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Le néo-Tantra et le phénomène #MeToo
par Deva Broncy
Le néo-Tantra prend-il en compte le consentement, l’apport sociétal du phénomène « metoo » et la théorie des genres ?
D’une ampleur inédite, #MeToo a mis fin à un « long silence » des femmes, et dévoilé l’étendue des violences sexistes ou sexuelles dans la société. Le mouvement, solidaire, a aussi permis aux femmes d’être mieux entendues. Il questionne une « masculinité » hégémonique dans une société patriarcale.
Quelle répercussion la révélation médiatique des violences faites aux femmes a-t-elle sur l’animation des stages de néo-Tantra ?
Il ne nous est plus possible en tant qu’animateurs de Tantra de ne pas prendre en compte ce fait sociétal majeur qui est que, dans nos stages, la majorité des femmes présentes ont subi, d’une manière ou d’une autre des violences sexuelles allant du sexisme, au harcèlement, aux attouchements, aux abus, violences, viols ou incestes. Ce sont donc des personnes traumatisées qui ont souvent un parcours thérapeutique et qui s’adressent au Tantra pour un mieux-être, un allègement de leur souffrance. Le fait qu’elles soient traumatisées implique une extrême prudence afin de ne pas déclencher de figement, de dissociation ou de nouveaux traumatismes. L’entretien téléphonique préalable peut déjà nous alerter sur la nécessité de la prudence. Comme je le dis souvent, ce sont les bonnes expériences qui guérissent des mauvaises. Le néo-Tantra se voit confier comme mission d’offrir à ces femmes des pratiques sécurisées où elles peuvent exercer leur capacité à dire non, nous devons accueillir les refus, les oppositions comme des signes de guérison et les valoriser. Choisir un partenaire homme quand on est une femme ne doit plus être ni imposé ni implicite mais une option librement assumée. D’où l’obsolescence de la parité, comme cela se faisait avant les années 2010.
Les hommes présents dans les stages de néo-Tantra sont aussi invités à prendre la mesure des dégâts que ces violences infligent dans le fonctionnement émotionnel et psychique de ces femmes et ne pas s’attendre à ce que les femmes répondent nécessairement à leurs désirs, attentes, intentions. Ils doivent conscientiser et renoncer à la complémentarité hiérarchique des sexes. Je ne suis pas en train de dire que les hommes n’ont pas de difficultés et ne souffrent pas, non. Je sais aussi combien les hommes souffrent aussi de ces états de fait, du patriarcat et des masculinités hégémoniques.
J’en viens tout naturellement à l’idée du consentement qui semble maintenant bien intégré par les animateurs, il fait partie du cadre, est régulièrement explicité, voire mis en pratique avec des exercices qui souvent ouvrent les stages et c’est tant mieux, je m’en félicite. Il nous incombe de rester vigilant-e-s car certaines personnes cèdent facilement à la pression du groupe, ne sont pas suffisamment assertives, sont pleines de honte, ont peur de se distinguer…. Tout ceci fait que le consentement n’est pas encore pleinement accessible aux personnes traumatisées. Comment faire ? Pour ma part, je porte une attention particulière sur ces personnes pour m’assurer régulièrement de leur bien être pendant le stage et j’accueille favorablement le fait que des femmes fassent des pratiques ensemble. Je reste vigilante aussi à évaluer quelle pratique peut être « trigger » c’est à dire déclencher le figement ou la panique chez les personnes traumatisées.
Un autre point sur le consentement, c’est que chez les hommes (pas tous évidemment) de plus de 50 ans, l’éducation, la culture a été très hiérarchisée et ils doivent faire tout un travail pour sortir du moule du patriarcat, ce qui n’est pas forcément facile pour certains. Pour un public plus jeune, c’est très différent et le consentement leur est plus naturel. Le non est accepté pleinement et fait partie de leur vie. Je parle du public des stages de Tantra, pas de tous les hommes, car on le voit avec les chiffres des violences, il y a encore beaucoup d’éducation à faire.
La théorie des genres et son impact sur la société contemporaine nous pousse aussi à revoir les bases d’un groupe de Tantra qui n’est plus nécessairement hétéroréférencé et constitué uniquement de personnes cisgenre. C’est pour cette raison que je ne présume jamais des orientations sexuelles ou du genre exprimé des personnes. Je ne fais plus depuis longtemps de pratiques où l’on sépare le groupe en « hommes » et « femmes » et je ne parle plus de caractéristiques dites masculines ou féminines car je trouve cela très clivant et peu réalistes et surtout c’est de l’essentialisme (les femmes et les hommes seraient différent-e-s par nature, par essence et c’est cette différence qui explique les comportements). Personnellement je soutiens l’idée que le genre est avant tout une construction culturelle et éducative donc appris et non pas inné.
Le Tantra s’est toujours adapté et a évolué, certains esprits chagrins poussent des cris d’orfraie, se plaignent de la marchandisation et décrètent, forts de leur érudition, que cela n’est pas du Tantra. Je ne suis pas d’accord, le Tantra est une spiritualité vivante qui se doit de servir au mieux l’époque, la société dans lesquelles elle est pratiquée. Prendre en compte les évolutions sociétales telle que le consentement, la non binarité est la preuve que le néo-Tantra est bien vivant, créatif, riche des apports des un-e-s et des autres.
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