal-être, il y a celui qui expérimente ce mal-être. C'est cela l'esprit. Quand on est malade, on se dit : « je suis malade ». Pareillement, quand on est dans le bien-être, spontanément on dit : « je me sens bien ». Et celui qui dit : « je suis », c'est l'esprit. Tout est dans l'esprit. (La méditation : Chépadorjé Rinpoché Paris – le 22 septembre 2002)
Comment pacifier cet esprit et devenir plus heureux ? Grâce à l'entrainement de l'esprit et à la méditation. Cultiver en son esprit les techniques propres à la libération.
Quelles sont ces techniques ? L'étude, la réflexion et la méditation.
Etude et Réflexion :
Dans le bouddhisme kagyu, il est d'abord nécessaire de réfléchir et d'étudier les pensées préliminaires, comme la précieuse existence humaine, l'impermanence, le karma etc...ainsi que les six paramitas (générosité transcendante, discipline, patience, persévérance, enthousiasme pour les actions vertueuses, concentration). Entamer également une réflexion sur l'amour, la compassion ainsi que les défauts liés aux émotions perturbatrices comme le désir, l'attachement, la colère, la jalousie.
Méditation :
Savoir se retirer parfois et observer les bienfaits des lieux de solitude pour méditer.
Revenons à présent sur cette notion de « moi ». Afin de déraciner cette idée du « soi » qui est la cause de nos problèmes, il faut pratiquer deux méditations essentielles a) le calme mental ou l'état de non-pensée et b) la vision supérieure ou pénétrante nommée « lhaktong ». Chacune se nourrissant de l'autre. De quoi s'agit-il ?
a)Le calme mental peut s'acquérir grâce à la méditation nommée « shiné » ou « poser l'esprit » qui permet d'arriver à une parfaite stabilité de l'esprit, libre de toute forme de perturbation mentale.
La pratique du calme mental consiste à se concentrer sans distraction sur un seul objet (esprit focalisé tout entier en un seul point). Nous croyons souvent que l'on médite pour se relaxer ou pour se détendre alors que la vraie utilité de shiné ou de la pacification de l'esprit est de faciliter le lhaktong ou la vision pénétrante qui nous permet de voir toute situation avec clarté.
b) Développer la capacité à voir clairement la vraie nature des phénomènes extérieurs. Le calme ouvrant la vision claire et la vision claire fortifiant le calme. Il s'agit d'une clarté vaste. Par exemple, si vous ne faites qu'un avec votre respiration durant la méditation, il n'y aura aucun « soi » auquel s'attacher. « Cette simple prise de conscience de la vraie nature de la respiration peut vous aider à comprendre que la nature absolue de tous les phénomènes est dénuée d'existence propre » (Tulku Thondup).
Si vous pratiquez régulièrement ces deux méditations, votre esprit va s'entraîner et se pacifier. Nous vous souhaitons une belle méditation.
J'aimerais terminer cet article en vous citant quelques lignes d'un livre remarquable : « l'Infini pouvoir de guérison de l'esprit » selon le bouddhisme tibétain – Tulku Thondup. Edition Le Courrier du Livre.
« …Nous avons besoin d'entraîner notre esprit instable à une attitude positive, et celle-ci se reflète dans notre manière d'aborder les détails de la vie quotidienne. S'accommoder aux situations, apprendre à être joyeux et à ne pas voir les problèmes comme négatifs… Dodrupchen explique ce phénomène ainsi : lorsque l'on entraîne l'esprit de la sorte, l'esprit devient paisible, notre attitude vaste ; les obstacles à notre entraînement de l'esprit disparaissent, toutes circonstances adverses deviennent excellentes et de bon augure, et notre esprit heureux d'être en paix, est perpétuellement satisfait. Transmuter bonheurs et souffrances en chemin spirituel. Quand on ne connaît plus les souffrances de l'anxiété, non seulement les autres souffrances mentales et émotionnelles s'évanouissent, comme des armes lâchées par les mains d'un soldat, mais la plupart du temps les maladies et autres évènements malheureux eux-mêmes disparaissent par la même occasion. Si l'on n'éprouve ni déplaisir ni mécontentement envers quoi que ce soit, l'esprit n'est pas perturbé ».
Yasmine Kaplun
pour Meditationfrance.com