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Les mouvements de Gurdjieff : Ombres et Lumières
par Amiyo
Avant de prendre la décision de présenter les Mouvements de Gurdjieff publiquement, je prends toujours un moment de pause et de réflexion
Outre l’exigence de pratique intense et nécessaire, par respect pour la beauté , la pureté et les effets des Mouvements, l’implication totale demandée, je fais aussi l’expérience des dangers de toute représentation publique qui inciterait à l’affirmation de l’ego sous ses multiples formes, sans une vigilance accrue de l’enseignant et des danseurs ( image de soi- frustrations- volonté d’impressionner, d’être vu et reconnu-émotionalité…)
Toutefois, je ne peux que me rappeler des indications de mon maitre Osho, lorsqu’en 1989, à Pune, il m’invita à enseigner les Mouvements: ”Chaque long stage se terminera par une démonstration publique “
Pourquoi???
Les Mouvements de Gurdjieff offrent aux danseurs et public force, beauté et silence. Ils nécessitent d’abord une période intensive de pratique en groupe. L’attention est présente dans les 3 centres: mental, coeur et corps. Nous apprenons à ressentir l’intensité exacte de la force qui habite chaque position. Alors, une atmosphère de conscience est générée
Puis surgit ce moment merveilleux où chaque partie travaillée trouve sa juste place et soudain se découvre une structure cachée derrière la multiplicité des formes et rythmes. La dynamique des Mouvements nous emporte librement, nous amenant joie profonde et expansion intérieure. A l’intérieur d’une discipline soutenue, nous découvrons un joyau de liberté, une ouverture vers un espace inconnu qui a l’immobilité en son centre. Nos mouvements sont porteurs d’immobilité. C’est cela, leur Mystère.
Ces forces “d’affirmation” ne pourraient exister sans des forces opposées dites de “négation” Je sais par expérience qu’à chaque représentation surgissent inopinément et toujours issues d’une direction inattendue des forces d’opposition: costumes qui se révèlent désastreux, un danseur malade, le théâtre pas prêt etc…
Cette fois-ci, l’opposition nous surprit par sa violence: La représentation prévue le 8 Décembre 2018 au cœur de Paris, jour même de manifestations, et d’émeutes.
Toutes les medias conseillaient aux Parisiens de se calfeutrer chez eux, les bus ne roulaient pas, de nombreuses stations de métro étaient fermées etc…
Pourtant quelque chose en nous nous poussait à aller jusqu’au bout.
La densité de l’obscurité rend la lumière plus brillante
A l’extérieur de la salle: violences, confrontations d’opinions, destructions.
A l’intérieur de la salle : une seule vérité, intemporelle, éternelle, transcendantale, le centre du cyclone
Nous étions tous profondément conscients de l’existence de ces 2 mondes, au même endroit .Dehors, le bruit et le chaos, dedans le silence dans lequel nous nous dissolvions laissant tomber toute séparation. La cohésion et l’amour au sein du groupe s’en trouvèrent renforcés.
Une analogie intéressante, à une autre échelle: Mr Gurdjieff était lui aussi à Paris au moment de l’occupation allemande et ses élèves prenaient quotidiennement le risque de venir le rejoindre chez lui pour nourrir leur vie intérieure par le partage des repas, les exercices intérieurs, les Mouvements
On retrouve de nouveau l’existence de la loi de 3 qui dit que chaque processus vivant est la rencontre de 3 forces: affirmation, négation, réconciliation
L’instigateur de notre spectacle à Paris fut Alain Kremski. Sa passion et sa foi nous portèrent. Il mourut 20 jours plus tard….
Ce sont des mots simples qui coulent de mon stylo quand j’évoque Alain qui a accompagné notre Travail des Mouvements et notre Travail sur nous-mêmes pendant plus de 2 ans.
Alain entre dans la salle, nous sourit tendrement, s’assoit au piano silencieusement et soudain nous nous sentons portés par une vigoureuse attaque d’un morceau Dervish, un tel feu intérieur, une telle fougue, que nous ne pouvons que le suivre, bon gré, mal gré
Le plus jeune d’entre nous, à ce moment –là, c’est lui
“Que veux-tu, le piano veut que je joue à ce tempo là…”plaisante-t- il en voyant à quel point nous “courons “derrière lui
Mais en fait, c’est toujours l’impulsion exacte dont nous avons besoin, ainsi que le tempo exact qui révèlera les qualités sublimes du Mouvement
A ce moment-là, il n’y a plus de mental, plus de calculs, plus de commentaires, d’hésitation, mais une seule vague collective qui s’affirme et se manifeste, plus de musicien, plus de danseurs, mais que danse et musique
Et puis…le moment suivant, avec une facilité surprenante. Alain entre dans un autre espace de musique: silence, dévotion, paix, union qui nous relie tous dans une pulsion régulière et soutenue
Il joue tout en nous regardant et parfois me murmure une suggestion: ”Tu sais Amiyo, dis leur que…”Si respectueux et sensible à la place et au rôle que chacun doit remplir…
Dès que ses doigts se posent sur le clavier, le son est immédiatement pur, total, vrai, exact quant au volume, tonalité, clarté. Il n’a pas besoin de temps d’adaptation, le son est immédiat et juste, sans aucune hésitation
Infiniment reconnaissant d’avoir pu vivre des années auprès de Mme de Salzmann, à qui Gurdjieff a donné la tâche de continuer son Travail, ainsi que la transmission de ses Mouvements , étant à la fois son ami, son élève , son pianiste, son compagnon de voyage, il incarne son enseignement, nous guidant en méditation assise vers un état intérieur à la fois apaisé et éveillé, nous invitant à nous ouvrir à une force subtile venue d’en haut et à l’incarner sur terre.
Derrière ses mots et son énergie, nous ressentons alors une force qui n’est pas de ce monde, qui n’est pas la sienne, mais la force de Gurdjieff et Mme de Salzmann qu’il transmet en toute humilité et transparence
Il nous répète : " Il est plus important de ressentir l’énergie qui nous anime que le Mouvement lui-même"
Il est aussi un merveilleux conteur d’histoires, chacune d’elles contenant un message profond, il nous guide avec ses anecdotes, ses histoires drôles, il parle par image, par allégorie et parabole
Avec simplicité, humour, humilité, il conquiert nos âmes.
Il ne supporte pas que la musique qu’il joue ne soit authentique, vraie et puissante. Intransigeant envers lui-même en tant que musicien:
”Là, Amiyo, il faut que je m’arrête de jouer ce morceau .Je suis en train de tomber dans l’automatisme”
Une telle exigence spirituelle et artistique nous donne une nouvelle impulsion de vérité et de sincérité.
Alain est ce cocktail de simplicité, humilité, de sophistication créatrice et de raffinement musical
Il aime un bon verre de vin rouge et regarder les jolies femmes et aussi vit de façon profonde le silence entre les sons, l’immobilité intérieure. En lui la terre touche le ciel
Alain, tu restes et resteras un des plus beaux cadeaux que l’existence ait pu me faire
Ton passage ici-bas a rendu le monde plus beau qu’il n’était auparavant.
Puisses-tu recevoir en retour tout ce que tu as donné si généreusement
Ton esprit et ta musique continuent de nous inspirer
AMIYO
Tous nos stages ne sont pas destinés à la préparation de spectacle. La plupart visent au développement harmonieux de notre Etre, à travers la pratique des Mouvements
Vous y êtes tous bienvenus
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