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Le pouvoir du souffle

le pouvoir du souffle

 

Par Benjamin Borg

Depuis la naissance jusqu'à l'âge adulte, nous traversons un flux continu d'expériences qui façonne l'être que nous sommes. Notre pureté et notre innocence originelles se sont peu à peu drapées d'idées et de conditionnements. Dans ce tourbillon de vie qui va de la feuille blanche à l'écriture de nos personnalités se meut le souffle. Parfois oublié, il est pourtant central à toute expérience. Consciemment maîtrisé, il devient un puissant moyen pour s'émanciper des limites physiques, énergétiques et psychiques qui se sont accumulées au fil du temps.

Le souffle aux commandes de l'éducation intérieure

À travers nos sens, nous avons découvert, senti, mémorisé, appris. Nous avons accumulé des compétences et du savoir. Dès notre plus jeune âge, nous apprenons, avec la famille, l'école, par le quotidien, plus tard à travers des études et le travail. Sur le plan psychique, nous accumulons des aptitudes mentales, des capacités d'adaptation et du savoir. Sur le plan physique, nous pouvons aussi développer des compétences, nous exprimer par d'infinies possibilités, nous pouvons nous muscler, faire du sport, danser, acquérir des aptitudes manuelles...

Voilà pour faire court, l'image que j'ai imprégnée de l'éducation qui m'entourait : d'un côté le développement d'aptitudes mentales et de l'autre, le développement d'aptitudes physiques.

Le tableau m'a longtemps semblé cohérent et complet. Seulement voilà, le mental rebondi sur l'instant présent par les cinq sens et trame par la mémoire, des histoires, des conclusions sur le passé, des projections futures. Le mental lance des phrases, des images, il verbalise intérieurement. On peut se sentir impuissant face à ce mouvement intérieur, car bien souvent, c'est vraiment fatigant... À quel moment de l'éducation apprenons-nous à stabiliser et équilibrer le flux des pensées ? Bien souvent, on ne sait pas qu'il est possible d'influencer ce ronronnement intérieur. Pourtant, n'y a-t-il pas là, un maillon essentiel à l'équilibre de chacun ?

Si parfois les pensées me fatiguent, le silence a donc toutes les chances d'être reposant. Qu'en pensez-vous ? Si le silence me ressource, alors j'aimerais avoir un bras de levier pour réduire mes pensées et baigner de silence. Ce levier d'action, nous l'avons sous le nez depuis le premier jour.

Lorsque vous êtes agité, le souffle est agité, lorsque vous êtes calme, le souffle est calme. Une évidence ? L'activité mentale et la respiration sont liées. Si le mental influence le souffle, cela veut dire que le souffle peut influencer le mental. En prenant les commandes de la respiration, il m'est dès lors possible de modifier la forme du mental. C'est une action physique qui transforme la forme psychique. Par l'apprentissage, puis la maîtrise et le développement de différents types de respirations, le flux des pensées sera fortement diminué et selon la pratique, deviendra inexistant. Ce qui n'enlève rien aux différentes aptitudes mentales.

Dès lors, si j'arrête de maitriser le souffle, les pensées vont-elles revenir en flux continu ? Rassurez-vous, une des particularités de la maîtrise du souffle est aussi le développement de l'énergie. Le souffle influence simultanément le mental et l'énergie, les deux sont liés. Plus le souffle est lent, plus le mental est absent. Et dans le même temps, plus le souffle est lent, plus l'énergie est grande, car les courants énergétiques du corps sont réorientés et stabilisés. Énergie et stabilité mentale ne sont pas séparées. C'est un cercle vertueux. La maîtrise du souffle conduit à plus d'énergie vitale et cette énergie ayant une inertie, il en résulte une stabilité intérieure maintenue après les exercices de maîtrise du souffle, appelé plus communément pranayama.

Le processus est simple, le souffle réoriente des courants énergétiques qui sont directement liés au mental. Peu à peu, par une pratique régulière, il y a un accroissement et une condensation de l'énergie autour des chakras principaux (qui sont des croisements de flux énergétiques) et autour des nadis (qui sont des flux énergétiques). Une fois menée à un certain seuil, l'énergie reste haute et vibrante, de 12 volts, vous êtes passé à 24 volts. L'énergie demande bien moins d'effort pour être maintenue à ce niveau. Un avion qui décolle a besoin d'énormément de puissance pour s'arracher du sol, une fois en l'air, nul besoin d'être à pleine puissance pour planer.

Le souffle permet en quelque sorte d'augmenter le voltage du système nerveux, les chakras et les nadis en sont la traduction subtile. Sous cet angle, une posture de yoga est un moyen d'orienter l'énergie, de cibler une zone du système énergétique à développer. Ainsi par le souffle et par le corps, je peux augmenter l'énergie présente dans tout l'organisme, faciliter son bon fonctionnement et dénouer la source des tensions. La posture est un moyen de défaire les noeuds du tuyau d'arrosage, le souffle c'est l'eau qui nous permet d'arroser correctement le système énergétique.

Le sens de l'identité

Le flux des pensées est un des aspects liés à l'activité mentale, mais cet aspect n'embrasse pas toute l'amplitude de l'expérience humaine. Considérons alors pour l'exercice, le mental comme un logiciel à travers lequel nous faisons l'expérience de la vie. Un logiciel interne imprégné d'une personnalité, alimenté par les cinq sens, il nous offre une multitude d'expériences.

Ce logiciel vierge à la naissance a été profondément conditionné. Il nous donne par ailleurs, une expérience de la vie à la mesure de ses possibilités, de sa construction, de sa puissance et de son alimentation. Est-il possible de faire une mise à jour ? Le souffle permet bien évidemment de modifier le flux des pensées, mais il porte aussi un fort pouvoir de déconditionnement et de libération. Plus le souffle est lent, plus l'énergie est grande, plus ce logiciel interne est purifié. Ce ne sont pas seulement les pensées qui viennent moins se manifester, la forme psychique est ce qui traduit notre expérience de vie, nous vivons en regardant au travers de la forme du mental. Et la vitre de cette fenêtre qui nous donne l'image du monde n'est pas toujours très propre.

Revenons au commencement. L'être est à la naissance, non conditionné, puis vient l'expérience qui lui fait traverser des évènements qui nouent et limitent l'expansion, l'amplitude, le naturel de la respiration. La respiration vient alors se réfugier sur les hauteurs de la poitrine, laissant le diaphragme et le mental se figer sur un conditionnement protecteur, qui enferme et étouffe la vie. Par le mental dont l'empreinte de la vie est forte, érigé comme le roi aux commandes de la destinée, le corps se limite, se déforme, la pensée s'agite et le système énergétique s'atrophie.

En prenant les commandes du souffle, en incluant notamment des postures de yoga, nous pouvons faire le trajet inverse. Il est possible de faire fondre nos blocages, nos peurs les plus profondes et de faire remonter à la surface la sérénité et le silence qui sont les reflets de notre nature profonde. Le mental est comme de la pâte à modeler par le souffle.

Et si on poursuit, si on ralentit davantage la respiration, si on arrête l'agitation pendant de plus longues périodes, si vraiment ce logiciel interne est stabilisé, purifié, qu'allons-nous remarqué ? Nous allons voir que la notion de temps, d'espace et le sens profond de notre identité reposent également sur la forme du mental. La perception que j'ai du monde et de ce que je suis se base sur une idée qui englobe mon histoire racontée par la mémoire et mon conditionnement. Mais ce n'est que l'idée de ce que je suis. Si cette idée s'évanouit, que reste-t-il de moi ?

Qu'est-ce qui depuis ma naissance a fait l'expérience de ma vie ? Qu'est-ce qui depuis ma naissance n'a pas changé au milieu du changement du corps, des goûts, des désirs et de la personnalité ? Le logiciel interne inclut aussi une partie liée au sens de l'identité, de l'ego.

Admettons que la perception de ce que je suis est vécue au travers du logiciel en place, admettons que ce logiciel soit limité par une perception de surface, telle une flaque d'eau soufflée par le vent, je ne peux voir au travers, je suis ce que je perçois en surface. Mais prenant les commandes du souffle j'ai cette possibilité de calmer le vent et de voir au travers de tous les conditionnements de mon histoire. L'eau de la flaque devient toute lisse et limpide, je peux voir au travers, je change de plan de perception, de plan de conscience. L'ego limité par des idées et une perception limitée se fond dans un espace libre où peut surgir la réponse à l'une des questions les plus fondamentales : qui-suis je ?

Benjamin Borg