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Les bienfaits du travail en eau chaude
par Francis Lemaire
Baigner dans l’eau chaude a un effet relaxant. À partir de 34°, les muscles se détendent spontanément. Ajoutez à cela la possibilité de flotter, de ne plus avoir à tenir son corps, de ne plus sentir son poids sur le sol ni même sur un matelas et vous soulagerez grandement la « charge mentale » inconsciente qui nous permet de tenir en équilibre et de contrarier la gravitation.
Il ne manquerait plus que le poids des soucis s’envole lui aussi !
De la simple détente à la connaissance de soi, en passant par la psychothérapie
Flotter est un début, abandonner son corps à la relaxation, bien que nous n’en ayons pas conscience, n’est pas une expérience habituelle. Des tensions subsistent, issues de nos habitudes et de notre manière de nous représenter le monde : plus ou moins en confiance, plus ou moins en sécurité. Les expériences passées, les douleurs, les chagrins, les manques voire les traumatismes se sont inscrits dans notre posture corporelle et génèrent une vigilance intempestive qui nous échappe.
Être accompagné dans l’eau, être bercé, enveloppé, mis en mouvement, pouvoir s’étirer et pourquoi pas s’immerger complètement pour quelques instants nous donne l’occasion de dépasser les limites habituelles de notre prison intérieure et de découvrir que nous pouvons nous sentir à la fois libre et en sécurité au-delà du petit monde de notre anxiété latente.
On retrouve dans cet accompagnement ce qui se pratique sur la table de massage : inviter, contenir (1), dénouer, rassurer… avec en plus une exploration de notre espace intérieur en trois dimensions et allégé de tout ce qui nous pèse.
Les effets thérapeutiques
Restons simples : nous vivons une épopée depuis notre conception. Où étions-nous avant ? Laissons cette question aux métaphysiciens. Il n’empêche que ce corps s’est matérialisé à la suite de conjonctions (2) multiples (dont bien-entendu la rencontre de nos parents) et que, dès la vie utérine, il a pu rencontrer un certain nombre d’obstacles plus ou moins accidentels qui lui ont confirmé que, par nombre d’aspects, l’incarnation est douloureuse.
Point culminant et sans retour de ce parcours de héros, la naissance, ce passage d’un bassin humide à la vie aérienne nous fait subir d’énormes pressions dont nous cherchons parfois longtemps le sens.
Serons-nous obéissants ou rebelles ? Toujours en colère ou cherchant le consensus ? Déprimés, anxieux ou curieux de tout et plein d’allant ?… Voilà bien des manières d’être dans lesquelles nous ne sommes pas libres mais dépendants de nos histoires de vie et de la mémoire qu’en a conservé notre corps.
Travailler dans l’eau chaude nous permet de revisiter toute une succession d’événements anciens et non-conscients de ce parcours qui ont participé à construire notre « être-au-monde » et qui résonnent encore au présent en se manifestant dans notre vie quotidienne par des émotions, des freins, la perte du goût de vivre, le sentiment d’impuissance etc. De les revisiter non pas pour les répéter à l’infini mais pour faire l’expérience de les vivre sans peur et sans reproche.
La peur nous indique fallacieusement que ce qui a été vécu dans le lointain d’un passé traumatique « n’aurait pas dû être vécu » et doit être évité à tout prix. A l’inverse, vivre consciemment les douleurs passées et les chagrins enfouis nous permet de nous réconcilier avec nous-mêmes et de retrouver l’unité. C’est ce que permet, entre autres, cette immersion accompagnée dans l’eau chaude.
S’autoriser à vivre la mémoire de tous ces micro-événements de la vie utérine, témoins silencieux de la vie de nos parents et de leur environnement de l’époque, revivre consciemment ces blessures anciennes, nous permet de quitter la peur, de quitter la distance que nous cherchions à interposer entre nous et le présent, de sortir de tous les comportements d’évitement qui n’avaient que l’apparence de nous rassurer tout en nous enfermant dans une tour de solitude et de tension permanente.
N’en doutez pas, seul le corps se souvient de ce qu’il a traversé. Aucun témoin, aucun(e) voyant(e) ne pourra vous aider à rejoindre les racines corporelles de votre mal-être actuel et de votre projet de vivre (3). Vous auriez beau connaître toute l’histoire, cela ne soulagerait en rien vos maux ni ne vous permettrait d’en devenir libre. Ce corps doit faire l’expérience qu’il n’est plus en danger, qu’il peut s’abandonner à vivre, à se laisser porter par la vie comme il est porté par l’eau… quand il cesse de se débattre.
De la psychothérapie à la connaissance de soi
« Connaître, c’est être » disait Swami Prajnanpad.
S'autoriser à s’abandonner dans l’eau chaude (ou dans les bras de son amoureux(se)), c’est autoriser le passage de la vie en nous, cesser de croire que nous avons à tout porter et d’en vouloir à la vie, comme si elle nous avait oublié parfois, abandonné ou maltraité d’autres fois. En nous laissant porter par l’eau nous pouvons redécouvrir que c’est la vie qui nous porte, qu’elle ne nous a jamais abandonné, qu’elle a toujours été là comme une mère aimante, comme cette eau qui nous touche et nous enveloppe quel que soit le mouvement qui nous anime.
Au-delà des émotions qui nous traversent, toutes rattachées à notre histoire, que l’on pourrait dire personnelle comme s’il ne s’agissait que de nous, il s’agit de vivre « l’émotion pure ». Partir de l’émotion présente, liée à ma situation actuelle, pour vivre l’émotion en tant que telle, détachée du contexte initial et rejoindre cette parcelle d’humanité partagée avec tous pour en goûter toutes les nuances. Chaque être humain est susceptible de goûter la même émotion, seules les circonstances diffèrent. En ce lieu de l’émotion pure, que l’on peut appeler sentiment quand elle est devenue paisible, nous sommes reliés à l’humanité en nous.
Ainsi nous pouvons approcher l’impersonnel et d’instant en instant nous détacher de l’emprise de notre identification au corps et à son histoire.
Nous n’en sommes pas là. Il s’agit de commencer, de faire un premier pas, puis un autre pour explorer l’au-delà de ce monde dans lequel la peur de vivre nous a enfermés. Petit à petit, abandonnant nos défenses, nos refus, nous revenons en amitié avec le monde, nous nous laissons toucher, nous nous laissons ressentir. Petit à petit une nouvelle solidité intérieure, plus fluide, apparaît, sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour continuer à avancer.
Chemin faisant, nous ouvrons un à un les rideaux qui obscurcissaient les fenêtres de la conscience, qui à nouveau peut éclairer notre jardin intérieur.
Le support de l’eau n’est qu’un outil, comme le massage dit « de bien-être », pas une panacée. Il n’empêche, cet outil peut sacrément être utile si nous savons entrevoir le chemin qui nous mènera de la simple détente au mieux-être, de la guérison de nos blessures aux retrouvailles avec la totalité de nous-mêmes.
Francis Lemaire