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LA VOIX, LE CHANT, UNE ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE

Marie-Dominique Linder

Par Marie-Dominique Linder

« Chanter c’est prier deux fois » (Saint Augustin)

Depuis la nuit des temps et dans toutes les traditions du monde le chant, à la croisée de la prière et de la plainte, a célébré les joies, le labeur et les peines des grands passages de la vie. Il a autant accompagné la souffrance humaine que contribué à la transfigurer. Comment les sons et le chant soutiennent un chemin d’accompagnement et de retournement de dimension de notre petit « moi » névrotique au « Vaste Soi » dans le sens jungien? Comment la voix ouvre la voie à l’authenticité des émotions et des sentiments de notre profonde humanité? Comment le pouvoir du son détend, ouvre, débloque des mémoires de notre histoire et permet de retrouver la fluidité de circulation de l’énergie dans nos tissus? Ce texte pour tenter d’y répondre.

LES ORIGINES DU CHANT

En tout premier dans beaucoup de traditions il se dit que l’univers est construit à partir d’un son, qu’il est son. Tout aurait commencé vers 3500 ans avant JC dans les cultures mésopotamiennes. L’origine du chant est inconnue mais il est admis qu’il est apparu avant le langage parlé. La voix est notre instrument de musique originel. De tous les sons, ceux de la voix humaine vont directement à l’âme. Le chant correspond à un acte naturel qui se manifeste dès la plus tendre enfance.
Aux origines de l’origine du chant il y a le souffle du vent, ses sifflements, sa plainte, L’AIR dans les feuilles, dans le bois, entre les interstices des habitations. Les sons des animaux et de la nature puis leur imitation créent les premières symphonies vocales humaines. Le chant des oiseaux, le rossignol, le hibou etc... Celui du loup, de la baleine. L’EAU, son clapotis, ses cascades, les chuintements et bruissements de son écoulement. Le crépitement et sifflement du FEU, LA TERRE, grand tambour terrien, battue par les pieds des marcheurs, des danseurs qui pulsent le sol. Tous les éléments conspirent et inspirent chaque chant. Le chant comme la danse ont toujours existé pour apprivoiser, invoquer, se protéger des forces mystérieuses qui animent le vivant mais dépassent l’être humain. Le shaman chante pour s‘attirer les bonnes grâces du gibier, des esprits de la nature pour survivre, mais aussi pour soigner et exorciser la maladie. Les êtres humains ont toujours cherché à communiquer avec les mondes invisibles qui leur font peur. Le chant est une façon de conjurer cette peur et de faire appel à la clémence du ciel.

LES BIENFAITS DU CHANT

Chanter, c’est bon pour la santé! Les mouvements du souffle de la respiration sont fortement sollicités et amplifiés! En situation normale, nous respirons principalement par le haut de nos poumons. Par contre, lorsque nous chantons, nous utilisons automatiquement la respiration ventrale, sollicitant et tonifiant fortement les abdominaux. Ce type de respiration permet de détendre l’organisme, de relâcher les tensions, d’évacuer le stress et de ralentir les pulsations cardiaques. Le son émis, grâce à nos cordes vocales, se répand dans tout le corps par un effet de résonance des os et de l’eau dans les tissus.
Chanter soulage le dos en le redressant, en alignant la nuque, en relâchant les épaules. Quand nous chantons, nos abdominaux sont constamment sollicités.
En ce qui concerne le système endocrinien et nerveux autonome, tout comme le chocolat, le chant envoie un message au cerveau qui, en retour, stimule les glandes endocrines. Ces glandes produisent des endorphines, notre opiacé naturel, hormones responsables du sentiment de bien-être aux propriétés antidépressives. A noter que les effets de ces dernières durent plusieurs heures. La théorie polyvagale permet de comprendre notre système nerveux autonome construit à partir de notre histoire et nos peurs premières. Le chant est un grand soutien et stimulateur de la branche ventrale du nerf vague, celle de la mise en relation, de la confiance et la sécurité. Souvent les pratiques respiratoires et corporelles indispensables à la préparation du chant font, parfois dans une grande et bruyante intensité, bailler. Le bâillement réactive le nerf parasympathique inhibé par trop de stress et relance la connexion à soi et au monde.

LA VOIX, PREMIÈRE ENVELOPPE SONORE DU MOI EN CONSTRUCTION

A l’aube de notre vie, dans le cocon utérin, le sens de l’écoute se développe entre la 25è et 27ème semaine de gestation mais continue à s’affiner après la naissance jusqu’à
l’adolescence. Le foetus baigne autant dans le liquide amniotique que dans un bain auditif du coeur de sa mère comme de la vibration de sa voix et du chant de son système digestif. Avant l’oralité buccale de l’être humain nous pourrions parler d’une oralité auditive reliée au monde externe qui par sa musicalité commence à le définir ou lui donner une forme auditive. Il est d’abord ce monde sonore qui lui est présenté par la musicalité de la voix de sa mère et son entourage. Le plaisir oral est complètement lié à celui auditif de la voix de sa mère qui lui parle, babille, chante peut être. Il y répond par la « pulsion invoquante » (AD Weill), la joie dêtre en relation et par la fonction d’imitation pour se construire. C’est ainsi que « l’enveloppe vocale » va se constituer pour le bébé grâce aux toutes premières interactions sonores » (MF. Castarède, 2001). Le pédo- psychiatre D. Stern parle « d’accordage affectif » que je nomme aussi le « corps-accord affectif ». Le « moi » psychologique est avant tout construit sur un moi corporel à partir des premières sensations partagées puis introjectées à partir du « corps-accord » avec sa mère et son père. Véritable « bluetooth organique » qui passe du corps-tissus sensoriel, sensitif, émotionnel et affectif de la mère à son bébé.
La méteo intérieure, les traumatismes, la névrose résonnent et transpirent dans la voix d’une personne. Une voix haut perchée ou nasillarde peut agacer. Mais elle peut aussi charmer, apaiser, envouter.
A partir de ces évocations sur les bienfaits des sons et du chant comme de la connaissance de nos constructions psycho-affectives précoces, nous comprenons la force et la puissance de soin des pratiques de la voix dans le processus thérapeutique.

SENTIR LE DEDANS, SON INTÉRIORITÉ VIBRER=VIVRE

Le son fait plonger dans le corps par l’attention à la vibration. La vibration est de la vie qui passe et se fait sentir. Il peut y avoir aussi de la peur de se sentir vibrer à l’intérieur.
Vibrer un son dans une qualité de présence fait lâcher le contrôle du mental, revenir au coeur de la Présence. Les sons et les mantras sont de merveilleux alliés de la méditation pour ramener un esprit un peu trop vagabond à s’ancrer dans l’ici et maintenant.

le son

PLONGEON DANS LE RESSENTI CORPOREL: VOIX-MASSAGE

Le son permet de réveiller des zones endormies de notre corps, de réveiller des émotions enfouies dans les tissus, maintenues derrière un carcan. Le son est onde sonore qui en tapotant avec délicatesse les tensions, les assouplit pour s’ouvrir à laisser de nouveau circuler le Continuum du Vivant. Le son des voyelles est un massage des tissus.

SONS ET GRANDES LOIS DE L’ARCHITECTRE DU VIVANT CORPOREL

Le son a la capacité de reconstruire une sensation-sentiment d’unité et de cohésion psycho-charnelle. Nous nous construisons psychiquement sur des fondements corporels. Cela commence par une enveloppe, le Moi-peau (D Anzieu), une base avec des points d’appui, le bassin, un axe, la colonne vertébrale, échelle énergétique vibratoire avec des portes sonores et énergétiques à chaque étage aux tonalités émotionnelles différentes.

ENVELOPPE: RELATION MOI, L’AUTRE ET LE MONDE

Le son continu peut donner la sensation d’une enveloppe contenante qui permet les échanges entre le dedans et le dehors. Le son continu de tout un groupe autour d’une personne peut faire sentir cette sensation. Le son rend cette limite, en fonction du besoin de chacun, soit plus poreuse, plus osmotique, soit plus resserrée et contenante, interface sécure entre le dedans et le dehors.

BASE: DENSITÉ INCARNATION

Le son OU grave dessine la sensation de densité dans le bassin et de prise à la Terre. Sensation-sentiment de sécurité de base. Pas de voix ni de chant sans poser la Terre.

AXE DE VERTICALITÉ: GRANDEUR ET DIGNITÉ

Chaque étage du corps a un niveau vibratoire correspondant à une voyelle. Les chanter dans un sens comme dans l’autre dessine et met en sensation l’axe de verticalité Terre- Ciel correspondant au sentiment de Souveraineté d’une assise sécure du bassin.

S’OUVRIR À SA VITALITÉ, DÉTENDRE LE CONTROLE. LACHER–PRISE DE L’ÉGO

Travailler la voix permet d’aller, en douceur, à la rencontre d’un cri bloqué, de remettre en route du vivant sauvage étouffé par l’éducation, l’obsession de l’image et de l’égo.
La voix est une passerelle entre le corps, la psyché et la dimension sacrée. Rapellons que le son est Souffle! Il redonne de l’espace, élément indispensable au chant! Puis surprise! A un moment on se laisse chanter, ça chante et la musique s’invite et nous enchante. Sonner et chanter, spontané et libre, potentialise la connexion directe avec la Source et la sensation d’être pleinement vivant. Source qui porte tous les chants du monde.
Les mots et images de ce texte font écho à ma longue pratique de la méditation reliée à la vibration de la voix et du chant comme à celle de Thérapeute-Femme-Medecine qui chante pour soigner et enseigne cette alliance aux praticiens du soin. Méditer, vibrer les sons et chanter sont des voies alchimiques de transmutation de l’épais en subtil. Transmutation de l’égo vers l’Être, de l’isolement vers l’Échange, de la peur vers l’Amour.

Marie-Dominique Linder
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