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Yoga de la voix.
La musique du Silence

par Adam S Callejon : 26-07-2019

L’humain qui ne perçoit pas la voix du Silence intérieur est sans doute absorbé dans l’écoute constante de sa propre voix. Le Silence du cœur, pour le différencier du silence extérieur, n’est pas absence des bruits de ce monde. C’est un centre sans objets, où la Conscience qui est consciente d’elle même repose, comme un oiseau dans son nid, jouissant d’un apaisement total tout en étant reliée à la surface.

Quelle relation avons-nous avec le Silence, source de tous les sons ?
Quel lien entretenons-nous avec la douce solitude empreinte de Paix, qui nous réoriente quand nous sommes perdus dans le tumulte de la société, assaillis par les pressions diverses ?
Le fait d’être toujours dans l’activité, toujours centré vers le dehors, occulte ce lieu de l’immobilité en nous ; un monde sans parole et sans geste où nous retournons chaque nuit, sans nous en rendre compte, aspirés dans l’état de sommeil profond. Nous pouvons pourtant y accéder consciemment, puisque c’est dans notre nature d’y demeurer.

yoga de la voix

Pratyâhâra le retrait des sens.

Dans la discipline du Yoga de la Voix*, les postures sont sonores. Le support principal est la musique modale classique Hindoustani qui se pratique avec un tampura (tanpura). C’est un magnifique travail d’écoute et d’abandon qui s’opère. Une douce concentration suffit pour commencer, et nous partons à la rencontre de la partition intérieure. Bien en appui sur le souffle, la voix vibre sur les fréquences des ragas porteurs de lumière, laissant le corps-instrument naviguer à l’infini au gré des variations subtiles, dans les arcanes de la Science des Vibrations.

La musique indienne étant l’expression de la Shakti, la magie modale se fait ressentir dès les premières vocalisations. Cela charme les oreilles parce que c’est beau, mais aussi cela instille en nous l’énergie créatrice et transformatrice contenue dans les ragas.
Un des secrets de cette science est la façon unique de relier les notes entre elles en glissant entre les intervalles dans la délicatesse, la légèreté, la précision et la présence. Cela permet de caresser le Silence et de l’entendre dans la musique.

Le son traverse le mur qui nous sépare de nous même et nous devenons un avec la vibration.
Le potentiel particulièrement apaisant de la musique Gandharva (spirituelle) nous amène naturellement à un état de stabilité intérieure, de méditation spontanée où le Silence resplendissant nous suspend dans l’immobilité. Il est intéressant de constater que notre pratique de Pratyâhâra est une conséquence de l’harmonisation par le chant modal. Il n’y a pas d’effort particulier pour y arriver.

Plus de vent, plus de fracas : l’esprit, tel un cygne gracieux, glisse silencieux sur un lac de cristal.
Il suffit d’observer, sans effort, dans cet espace paisible, dans la douce perception du calme intime.
C’est un état de pure vigilance, la pensée est transcendée, les sens en retrait, l’esprit flotte à la lisière de la conscience transcendantale, et plus loin si affinité.
La Conscience du « je suis conscient » apparait clairement, tandis que le personnage lui disparait, sans la moindre protestation d’ailleurs.
Le cœur flamboie dans la lumière de l’être, comme délivré de la mémoire.
C’est le moment opportun de poser la question : Koham, qui suis-je ?

Détermination, Adhitthana

Certes, après la séance, si le coup de Grâce n’a pas été fatal, la mémoire revient avec la pensée du mental, mais elle aura néanmoins été partiellement nettoyée des multiples tensions inscrites au sein du physique, du vital et du psychique.
Le disque dur devient mou, il se vide. L’expérience de la rétraction sensorielle (qui n’est pas une panne des sens) nous permet de changer de point de vue.
Avec ces secondes, ces minutes miraculeuses de pur Silence, une brèche fabuleuse s’est ouverte, il y a un accès à notre infinitude. Il y a aussi plus d’espace dans l’appréciation de notre vie, cela nous rendra plus disponible aux autres et à nous. Quelques gouttes de lumières suffisent pour semer des lueurs d’harmonie dans le petit chaos personnel, pour trouver le courage de lutter contre l’inertie et affermir notre détermination.

Plus nous irons nous baigner dans le Silence intérieur, plus nous serons pacifiés.
La force de la Paix du cœur, apporte de la joie dans l’être, et génère de la cohérence dans nos fonctionnements, elle épure l’intellect et favorise la réflexion.
La réflexion sur le personnage extérieur et la réflexion de la Lumière intérieure.
Cela permet d’intégrer progressivement la réalité de la Source de la Conscience et de comprendre avec un mental clarifié, les mystères de nos subtilités.
Le soleil de l’aurore transcendantale s’en vient éclairer la route du Soi.
Un rééquilibrage des gunas (qualités) s’effectue, c’est Sattva qui domine alors et qui montre le chemin.
La Source de l’Intelligence créatrice est contenue dans le Silence qui n’est pas vide. Il est plein de la Liberté absolue et de la grande Paix salvatrice, il est rempli de la vérité de nos aspirations.

Un sage, un jour, a murmuré à la lune que le dieu Shiva, le Seigneur des Yogis, Celui qui demeure éternellement établi dans la Paix de sa méditation, personnifiait le pur Silence de l’être.

Le Silence est d’ORigine

En Inde, le son est sacré depuis l’origine de la manifestation, et pour cause… Il est vivant, il est énergie, il est puissance, émané du grand Mystère silencieux.
Les Rishis (sages de l’époque védique) l’ont écrit et chanté dans leurs hymnes, la musique n’est pas un objet. Elle contient un effet et une cause. Elle est régie par des lois universelles, et possède des pouvoirs, tout comme nous.

Pour la petite histoire, voici comment est définie la quinte (cinquième degré) de la gamme naturelle dans le Gitâlamkâra (ancien traité indien sur la musique), :
« Née de la combinaison des cinq souffles vitaux, prâna, apâna, samâna, udâna et vyâna, cette note est appelée panchama (des cinq). »
À défaut d’objet, il semblerait bien que nous soyons ici au cœur du sujet.
Remarque : Bien qu’en Inde la musique ne soit pas écrite, les Indiens n’ont pu échapper à la partition.
Dans ce même traité, le magnifique raga Sri (à l’honneur dans nos compositions) est cité comme étant le roi des modes, et le premier issu d’une des cinq bouches de Shiva. Il a jadis été chanté par la déesse Lakshmi en personne et il la représente :
« Sri raga (délice de la fortune) augmente l’allégresse des dieux lorsqu’il est joué. »
Les devas étant aussi des forces en nous, nous laisserons nous tenter par un hymne à la joie pure ?

En mode Silence

Abhinava-Gupta maître du Shivaïsme du Cachemire et également musicien, mentionne dans des commentaires du Natya Shastra (autre ancien traité de musique) des lectures qui font référence à la Paix comme sentiment exprimable dans l’art. Il ajoute à ce sujet que Shanti (la paix) ne peut pas être considérée comme un affect : « L’état naturel est la Paix, les émotions en sont les dérangements. Lorsque la cause des dérangements disparait, le sentiment se dissout à nouveau dans la Paix ».

Il ne faut pas seulement prendre les ragas par les sentiments.
Le raga porteur de Paix va agir sur la cause des perturbations d’un sujet, il va chasser la négativité, et changer l’eau trouble en eau limpide (ne pas confondre avec changer l’eau en vain).

En clair, les fréquences du mode de Shanti deviennent sa parole, en vibrant elles nourrissent et éveillent, activent ou réaniment la Paix qui siège en nous, elles entrent en phase avec elle.
La musique et Shanti coulent alors de Source et de concert, générant une ondée bienfaitrice, un sentiment de sérénité qui maintient l’âme suspendue dans le délice des raffinements de l’harmonie et dans le ciel du Silence intérieur.

Dans le Gâna Shâstra il est dit que le courant de la science musicale, Gâna Sarasvati, mène au mont Kailâsh (l’axe du monde), plus surement que le Gange ou la rivière du savoir.
Ces quelques gouttes dans l’océan de la science des vibrations attestent d’une connaissance expérimentale profonde des sages de l’Inde envers l’univers du son et le monde du Silence.

yoga de la voix

Ça va commencer

Le Yoga de la voix qui fait principalement usage de la musique sacrée de l’Inde et des mantras ne se limite donc pas, dans son propos, au palier du mental actif de surface qui régit nos perceptions ordinaires.
On le découvre au cours de la pratique du chant contemplatif, quand l’esprit, naturellement et sans effort, atteint un niveau de calme complet, et accède au courant pur de l’énergie et de l’intelligence créatrice qui caractérisent les plans subtils. C’est là toute l’importance du chant évocateur du Silence qui conduit à la méditation, accordant à l’esprit de se « connaître » en contactant son champ de «conscience pure ».

Ce retrait, cette sortie de l’état de veille et cette entrée dans le pratyâhâra (cf :Yoga Sutras de Patanjali), à l’image de la tortue qui rentre ses membres et sa tête dans sa carapace, permettent de nous enrichir des qualités que nous possédons et de véritablement observer le Silence.
Le voir tel qu’il est en nous même, serti dans le présent depuis notre plus tendre enfance.

Ainsi, comme au théâtre, après les trois coups du tumulte du monde, le Silence s’installe, le rideau se lève et nous pouvons dès lors assister au spectacle.
Fin du « mahabaratin ».

N’oublions pas d’être heureux.
Gratitude aux maitres et aux élèves.

Adam S. Callejon
Yoga de la Voix, Chants Sacrés et Mantras de l’Inde
www.yogadelavoix.com - Vidéos en ligne : www.yogadelavoix.tv

yoga de la voix

* Il y a quinze ans, en fondant notre école, nous avons traduit « Gita marg », la voie de la réalisation avec le chant, par « Yoga de la voix ». Cette traduction nous semble toujours la plus appropriée.

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Exclusif ! Plus dur sera le « chut ».
Scoop 1: aujourd’hui, les neurosciences l’affirment : nous avons besoin de silence chaque jour pour favoriser la régénération du cerveau, au minimum deux minutes pour ralentir les battements du cœur.
Scoop 2: cela fait seulement quelques milliers d’années que pour une santé parfaite, l’Ayurveda prescrit le Silence intérieur par la méditation (ce qui entraine la baisse naturelle du métabolisme).