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Nos cinq sens : des passerelles vers notre essence
par Patricia Menetrey
Comment cheminer vers notre être intérieur ? Nos sens accroissent nos ressentis : utilisons les !
Méditer en utilisant nos 5 sens est probablement la manière la plus simple de découvrir combien la pratique de la méditation au quotidien permet d’entrer dans un espace de silence, de se relier à son être intérieur et de pratiquer un art de vivre consciemment au quotidien, sans passer forcément par une longue assise, des postures de yoga contraignantes, ou une retraite dans l’Himalaya.
Beaucoup d’entre nous disent ne pas trouver le temps pour méditer. Et toutes les excuses sont avancées : journées sans fin, course contre la montre, paresse, procrastination, manque de courage. Plus le temps passe, et plus la frustration de nos petites vies se fait sentir.
Il y a trente ans, rejoindre une grande commune afin de vivre une expérience auprès d’un authentique maître spirituel demandait simplement la force d’oser tout lâcher, afin de vivre dans un lieu entièrement dédié à la conscience. Quel maître spirituel digne de ce nom, propose de nos jours une telle alternative ? Et si oui, serait-elle viable sur le long terme ?
J’ai eu la chance de vivre cette exceptionnelle expérience. Il m’en reste une force, une gratitude, une présence, qui peu à peu sont devenues la vraie nature de ma vie quotidienne.
Voici donc une voie parmi tant d’autres. Elle la le mérite d’inclure tous nos sens, pour une véritable alchimie du bonheur.
De nombreuses pratiques dites spirituelles refusent le corps, ce qui peut en rebuter plus d’un. Que faire de nos désirs légitimes, que dire du plaisir épicurien ?
Petit mode d’emploi
La conscience du moment me permet de ressentir avec tout mon corps. Il faut apprendre à identifier ce qui le traverse, sans être dans le déni ou le jugement de ses besoins, ses peurs, ses désirs, ses rêves aussi. Avec une certaine pratique naît peu à peu, une non-identification aux pensées, sensations, émotions.
L’instant que je vis m’offre alors un vécu empli de beauté, de poésie, et de véritables moments de grâce.
Si je passe régulièrement à côté, c’est que mon mental, ma tête, me racontent plein d’histoires auxquelles je m’identifie, créant en permanence ce « big drama. »
Libre à moi d’appliquer ces recettes qui n’impliquent qu’une vigilance de la conscience, qui en grandissant se transforme en une précieuse compagne, ce fameux observateur, témoin silencieux de ce qui me traverse.
La méditation de la pleine conscience connait un succès fulgurant. Elle entre dans les écoles, les hôpitaux, et même les prisons.
Afin de la faire accepter par nos institutions, ceux qui la proposent ont trop souvent expurgé sa dimension mystique.
Issue du bouddhisme, que nous propose-t-elle ?
L’attention juste ou vision pénétrante, consiste à ramener son attention sur l'instant présent, et à examiner les sensations qui se présentent à l'esprit. Cette méditation Vipassana ou Sammasati désigne la conscience vigilante de ses propres pensées, actions et motivations. Devenir présent à nos pensées, à la façon dont elles émergent, s’installent et disparaissent. Demeurer neutre et silencieux sans s’identifier aux sensations, qu’elles soient agréables ou désagréables. Sans les juger, tenter de les retenir ou les chasser.
Juste être avec « ce qui est ».
La méditation n’est pas une technique, elle est une qualité de l'esprit pouvant s'acquérir par la pratique. Et dans une pratique quotidienne, faire l’expérience d’une conscience qui s’observe elle-même conduit à rencontrer un espace intérieur dont tous nos sens pressentent l’incroyable et ineffable beauté. A défaut d’atteindre le Nirvana !
Petit parcours non exhaustif de nos cinq sens.
L’ouïe
Sons sacrés et expériences primordiales.
La relation est subtile entre musique et extase. Il est essentiel de ne pas confondre un état de bien être avec une expérience d’expansion de conscience voir même une extase mystique.
Dans de nombreuses traditions, il est parlé d’audition spirituelle : samā.
Ces traditions se perdent. Aujourd’hui, où trouver une initiation et un enseignant digne de ce nom ? La quête de soi demande parfois toute une vie, et beaucoup de courage. Un mantra, fut-il sacré, écouté ou pratiqué avec conscience, peut-il nous transformer ? Comment agira-t-il sur notre âme si nous sommes dans notre mental. Bien que les sons pénètrent et franchissent nos barrières psychiques, là encore une espace méditatif semble requit.
Pythagore entendait la musique des sphères : mythe, légende ou réalité ? Il utilisait avec ses disciples le tétracorde instrument qu’il avait créé, et qui, selon lui participait essentiellement à la transformation de l’être. La musique a toujours joué un rôle fondamental dans les initiations des écoles des mystères Elle favorisait la transe. Il en demeure aujourd’hui une trace lointaine. Il suffit de se rendre dans les discos où les sons techno plongent les jeunes dans un état parfois second et leur procurent la sensation d’être vivant.
La musique comme vecteur d’éveil ?
Les nombreuses thérapies accessibles : plein chant, mantras, bols tibétains, provoquent-t-elles des transformations profondes, ou ne font-elles que révéler un état intérieur que chacun possède déjà en lui.
L’utilisation de ces sons demande une grande sensibilité et une profonde connaissance des lois de résonnance. Donner des soins avec des bols tibétains requiert une bonne pratique de la méditation que très peu de sonothérapeutes possèdent. C’est bien dommage, car les sons nous offrent une voie royale vers le silence.
La musique de la vie, qu’elle soit souffles de la Terre ou Chant du Ciel - dans le silence de l’Homme - est le véritable chemin initiatique.
Carl Graf Dürckheim
Et lorsque le son entre dans l’absolu… Toi aussi.
Osho
Le toucher
Etre touché par la beauté des choses… par une parole, un acte, un événement. Le toucher implique l’être dans sa totalité.
Notre peau est souvent le reflet de notre état : être bien ou mal dans sa peau. Frontière entre le monde extérieur et nous, impossible de tricher.
Le mot toucher nous emmène bien plus loin qu’un simple effleurement ou une caresse.
Etre touché, c’est être accueilli, accepté dans la totalité de son corps. Le toucher c’est l’incarnation. La main qui ose, la main qui effleure ou retient son geste.
Notre rapport au toucher s’inscrit dans la mémoire de notre histoire familiale : pollué par les peurs, les désirs refoulés, les envies, le rapport au plaisir.
Le toucher devient un art lorsque le corps est pris et accepté tel qu’il est. Ce corps alors devient le lieu-même du voyage. Un voyage dont la destination n’est autre que la rencontre avec soi, puis avec l’autre, chacun se libérant des clichés du corps parfait, dont les images destructrices sont véhiculées dans les magasines de mode.
La vue
Notre vue est le sens le plus utilisé. Une immense partie de notre énergie passe par les yeux. Il est communément accepté que nos yeux sont la porte de l’âme. La vision profonde de la réalité ne peut faire l’impasse de la méditation. Voir, regarder, discerner, percevoir.
Celui qui voit dissous toutes ses questions dans le mystère à vivre. Que nous est-il donné à voir. Vision intérieure ou contemplation d’un majestueux coucher de soleil…L’un menant à l’autre.
Il faut donc distinguer la vue de la vision. Et se méfier des mirages…Spécialement de ceux que nous font miroiter les vendeurs d’éveils version new âge. Les phénomènes qui semblent irréels aux yeux d’une personne « ordinaire » semblent bien réels aux yeux du mystique. Certains textes à l’origine du fondement des religions ont été reçus dans des visions mystiques. Et la littérature sacrée regorge de textes décrivant les visons d’extase des saintes et des saints.
Se créer une vision du Divin ne serait-ce qu’en posant son regard sur un arbre, une forêt, une rivière. En face de la splendeur, l’âme se nourrit de beauté et de silence.
Il n’est plus alors question de savoir mais d’être. La vision comme clé pour ouvrir les secrets de la vie, les portes de l’invisible. Ainsi Dieu, ou le divin pour la mystique, est cette demeure d'où il vient et où il retournera. Et en finir définitivement avec un Dieu personnel.
Le goût
Il pourrait sembler le plus complexe de nos cinq sens, parce que son champ s’étend du plus concret : ce que nous aimons manger, au plus abstrait, comme nos jugements : « il me dégoûte, je n’ai plus goût à rien, cette histoire me laisse un goût amer, dévorer la vie à pleines dents, cracher le morceau… »
Alors comme Eve, croquons la pomme défendue de l’arbre de la connaissance, dont un dieu bien cruel aurait voulu nous priver.
Goûter l’ailleurs… en tendant l’oreille sur les accords célestes de l’univers…
L’odorat
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Charles Baudelaire
Il est dit que rien qui soit dans notre esprit n’ait pas d’abord séjourné dans nos sens.
L’odorat est la faculté de percevoir les odeurs.
Le langage populaire est empli de référence à ce sens raffiné : « je ne peux pas le sentir, je ne sentais pas la situation, je me suis sentie emplie de joie, avoir le nez fin, ne pas être en odeur de sainteté, l’argent n’a pas d’odeur… » Ce sens aurait la faculté de ramener l’homme à la source dont il est issu, de le relier au plan des archétypes. Le parfum a toujours servi un rôle sacré, dans l’embaumement des morts. Durant certains rituels ou cérémonies, les prêtres utilisaient l’encens, afin que leurs prières atteignent le ciel, portées par les divines senteurs.
Dans mes groupes j’utilise beaucoup les huiles essentielles, elles font partie du processus méditatif. Elles permettent d’entrer en soi et nous ouvrent par leur puissance évocatrice des terres inconnues. Ces essences nous guident vers nos archétypes. En se reliant à eux, à leurs pouvoirs invocatoires, nous créons des passerelles entre le profane et le sacré. Nous ouvrons les portes d’un mystère à vivre. Le sacré n’est pas une chose, c’est un regard. Il nous aide à passer de la banalité des choses à l’unicité.
Pourquoi définir le sacré, lorsque nos sens nous invitent à le vivre. Un véritable voyage initiatique pour l’âme et le corps.
Patricia Menetrey conduit des groupes de méditations actives depuis plus de trente ans. Installée depuis peu dans les montagnes du Jura, elle vous propose régulièrement des journées et des ateliers de méditations avec les cinq sens. Pour plus de renseignements :
www.meditationfrance.com/medecinedouce/patricia.htm