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Tantra traditionnel et Néo-Tantra : au-delà de la dualité

Par Laurence Heitzmann et Laurent Lacoste

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Margot Anand et nous (Laurence et Laurent) – Juillet 2020

Margot Anand et nous (Laurence et Laurent) – Juillet 2020

Vouloir discourir de Néo-Tantra et de Tantra traditionnel est paradoxal. Le simple fait de les comparer nous éloigne déjà du sens profond que revêt ce mot. Pour le monde tantrique de quelque « obédience » qu’il se réclame, l’essence est Advaïta, non-dualité. Rien n’est séparé, rien n’est opposé, tout est un, tout est parfait en soi. Donc en principe, pas besoin d’expliquer ni surtout de comparer. Quelques mots toutefois pour mieux comprendre la place de ce Néo-Tantra dans le spectre plus global de la mouvance tantrique.

Beaucoup d’entre nous sont venus au néo-tantra par hasard. Certains à la recherche d’une meilleure capacité à être en relation, d’autres pour épanouir leur sexualité, d’autres enfin pour trouver un sens à leur vie. Certains y ont fait l’expérience, souvent bouleversante ou déstabilisante, que l’on pouvait porter un autre regard sur l’existence et le monde. Mais pourquoi ce mot - Tantra - pour décrire les pratiques et les sensations que nous avions vécues dans nos stages ? Quelle est son essence ? La réponse se trouve dans la tradition. En plongeant dans l’abondante littérature qui décrit les textes anciens, nous avons trouvé quelques réponses à nos questions.

Notre première découverte fut que ce mot est une sorte de fourre-tout dans lequel quelques érudits européens du 19ème siècle classèrent plusieurs courants spirituels des traditions Bouddhiste, Shivaïte, Visnouite et quelques autres. Nous ne sommes pas sanskritistes mais notre compréhension est que ce terme, qui certes évoque l’idée de tisser, a été utilisé, par extension, pour décrire des « tissages de mots ensemble », des traités. Ces traités, au même titre que les Agamas (révélations) et les Karikas (chants) véhiculaient les termes des philosophies et courants spirituels non-duels qui irriguèrent le monde Indo-Himalayen dès les premiers siècles de notre ère. Ces courants sont connus sous des vocables tels « shivaïsme non duel du cachemire » en Inde (notons toutefois qu’il existe aussi là-bas des cultes tantriques qui vénèrent Kali, Shakti, Tripura Sundari ou bien Vishnou) ou bien Vajrayana (dans la mouvance bouddhiste).

La deuxième découverte importante fut que ces courants philosophiques et spirituels fascinèrent, à la fin du 19ème siècle et tout au long du 20ème siècle, de nombreux chercheurs occidentaux qui se mirent à les décrire. Les Tantras inspirèrent psychanalystes (y compris Jung), psychothérapeutes, méditants et chercheurs occidentaux qui en utilisèrent les concepts pour les intégrer dans leurs propositions. Là-dessus, Osho, philosophe et maître spirituel rebelle, iconoclaste donc contesté, se mit, entre 1970 et 1990, à commenter tous les textes possibles des traditions spirituelles de l’histoire du monde Zen, Soufi, Chrétienne (évangile de Thomas), Bouddhiste, etc. Osho commenta, dans ses discours, des textes de la tradition tantrique, à laquelle il portait une affection particulière, notamment pour son côté transgressif, voire subversif : deux de la tradition bouddhiste tantrique (Le chant Royal de Saraha et le chant de Mahamudra, respectivement commentés dans les recueils de discours : Tantra, sagesse suprême (Ed. Ronan Denniel) et Tantra Vision édité en français, en deux volumes, sous les titres L’expérience du Tantra et La Transformation par le Tantra (grâce aux éditions Almasta). Il commenta aussi dans ses discours (publiés sous le titre de Book of Secrets – à lire en anglais tant la version française est coupée) un texte de la tradition Hindouiste Trika : Le fameux Vijnana Bhaïrava Tantra. Les discours vulgarisateurs d’Osho à propos du tantrisme, permettent, dans une première approche, de comprendre l’essence de ces textes de la tradition, souvent abscons au premier abord car très allusifs et métaphoriques.

Plusieurs disciples d’Osho, lorsqu’ils quittèrent sa Commune, rapportèrent en Occident cette vision « Osho » du Tantrisme et en firent la renommée, en la diffusant sous forme de stages, influençant ainsi le Néo-Tantra, que l’on peut définir comme une interprétation occidentalisée des différents courants tantriques traditionnels utilisant des adaptions de rituels traditionnels, des techniques de respiration, des massages et autres exercices issus des courants de thérapie psycho.

Osho

La troisième découverte : dans leurs ouvrages érudits, les tenants des courants traditionnels ont tendance, lorsqu’ils abordent le sujet du néo-tantra, à le décrire comme complaisant et « à côté de la plaque », comme un gloubi-boulga mal digéré de lieux communs à propos de développement personnel et de sexualité (à noter l’exception de l’excellent ouvrage de Vincent Bardet – ex traducteur de Tchogyam Trungpa : « Le livre du Tantra » Ed. Dervy). Alors pour nous qui n’étions pas initiés dans une tradition ancienne, au-delà de la première déstabilisation que cela représenta, ce fut une formidable incitation à étudier et une inestimable source d’inspiration. Alors merci à tous ceux qui, l’espace d’un instant, oubliant Advaïta, nous ont piqué un peu les fesses pour nous faire avancer. Comme disait l’autre, tout est parfait.

Alors qu’est-ce qu’on pourrait dire du néo-tantra qui ne déclencherait plus l’ire de nos érudits ?

Impossible d’aborder cela sans rendre hommage à Margot Anand, fondatrice du SkyDancing Tantra dont, depuis 8 ans, elle a bien voulu nous confier les rênes dans le monde et sa succession. Margot, comme aucun autre, a été la pionnière de ce Tantra à l’occidentale, en Europe et aux États-Unis. Ayant connu sa première extase spirituelle en faisant l’amour à 18 ans puis passée par toutes les expériences possibles de méditation, de thérapie et de psychologies imaginables des années 1970-80, comme beaucoup de chercheurs de son époque, elle rejoint Osho et sa Commune. Ce passage la marque profondément et Osho lui confie l’animation des quasi premiers ateliers de « néo-tantra » dans sa Commune. De retour en occident, elle crée SkyDancing Tantra, synthèse de ses expériences et d’une vision en méditation de Padmasambhava, d’où le nom de SkyDancing Tantra.

Padmasambhava

Ce regard captivant et féroce de Padmasambhava vous intrigue ?
Cliquez sur l’image et allez découvrir (en anglais) quelques mots à son propos.

Margot est donc la principale pionnière du néo-tantra en occident. La plupart des stages aujourd’hui proposés sur la planète sont construits sur les modèles qu’elle a mis en place il y a plus de trente ans pour SkyDancing. Cette construction des stages avec une méditation active le matin (souvent une méditation Osho) puis cette succession de sessions du matin jusqu’au soir afin de faire lâcher le mental, c’est elle. Le fait de nommer la posture du Yab-Yum, « la Vague », provient de cette pratique créée pour SkyDancing qui utilise la posture en Yab-Yum : « la Vague de l’Extase». Aujourd’hui, « faire une vague » est passé dans le vocabulaire courant des néo-tantrikas. On peut encore citer la féminisation du terme Yoni (masculin en sanskrit) en « la Yoni », le clitoris, devenu « la clio » dans son vocabulaire, comme des revendications manifestes d’une puissance féminine et sexuelle affirmée de la Shakti (Énergie), comme un coup de boutoir asséné au monde patriarcal et aux concepts archaïques contre lesquels les femmes de sa génération ont dû lutter.

Parce qu’après tout, les Tantrikas sont des rebelles. Pas des rebelles qui luttent mais des rebelles qui transgressent dans leur coin. Au moyen âge, ils pratiquaient la consommation de viande, d’alcool et la sexualité lors de rituels transgressifs (et secrets) vis-à-vis de la règle Brahmanique dominante. Il y eut aussi les rituels Karmamudra de la tradition bouddhiste, puis enfin ceux proposés dans le cadre du néo-tantra. Margot, à sa manière, est une rebelle de cette trempe, une femme libre qui chevauche sa vague au tournant de deux siècles, sans s’embarrasser des questions de convenances ni d’idées reçues et menant sa barque là où elle se sent libre et sans contrainte.

Alors quel sens peut avoir la transgression pour celui qui cherche dans la voie non-duelle (Advaïta), qu’il soit un Tantrika traditionnellement initié ou bien un néo-tantrika ? Transgresser ne veut pas dire lutter contre (c’est-à-dire se positionner par rapport à ce qui serait bien ou mal). C’est traverser, aller au-delà de, dépasser la norme, au-delà des concepts de bien ou du mal, de beau ou de laid, du sacré ou d’impur. La pratique n’est pas le but, mais simplement le moyen. Lorsque deux néo-tantrikas qui ne se connaissent pas se massent (et ce seulement si les deux y consentent), le massage n’est pas leur but mais simplement le moyen d’aller au-delà de ce qui est socialement normé, accepté. Une fois ceci traversé chacun dans son rythme, on peut passer à autre chose. Le néo-tantra n’est pas un dogme, c’est une voie de déprogrammation. Utilisons l’expérience pour nous débarrasser des croyances, des concepts, des jugements, des interprétations et des conditionnements. C’est le « chemin des flammes » (Pierre Feuga), c’est la voie abrupte qui brûle les vaisseaux qui nous ont amenés là où nous en sommes et cette voie ne cherche à nous emmener nulle part ailleurs. Elle n’a pour seul but que de nous amener à un état de détente et de disponibilité pour ce qui est.

La pratique Tantrique, déstructure et déprogramme les névroses sociales, familiales et religieuses. Elle s’appuie sur l’expérience individuelle, physique et émotionnelle comme passage vers la réalisation de la totalité de l’être. Cette réalisation se fait lorsque « cela », ma Conscience (i.e. cette part de moi qui observe et non l’illusion de mon individualité) s’unit à l’Énergie. C’est la métaphore véhiculée par la posture de la Vague. Lorsque la conscience s’unit à l’énergie, elle retourne à sa nature indifférenciée et redevient le Tout.
Le paragraphe précédent peut paraître abscons. Mais pour en percevoir l’essence simplement, par l’expérience et sans partenaire, voici notre proposition :

Asseyons-nous confortablement : Plaçons notre attention sur nos sensations intérieures (notre attention étant notre conscience, c’est-à-dire ce qui, en nous, observe). Ce que nous sentons à l’intérieur, c’est notre énergie. Que nous sentions une vibration, un pétillement, une douleur, une envie ou bien rien du tout, c’est la perception de notre énergie. Alors, si nous plongeons dans cette perception en demeurant complètement détendus, sans tension physique ni émotionnelle ni mentale, sans attente ni but, sans résistance, sans attachement, alors peut-être réalisons-nous que cette énergie, c’est-à-dire notre sensation intérieure, s’étend au-delà de nos sensations corporelles : c’est la Shakti ou le Spanda, c’est-à-dire la vibration de l’univers : cette énergie n’est plus seulement intérieure, elle n’a plus ni limite ni forme. A ce moment, nous réalisons peut-être que notre conscience n’est pas notre conscience, mais la Conscience, c’est-à-dire le divin, et qu’elle englobe tout. C’est cela sans doute, l’union de la conscience et de l’énergie.

Chaque atelier ou stage de Tantra est simplement un laboratoire expérimental dans lequel j’apprends à rester détendu et disponible à mon expérience. Et si l’on devait définir la pratique tantrique, qu’elle soit néo ou traditionnelle, on pourrait la décrire comme l’ensemble des techniques susceptibles de nous amener à un niveau de détente suffisant pour accéder à la perception extatique de notre énergie illimitée.

Probablement que lorsque nous atteignons complètement cette union de la conscience et de l’énergie (tradition hindouiste) en nous-mêmes, nous nous rapprochons aussi de l’autre union, celle des bouddhistes tantriques, celle de l’Extase - c’est-à-dire la connexion méditative extatique à ma nature profonde - et de la vacuité - c’est-à-dire la perception de l’illusion de toute chose.

Et si le Néo-tantra était à la fois un Terma (un « trésor spirituel enfoui » dans la tradition bouddhiste) et une synthèse ?

Joyeuse pratique,

Laurence et Laurent
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