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Amour – Désir – Plaisir : la sainte trinité des Tantras

deva

par Deva

J’ai toujours eu une relation privilégiée avec l’Inde, dès mes 16 ans je rêvais d’y aller. Vers 20 ans je me suis formée au Hatha Yoga. J’ai ensuite séjourné 2 ans en Inde. C’est là que j’ai rejoint un mouvement spirituel, le Sahaj Marg qui enseigne une technique de méditation que j’ai pratiquée chaque jour pendant 15 ans et que j’ai aussi enseignée. Puis le Tantra a croisé ma route et a changé ma vie. Grâce à ses enseignants, Sudheer Roche notamment, avec qui j’ai fait des stages très régulièrement pendant 15 ans et d’autres aussi, je suis arrivée, au mi-temps de ma vie, avec une impérieuse nécessité intérieure à transmettre ce qui m’avait été donné.

Le Tantra n’est pas facile à définir, chaque animateur ou animatrice a sa vision et c’est tant mieux. Pour paraphraser Alexandre Jollien je dirai « le tantra n’est pas le Tantra c’est pour cela que je l’appelle le Tantra ». Seule une pratique au long court et assidue permet d’en faire l’expérience. Le tantra ne se définit pas, car sa perception et compréhension évoluent au cours de la pratique. En ce qui me concerne, je trouve un grand soutien et beaucoup d’inspiration auprès des penseurs non-dualistes de l’Advaïta, du Cachemire ou, plus proche de nous, auprès de René Guénon, Eric Baret, Daniel Odier. C’est comme s’ils exprimaient parfaitement ce que j’ai déjà vécu et expérimenté et que, grâce à eux, je peux mieux nommer.

Le tantra, dans sa forme médiévale, était une voie spirituelle exigeante, très exigeante, dite voix du héros. Le néo-tantra a beaucoup diminué ces exigences. Il n’empêche que pour le chercheur ou la chercheuse, (appelé-e « tantrika »), il reste une voie abrupte où il faut prendre la responsabilité de sa quête Ce n’est que passionné-e-s et animé-e-s d’un ardent désir que nous pourrons percer les voiles de la peur et l’ignorance. En effet le tantra n’impose rien. Il ne dit pas faites ceci et vous obtiendrez cela, ou ne faîtes pas ça c’est interdit, mal, etc… comme le font certaines religions. Il y a même parmi ces textes médiévaux, certaines écoles comme la Prathyabijna qui prônent le non effort, il suffit de reconnaître en soi ce qui est déjà là mais voilé. Cependant cette pratique reste réservée à un tout petit nombre de tantrikas donc élitiste.

Alors comment cette quête exigeante s’est-elle transformée en stages qui parfois ressemblent à de l’éducation sexuelle et pourquoi la sexualité occupe-t-elle tant de place dans le néo-tantra ? Tout simplement parce que, selon moi, il n’est pas possible d’entreprendre de percer les mystères de la transcendance sans avoir avant rencontré notre névrose (au mieux) sexuelle. Notre culture conspire contre la jouissance, peu de personnes ont eu une éducation joyeuse, tranquille, positive à la sexualité. Lisez Reich ! Osho disait la sexualité c’est la première marche, pour entreprendre le voyage, il nous faut poser le pied dessus. Certes les puristes, ils sont nombreux à conspuer le néo-tantra, diront que cela n’est pas du Tantra, peut-être, mais il faut bien en passer par là pour emmener les aspirant-e-s, une fois cette première marche franchie, sur la voie du Tantra.

En tant que femme, je trouve dans le néo-tantra une merveilleuse opportunité de sortir la sexualité de la norme patriarcale. Le Tantra médiéval n’était pas, même s’il accordait une certaine place aux femmes, à proprement parler égalitaire, le corps, le plaisir, l’énergie féminine étaient plutôt « utilisés » pour amener l’homme à des réalisations spirituelles. On trouve très peu de textes classiques écrits par des femmes, encore moins donnant des pratiques pour les femmes, toutes les techniques sont toujours adressées aux hommes, en sanscrit comme en français, le masculin l’emporte. Aujourd’hui des femmes, comme Shakti Malan en particulier - qui nous a, trop tôt hélas, quittées en juillet 2017 -, proposent aux hommes et aux femmes une approche égalitaire de la sexualité basée sur le consentement, le respect, l’expression du désir. La linéarité « préliminaires – sexe oral – pénétration – orgasme » est remise en question laissant la place à moins de normativité, moins de performance, moins d’injonction à jouir, pour que chaque personne puisse créer avec inventivité sa sexualité et c’est tant mieux. Le tantra n’échappe pas à la norme hétérogenrée dominante dans notre culture et je le regrette. Je rêve de l’avènement de groupes de tantra sans parité, ou des personnes échangeront librement entre elles sans référence au genre.

Il y a, me semble-t-il, tout un aspect pédagogique du tantra où il faut apprendre le consentement. Il faut aussi apprendre à reconnaître nos conditionnements et à en sortir en verbalisant ce qui nous convient ou pas d’une situation avec franchise et fermeté pour ne pas se laisser embarquer dans la proposition des animateurs-trices ou dans le désir du ou de la partenaire. Les personnes viennent à des stages de Tantra pour des raisons souvent très éloignées de sa philosophie et de la quête spirituelle. Et c’est tant mieux car, petit à petit, en cheminant, elles pourront éventuellement affiner leur compréhension et se rapprocher des objectifs du Tantra. Certaines continueront de venir chercher des rencontres, de la sexualité libertines, et c’est leur droit. Mais c’est là qu’intervient le cadre posé par l’animateur ou l’animatrice afin de faire en sorte que ces objectifs soient déboutés et que ces personnes comprennent qu’elles se sont trompées de lieu. Le tantra ne dit pas ceci est bon ceci est mauvais. On trouve toujours autre chose que ce que l’on cherche !

Une fois la sexualité fluidifiée, rétablie dans sa saine agressivité et sa saine puissance, la personne engagée sur la voie du Tantra va pouvoir utiliser le plaisir, le désir, l’extase, la joie comme moyens et indicateurs de l’ouverture de conscience. Avec la pratique, la connaissance, la conscience, tout devient source d’extase, d’union, c’est le Mahamudra, il n’y a plus de séparation, le « je sujet » se vit comme infini, éternellement présent, s’immergeant dans la sainte trinité : « Amour – Désir – Plaisir » (on peut les mettre dans n’importe quel ordre bien évidemment). Le cœur, siège de la connaissance, voit alors une réalité que le mental ne pouvait procurer. Comme le disait Jean Klein « Le mental ne peut jamais changer le mental ». Pour moi le Tantra est la voie du cœur, quand l’énergie sexuelle s’alchimise dans le creuset du cœur et de l’amour pour irriguer la conscience et qu’à ce mouvement ascendant lui répond un autre mouvement qui descend diviniser et sacraliser la violence pulsionnelle et transformer le plomb en or.

C’est bien beau tout ça allez-vous me dire mais concrètement ça se passe comment ce miracle ? C’est là qu’intervient le savoir-faire de l’animateur ou l’animatrice de tantra. Selon moi, leur travail consiste à proposer, au fil de leurs stages, des situations, des pratiques, des exercices, des méditations actives, une compréhension, qui vont faire baisser de manière tranquille et douce les défenses contre le plaisir. Nous nous défendons contre un type de plaisir qui pourrait nous submerger, nous amener à la folie, à la perte de contrôle. Cela crée ce que Reich appelle la cuirasse caractérielle. Et ainsi nous ne connaissons qu’un plaisir contraint, triste, partiel. Il y aura alors, peut-être, au fil de la pratique de ces moments féconds ou « Kairos » où les tantrikas vont faire l’expérience de l’élan qui les amènent à goûter le Soi, la Conscience. Et pour cela tous les moyens sont bons. Je cite la tradition du Trika (une des branches du Tantra médiéval)

« Au moment de pénétrer dans la Réalité suprême, on considère comme un moyen tout ce qui se trouve à portée, fût-ce licite ou illicite; parce que, d’après le Trika, on ne doit alors se soumettre à aucune restriction » L’animateur-trice cherche à faire advenir cet élan, cette imagination créatrice, ce surcroît d’énergie. Et cela doit advenir sans effort, sans être recherché, par surprise, c’est pour cela que les fondations de la pratique du Tantra sont la relaxation profonde et la vigilance extrême toutes 2 présentes et cohabitant équitablement. Et comme tous les moyens sont bons et qu’il faut sortir les tantrikas du mental (qui ne peut nous mener ailleurs que dans le déjà connu) l’animateur-trice utilise l’« effervescence de l’énergie, une impression sensorielle quelconque: son, cri, chant, image, couleur, forme belle, toucher – on voit ici le but du massage tantrique - saveur, odeur, et aussi souvenir, évocation voluptueuse. Tout plaisir sensuel en effet renvoie à l’énergie divine de félicité (ânandashakti) ou « pointe » vers car tout désir profondément est désir du Soi dans sa plénitude. La jouissance, qu’elle soit esthétique ou amoureuse, est donc par nature unifiante, elle abolit ou suspend la dualité entre sujet et objet. Mais alors que le profane ne vit généralement ces moments que dans une saisie avide ou bien comme une compensation à un mal-être - une lueur brève dans une existence terne -, les tantrikas s’y établissent avec une sorte de fraîcheur lucide jusqu’à y retrouver la « saveur » (rasa) de leur vraies natures » (1).
Ils ou elles assistent au déploiement et à la résorption de l’énergie, l’énergie devient conscience puisque le Tantra affirme leur parfaite identité, la conscience est énergie, l’énergie est la conscience.

Bien sûr il y aura encore d’autres ombres à rencontrer d’autres vulnérabilités à accueillir, mais le sillon sera tracé et la graine plantée car biologiquement nous sommes des êtres de plaisir. Le système de la récompense, cette zone de notre cerveau émotionnel, prouve à quel point notre organisme cherche le plaisir, cet élan vers le plaisir est l’un des fils de trame du Tantra. Nous sommes aussi des êtres en quête de sens. Le tantra fournit l’alliance d’une quête de sens et d’une quête de plaisir qui ne s’excluent pas mutuellement. Puisse cette alliance nous mener au Soi qui se connaît lui-même par lui-même. Là où pulse le cœur de Bhairava et où, devant nos yeux émerveillés, se déploie en toute liberté le jeu de la conscience qui se voile pour mieux se dévoiler.

(1) librement adapté de Pierre Feuga « LE COEUR DANS LE SHIVAISME TANTRIQUE DU CACHEMIRE » Article paru dans Connaissance des religions numéro 57-58-59

Deva accompagne des groupes sur le chemin du tantra et du massage tantrique depuis une dizaine d’années, elle propose :
- Des stages de Tantra pour l'ouverture de la conscience par l’énergie et pour aller de la peur vers l’amour
- Des stages femmes pour rayonner Shakti-yoni
- Formation personnelle au massage Tantrique sur 5 we
- Des séances individuelles de massages méditatifs
Les stages ont lieu à Paris ou région parisienne et à Tours pour le massage tantrique. www.tantra-deva.fr