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LES EMOTIONNAUTES
Voyage au cœur des émotions
Par Jean-Marie Muller
"Ce ne sont pas les revers qui nous terrassent mais la peur"
Un enfant de la peur
Avez-vous déjà été confronté à l’épreuve de l’interrogation au tableau à l’école ? Avez-vous déjà éprouvé le sentiment de perdre pied en vous retrouvant seul face à toute la classe ? En ce qui me concerne, j’ai ressenti tellement de peur tout au long de ma scolarité que je pourrais vous raconter 15 années intitulées « itinéraire d’un enfant de la peur ». Je tremblais de tous mes membres en allant au tableau noir et perdais complètement mes moyens quand on m’interrogeait, au point presque d’oublier mon nom ! « Je vois que, comme d’habitude, tu ne sais rien, Jean-Marie », me disait mon professeur, m’humiliant devant toute l’assemblée. En réalité, je craignais à peu près tout durant cette période : aller à l’école, faire du vélo, les filles, la nuit, mes professeurs, m’exprimer devant les autres... Donner mon opinion s’apparentait à un marathon pour moi, je percevais des pièges partout et me confondais en doute et en hésitation. Un vrai cauchemar au quotidien. Pour tout vous dire, je souffrais tellement de mes angoisses que je souhaitais parfois juste mourir.
Comment faire dans une telle situation ? À qui parler ? Comment gérer le terrible remue-ménage intérieur dans lequel on patauge ? Le fait est que personne ne nous apprend à faire face à nos émotions ; personne ne nous dit quoi faire quand on est mort de peur, triste ou enragé. J’aurais aimé que l’on m’aide à me libérer de ces tourbillons intérieurs. J’aurais aimé que l’on me dise que c’est une chance d’avoir des émotions, pas une tare, ce que j’ai compris bien plus tard. Enrichi des multiples expériences émotionnelles que j’ai traversées, je suis très heureux de vous partager aujourd’hui ce que j’aurais aimé que l’on partage à l’enfant apeuré que j’étais.
Le désamour des émotions
Les émotions n’ont pas bonne presse dans nos sociétés dites civilisées ou modernes. Dès l’école, on nous prie d’être discrets avec nos états d’âme et on nous visse sur des chaises pour nous immobiliser. Priorité est faite aux enseignements intellectuels dès notre plus jeune âge et la gestion des émotions ne fait clairement pas partie des programmes scolaires, ni des curriculums d’ailleurs. Dans le milieu professionnel, les émotions sont encore plus stigmatisées et taboues qu’ailleurs. Il semblerait qu’elles relèvent de la sphère privée et qu’il soit fortement conseillé de les laisser à la porte du bureau. Surtout faire bonne figure et ne pas en parler.
Avec la famille et les amis, les degrés d’expression émotionnelle varient. La pudeur, la peur ou même l’ignorance l’emportent bien souvent sur l’authenticité. Il faut dire que bon nombre de parents n’ont pas reçu une éducation faisant place aux émotions. Ils n’ont donc souvent que très peu de connaissances et d’expérience sur le sujet. C’est pourquoi, si leur enfant se montre énervé ou excité, ils l’inviteront à se taire et à rester tranquille sans même se demander d’où peut venir son agitation intérieure. Encore très rares sont les parents qui se remettent en question et se demandent s’ils ne pourraient pas être eux-mêmes à l’origine des problèmes de l’enfant. Ou encore si ce ne sont pas les structures de l’école qui causent son mal-être.
Si un ami se dit triste, on le boostera souvent à vite aller mieux plutôt que de le laisser d’abord exprimer pleinement sa souffrance. Nous préférons éviter d’aller dans les profondeurs pour ne pas souffrir nous-mêmes. Notre ego nous fait croire à un élan de cœur là où nous ne nous préoccupons au fond que de nous. Celui-ci a aussi l’art de zapper rapidement nos émotions : une manière pour lui de garder le contrôle sur nous en nous évitant de prendre conscience de l’état des lieux. Inconsciemment ou pas, on fait ainsi bien souvent preuve d’auto- manipulation pour chasser nos tourments. Plutôt que de les exprimer, on va fouiner dans le frigo, s’acheter un vêtement, s’anesthésier avec l’alcool, ou on se tourne vers des amis pour leur refiler la patate chaude de nos frustrations et de notre trop plein émotionnel sans même s’en rendre compte. Le sexe peut aussi servir de refuge pour apaiser ou extérioriser un flot d’émotions vécu comme insupportable. Autant de stratégies illusoires pour ne pas ressentir. Encouragé par les structures rigides de l’éducation et de la société, on cherche à tout prix à s’anesthésier ou à compenser, souvent en prenant le parti de consommer. Cependant, un peu de légèreté s’impose : si je décris ces situations peu réjouissantes, ce n’est pas pour vous désespérer mais au contraire pour dédramatiser. Apprenez à observer précisément et surtout sans vous culpabiliser ce que vous faites dans vos propres vies. L’essentiel n’est pas de savoir si vous vous anesthésiez ou pas mais d’observer comment vous le faites et à quoi vous jouez ! Puis, pas à pas, avec amour, vous aller pouvoir changer ces comportements inappropriés. Je m’applique à la tâche depuis un certain temps, je vous dirais ceci, non sans une pointe d’humour : j’ai beaucoup évolué ces dernières années mais il reste vraiment beaucoup à faire. Et vous savez quoi ? C’est tant mieux ! Et cela ne m’empêche nullement d’être heureux.
Cela dit, nous vivons dans un monde tellement fermé aux émotions qu’il n’y a que dans peu d’endroits que l’on peut véritablement exprimer notre vie intérieure et se montrer sous toutes nos facettes. Chez le thérapeute et encore, pas chez tous, dans la voiture, dans la nature et parfois dans notre chez soi. Avec les enfants aussi, nous pouvons, par le biais du jeu, sortir nos petits monstres ou nos petits dieux sans retenue. En dehors de cela, tout est constamment brimé, tant la joie et l’amour, que la colère et la haine. C’est le règne du monocorde, en tout cas dans nos sociétés modernes. Certains courants spirituels vont même jusqu’à décrire l’illumination et la félicité comme un état dans lequel on serait « libéré de nos émotions ». On nous fait croire que l’être spirituellement évolué n’aurait plus de peurs, ni de colères, ni de tristesse... Mais de telles croyances ne seraient-elles pas issues d’une chimère de l’égo ? Ne proviendraient-elles pas de notre peur maladive de souffrir ? Ce n’est pas l’absence de nos émotions dites négatives qui feront de nous des gens heureux mais le fait d’apprendre à les vivre harmonieusement et dans le respect de chacun. Fuir nos émotions nous éloigne de notre centre et de notre expérience d’êtres humains voués à devenir plus conscients et véritablement vivants. Le but même de la vie sur Terre est d’apprendre à traverser nos émotions, plutôt que de les éviter ou réprimer. Elles ne sont pas une tare de la mécanique humaine desquelles il faudrait se débarrasser ; au contraire, elles sont d’importants guides sur le chemin de la santé, du bien-être et de la conscience.
Quand nos enfants sont nos maîtres
On l’a dit : de nos jours, les émotions sont communément censurées, chassées, maltraitées. Pourtant, rien de plus rapide que passer par elles pour se libérer de l’ego ! Elles sont là, à notre portée, pas besoin d’aller les chercher bien loin. Pour savoir comment se reconnecter à cette partie de nous oubliée ou négligée, il existe une belle source d’inspiration : les enfants. Observez le comportement d’un petit bout de 2-3 ans : il se comporte avec une spontanéité totale, vit ses émotions comme elles viennent, sans même chercher à les tempérer. Contrarié ? Il pleure à chaudes larmes. En colère ? Il crie de tout son être. Frustré ? Il vous le fera bien savoir, en tapant du pied, en grognant, en pleurant ou autre, à sa manière, sans aucun calcul ni préméditation, ni jugement… C’est la sagesse de tous les enfants du monde jusqu’à environ 4 ans : utiliser leur corps et leur voix pour exprimer instantanément leur joie, leur douleur ou autre. Puis, une fois l’émotion totalement vécue et libérée, il passe à autre chose. D’un bobo qui le fait pleurer de toutes ses forces, un enfant peut passer à la gaieté la plus légère l’instant d’après.
Deux éléments permettent d’expliquer pourquoi un enfant passe aussi rapidement d’un état à un autre. D’abord, parce qu’il vit ses émotions sans retenue, pleinement et sans jugement. S’il ressent une douleur par exemple, il crie tout son désarroi jusqu’à ce qu’il n’en ait plus besoin et puisse passer à autre chose. Ensuite, parce qu’un enfant ne vit pas dans sa tête. L’enfant ne passe pas son temps à ressasser un déplaisir ou un plaisir passé. Il vit pleinement à travers son corps et ses émotions, sans peur de s’exprimer authentiquement, dans le moment présent. Cela permet d’avancer et de vivre pleinement, plutôt que de rester émotionnellement et mentalement coincé dans un événement du passé qui n’a pas été digéré.
Fin de l’extrait du nouveau livre de Jean-Marie Muller.
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