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Le mouvement, une nourriture du corps et de l’esprit

Par Jean-Michel Picazo

le mouvement

Je suis convaincu comme le dit Ernst Von Glasersfeld que « l’être humain est responsable de sa pensée, de sa connaissance et donc de ce qu’il fait ». Il s’avère alors impossible de répondre à la question suivante : dans quelle mesure, un ressenti, une image, une pensée, une idée, transmise par nos sens correspond à la réalité « objective » ? Heinz Von Foerster nous dit, « l’environnement, tel que nous le percevons, est notre invention ».
La suite de la rédaction de cet article sur le sujet qu’il m’intéresse d’évoquer aujourd’hui, la voie du Tantra, est donc entièrement construite sur ce postulat qu’il n’existe pas de réalité objective, puisque la réalité est inventée, notamment par celui qui la crée.

En même temps, je rebondis à nouveau sur une formulation de Paul Watzlawick, à savoir que « la réalité inventée devient réalité « réelle » seulement si le sujet qui invente croit à son invention »… et je crois sincèrement à la voie du Tantra, sous toutes ses formes.
Voilà de nombreuses années que je vogue sur les eaux tantriques, apaisantes comme la surface d’un lac au soleil couchant et agitées comme une rivière gonflée par la saison des pluies.

J’ai navigué en quête de connaissances de soi, des autres, d’apprentissages sur la relation, de partages et de vécus en conscience.
Tant de sujets pourraient être exposés. Je proposerai ici un zoom sur l’importance vitale de la connexion à notre corps et sur l’un des outils possible pour cela, le mouvement, une des 3 clefs principales qui aident à décharger des nœuds et tensions et à charger le corps avec de l’énergie (avec la respiration profonde et l’expression par la voix), comme le souligne Margot Anand (« L’art de l’extase sexuelle »).

La connexion au corps dans la pratique du tantra

Nous vivons actuellement dans une société où le mental est suractivé et surchargé. Par conséquent, nous éprouvons de la difficulté à nous connecter à notre corps. Il est pourtant notre seule lien à notre intérieur et au « Tout ». Lorsque le mental est au bord de l’asphyxie, le corps s’exprime et nous alerte (maux divers, maladies,…) sur notre mal-être, sur l’incohérence entre nos aspirations, nos valeurs, nos envies et le vécu de notre quotidien, trop souvent en décalage.
La société actuelle ne nous apprend pas -ni même nous y invite- à nous connecter à notre corps « d’un point de vue énergétique », pour être à l’écoute de nos frustrations, de nos ressentis, de nos désirs profonds et de nos émotions. Cette déconnexion au corps, nous amène plus souvent à n’entendre que les manifestations de notre mental et ses représentations (souvent nées de nos conditionnements sociétaux ou même religieux). Pour Fabrice Midal, « nous avons appris à nous relier à notre corps d’un point de vue instrumental sans prendre acte du fait que nous n’avons pas un corps mais que nous sommes notre corps, (…) si nous ne sommes pas pleinement en rapport à notre corps -le nirmanakaya, l’apparition concrète de tous les phénomènes que nous pouvons percevoir- nous n’avons aucune possibilité d’avoir un rapport réel et sain à nos émotions -le sambhogakaya, le jaillissement pur d’émotions- (…), or, l ’Eveil se déploie spontanément de la reconnaissance du corps et de la vérité des émotions (le dharmakaya, l’expérience du vide) » (Fabrice MIDAL, « Introduction au Tantra Bouddhique », Fayard, 2008).

A la lumière de ces propos, je comprends l’utilité, la nécessité, l’urgence même, d’une prise de conscience que notre corps n’est pas distinct de notre esprit et que l’enjeu vital est d’arriver à ressentir leur unité -le svabhavikakaya (qui ajoute la parole à cette pensée unitaire)-.
Si « corps » et « esprit » sont séparés, nous expérimentons la dualité et la disharmonie intérieure et extérieure. La force du tantrisme, shivaïte ou bouddhique, est de nous amener sur la voie de la non-dualité, pour dépasser les contraires et les réconcilier, les harmoniser au sein d’une unité plus vaste. Par la pratique du tantra et l’intégration des préceptes du tantra, le corps et l’esprit, comme le bien et le mal, et tant d’autres antonymes, se fondent alors au sein d’une même unité. Pour citer William Shakespeare  « le bien et le mal n’existe pas, si ce n’est dans nos pensées » (sans doute là aussi une invention de la réalité).

Sous un autre angle de vue, dans notre société de consommation et de culture du résultat, la clé de réussite est la recherche d’efficacité et même d’efficience (efficacité à moindre coût), au détriment d’ailleurs de l’application du quatrième accord toltèque « faire toujours de son mieux » (Don Miguel Ruiz « Les quatre accords toltèque », Jouvence). Rien d’étonnant alors à ce que l’irrésistible quête de l’individu à développer sa confiance en soi, améliorer son estime de soi, s’affirmer dans la réalisation de soi, soit tout entière centrée sur son cerveau (apprentissages de techniques, formation à des concepts…). Le corps est bien rarement privilégié dans la quête de soi. Le rapport à notre corps est d’ailleurs d’une extrême pauvreté, et souvent orienté sur ses aspects les plus négatifs : maux, maladies,... Nous nous pensons, et même nous nous ressentons, d’abord comme un esprit. Lorsqu’il y a écoute du corps, il est réduit, au mieux dirais-je, à une hygiène de vie pour le maintenir en bonne santé (exercice, soin, alimentation…), mais sans jamais établir un réel rapport avec lui. Fabrice Midal nous le rappelle, « en réalité, le corps humain est vibratoire, il répond à tout alentour, (…) le corps est la peau de la conscience, son temple, son sanctuaire ». Notre corps entre toujours en résonance avec le temps qu’il fait, la présence d’un proche, un parfum que l’on respire, l’écoute d’une musique, ou notre état d’esprit… C’est juste que nous n’y prêtons pas attention, ou même nous l’avons oublié

Le Tantra nous invite à redécouvrir le corps perçu à la première personne, qui parle de l’intérieur, en « je », par opposition au corps-objet, extériorisé, perçu comme une tierce personne, « il », dont au mieux on prend soin, au pire on néglige… ou pire encore on méprise.
La première étape dans la pratique du tantra sera simplement d’être conscient de son corps. Je deviens attentif à ma respiration, à mes mouvements, à mes pas, à ma gestuelle... Lorsque je suis dans cette attention à mon corps, je suis plus attentif au frémissement de la vie en moi. Cette étape m’amène sur l’indispensable présence du mouvement dans notre vie, que l’univers du Tantra peut offrir, dans toute sa diversité. Ainsi, la danse libre, comme le massage tantrique, ont pour moi une place privilégiée, parmi les multiples activités existantes sources de nourriture corporelle... et par voie de conséquence, spirituelle.

La libre expression du corps comme essence de vie

Parmi les pratiques tantriques, la danse libre permet pleinement d’expérimenter ce qui nous empêche d’être dans le corps, pour prendre conscience de nos résistances, nées de nos peurs, blessures, émotions refoulées, conditionnements et croyances limitantes. Cette prise de conscience participe à l’ouverture vers une meilleure connaissance de soi, pour aider à se mettre en marche, pour permettre une transformation utile.

Quand je respire… je suis vivant. Quand je m’exprime, je communique… j’existe. Quand je suis en mouvement… je suis libre et connecté au monde.
Danser librement, quoi de plus extatique. Ce sont des moments de partage avec soi et avec l’autre, qui nous transportent hors de nous-même et nous ouvrent une porte vers l’extase, à travers un ressenti physique ou émotionnel, une vision, une jouissance ou une joie extrême…
Danser s’inscrit dans une boucle de rétroaction positive : « intérieur – extérieur – intérieur ». La danse libre offre un espace à soi, à partir d’une mise en mouvement de l’intérieur (ce que je vis dans le corps) vers un mouvement à l’extérieur (ce que je vais exprimer par le corps) qui va me procurer un bien-être intérieur du corps et de l’esprit.

Ce mouvement de vie fonctionne un peu comme le système respiratoire : lorsqu’un individu s’offre un temps de libre expression corporelle, son énergie de vie circule à l’intérieur et nourrit son système sensitif et émotionnel -comme l’air qui à l’inspiration entre dans les bronches, passe par les bronchioles et se rend jusqu’aux alvéoles qui relient le système respiratoire aux capillaires du système circulatoire-. De l’intérieur, une impulsion émerge de l’écoulement de l’énergie de vie -à l’image des échanges gazeux du système respiratoire-… Cette impulsion emmène une mise en action du corps, il entre dans un mouvement spontané, une danse intuitive, libre et créative. Ce flux d’énergie nous nourrit à l’intérieur, de vibrations, de perceptions, de sensations (comme l’oxygène libéré dans le sang nourrit notre organisme) et il rejaillit ensuite à l’extérieur à travers le mouvement spontané, pour libérer un flot d’émotions (joie, surprise, mélancolie, colère, extase,...) peu ou non exprimées, réprimées ou refoulées dans notre quotidien de vie (comme l’élimination du dioxyde de carbone, à l’expiration). Tous ces échanges bioénergétiques émergent et se mêlent à l’interface entre le corps physique et le corps éthérique, dans une circulation de l’intérieur du corps (organes, viscères, cortex cérébral) jusqu’à d’autres strates de corps subtils selon les individus.
Le mouvement est « réellement » l’essence même de la vie. De tout temps, la danse et le mouvement ont été utilisés pour célébrer (rituel), guérir (chamans) et rencontrer d’autres états de conscience (transe).

danse

La libre expression corporelle ou danse libre inaugure un nouveau rapport au corps, au plaisir, à l’autre et à soi-même. Dans la danse libre, c’est l’expression de soi, l’émotion, l’intensité qui est recherchée ; ce n’est pas la technique. Le parquet devient aussi un « espace thérapeutique » où l’on parle avec son corps et avec le groupe. Lors d’une psycho-thérapie, on rencontre son inconscient, dans la danse-thérapie, son enfant intérieur, cette partie de soi qui danse la vie, cherche à renouer avec le plaisir. La danse libre est aussi une méditation en mouvement, une métaphore de la vie. Elle offre ainsi son potentiel de guérison, d’expression, de partage et de connaissance de soi, de joie de vivre.

La Danse Unité et la Chakradance™ que nous proposons au sein du Centre Odyssée Bien-Être - sous forme de cours, ateliers et stages résidentiels- s’adressent à tout le monde. Les personnes qui viennent souhaitent réveiller leur corps, s’autoriser le plaisir de découvrir des sensations, se reconnecter à leur énergie vitale, partir à la rencontre de l’autre, être en lien, exprimer tout à la fois sa vulnérabilité et sa puissance, d’homme, de femme. Chacun trouve ce dont il a besoin pour se sentir vivant. Comme la danse libre ne repose pas sur la performance, tout le monde en retire des bénéfices singuliers.

Notre corps tout entier devient le véhicule à travers lequel notre énergie, notre conscience et nos désirs s’expriment, nous permettant ainsi d’avoir une expérience sensorielle, sensitive, sensuelle…
« Si votre énergie est stagnante, il n’y a aucune joie. Si votre énergie devient un flux, un mouvement, une rivière, alors il y a une grande joie -sans aucune autre raison-, simplement parce que vous devenez plus fluide, plus mouvant, plus vivant. Un chant naît dans votre cœur, une grande extase surgit ». Osho

Jean-Michel Picazo