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Silent Mind Tantra et SkyDancing Tantra
Interview de Laurence Heitzmann et Laurent Lacoste
Quel type de Tantra enseignez-vous et pourquoi ?
Nous nous inscrivons dans la mouvance dite du Néo-Tantra, c’est-à-dire, une « libre » interprétation occidentale et laïque de mouvements spirituels traditionnels issus de l’Inde, du Cachemire et du Tibet. Ces mouvements y ont connu leur apogée entre la fin du haut moyen-âge et le début de la renaissance. Le bouddhisme tantrique est encore fermement implanté. Les tenants de la tradition pourront (et ne s’en privent pas) nous reprocher que nous représentons un dévoiement de ces formes anciennes. Nous en représentons effectivement une version très « déformée ». Et en même temps nous pensons qu’à condition de nous garder d’une transmission racoleuse et complaisante, nous pourrions sans rougir nous présenter comme une résurgence contemporaine de ces voies anciennes.
Alors quelle définition souhaitons-nous donner du Néo-Tantra ? Selon nous il s’agit d’une voie qui recherche l’alliance de la Conscience et de l’Energie (dont Shiva et Shakti sont la métaphore dans la tradition shivaïte cachemirienne). Sur le plan ésotérique et dans la tradition, l’endroit où se rejoignent chez le pratiquant la compréhension et la perception de l’unicité de l’énergie et de la conscience est celui où siège le frémissement (Spanda) qui serait de même nature que la vibration de l’univers. Autrement dit, rien n’est séparé et seule existe la conscience qui est le matériau de la manifestation en même temps que ce qui la perçoit.
Mais ce message qui informe d’une possible perception non-duelle de l’existence (Advaïta), n’a de sens pour nous que s’il se double d’une hygiène de vie quotidienne très concrète pour le pratiquant. A notre sens, le Tantrika et sa pratique sont profondément ancrés dans la vie concrète de tous les jours.
Notre proposition est donc celle d’un apprentissage par l’expérience avant tout. Un stage de Tantra est comme un laboratoire de vie dans lequel le pratiquant (Sadhaka) s’entraîne :
- à élever son niveau de conscience, c’est-à-dire son niveau de perception (physique, émotionnelle, psychique, énergétique, spirituelle) et de compréhension de soi et de l’existence.
- A élever son niveau d’énergie vitale ainsi que la qualité de la perception qu’il en a.
L’apprentissage se fait par l’expérience et par les prises de conscience qui peuvent en découler et non par la transmission d’un dogme par des sachants. Notre seul savoir-faire est de connaître les moyens de mettre en place un environnement par lequel l’apprentissage se fait naturellement et au rythme de chacun.
Nous sommes nous-mêmes des pratiquants en recherche et nous aimons à penser que le Tantra est une voie d’éveil, c’est-à-dire qui mènerait à cette perception non-duelle de Bhaïrava (Shiva ou Réalité absolue). Sur un plan manifesté, il nous semble que l’accès à cette perception exige d’abord, et très concrètement, l’accès à un état de détente totale face à toutes les stimulations que peut nous proposer la vie. Ceci ne signifie pas de nous conformer à toutes les formes que nous propose la vie mais plutôt d’être capables de danser souplement avec chacune d’entre elles. Un stage de Tantra nous semble donc être avant tout un apprentissage de cette détente et de cette danse avec la vie.
Pouvez-vous définir ce qu’est une sexualité tantrique ?
Merci de nous poser cette question. Elle nous donne l’occasion d’apporter une clarification importante pour nous. A notre sens, le Tantra n’est ni une approche de la relation, ni un cours de sexualité améliorée ou sacrée. Le Tantra est avant tout une voie individuelle de déconditionnement et de déprogrammation. Il s’agit surtout de nous débarrasser progressivement des dogmes, croyances, conditionnements et idées préconçues. Il est question aussi et surtout d’abandonner nos velléités de classer et de qualifier les choses, afin d’aborder la vie de manière détendue, dans un état de pleine disponibilité et de connexion profonde à notre vitalité.
Le tantrisme, y compris traditionnel, utilise certes le rituel de sexualité dans sa recherche. Mais le rituel y est un outil, un moyen et non une finalité. Il est une représentation symbolique, un message de liberté intérieure, quelque chose comme l’idée de la transgression de la norme sociale, au-delà des croyances.
Le Tantra est donc une voie de déprogrammation individuelle qui peut conduire jusqu’à la reconnaissance du divin ou de l’absolu en soi. Cette déprogrammation concerne tous les pans de notre perception de l’existence, y compris bien sûr la sexualité. Il s’agit donc de déconditionner également la sexualité, c’est-à-dire de la débarrasser de nos attentes, objectifs et croyances du genre « je dois donner du plaisir à l’autre ou faire sur l’autre pour être considéré(e) comme performant(e) » ou bien « il faut que j’aie un orgasme sinon l’autre va se vexer » ou bien « j’ai besoin du rapport sexuel avec l’autre pour me sentir vivant(e) » et tant d’autres. Tout cela pour faire de la sexualité une danse spontanée où l’on vient partager avec l’autre une vitalité consciente dont on déjà empli(e). Joli programme non ?
Vous avez créé votre propre école "Silent Mind Tantra" mais en même temps vous supervisez et dirigez l'école SkyDancing International. Quelle est la relation ou la différence entre les deux ?
Il y a près de 10 ans, Margot Anand nous a désignés comme ses successeurs à la tête de la lignée qu’elle a fondée à la fin des années 1980 et qu’elle a nommée SkyDancing Tantra en référence aux Dakinis de la tradition Bouddhiste tibétaine ainsi qu’en hommage à Yeshe Tsogyel, la consort de Padma Sambhava. A sa demande, nous avons réorganisé et renforcé le dispositif de SkyDancing Tantra dans le monde afin de lui permettre de se développer de manière tranquille et harmonieuse. Nous pensons que cette création remarquable de Margot mérite d’être présentée au monde de manière plus ample. Notre vœu serait que le Tantra puisse devenir aussi « normal » et accepté que le Yoga dans les années à venir.
SkyDancing Tantra, c’est tout d’abord l’enseignement original de Margot Anand tel que décrit dans les ouvrages qu’elle a publiés avec le succès que l’on connait et dont l’essence est « sanctuarisée » dans les trois premières semaines du parcours individuel de SkyDancing nommé le TEL (Training for Ecstasy and Love) et fortement présente dans les autres cycles du TEL. Ce parcours (aujourd’hui de 6 semaines pendant deux ans) est dispensé/organisé par trois « Instituts » dans le monde, l’un aux Etats-Unis, le second en Allemagne, et enfin le plus ancien et le plus développé, en Europe francophone. Un Institut est une personne ou une entité qui a reçu de Margot et de nous désormais, l’autorisation d’organiser le TEL ainsi que quelques autres programmes dont l’organisation est réservée aux Instituts (La Grande Union, Sky Femmes, SkyDancers Intensive, SkyDancing with Margot et enfin de temps en temps SkyDancing Tantra Teacher Trainings).
Mais SkyDancing Tantra fonctionne également comme une fédération d’enseignant(e)s que nous avons formé(e)s lors des quelques formations qui ont été données historiquement aux USA et en France. Aujourd’hui, la communauté internationale des enseignant(e)s certifié(e)s de SkyDancing compte environ 70 membres (voir site de SkyDancing Tantra International) qui respectent tous une même charte éthique et un certain nombre de guidelines. Chacun d’entre eux peut créer sa propre école de Tantra qui bénéficie du label « Member of SkyDancing Tantra International », gage, nous l’espérons, de qualité et de sérieux. Ces facilitateurs certifiés demeurent indépendants et responsables mais travaillent ensemble dans le respect de l’éthique de SkyDancing.
Vis-à-vis du dispositif de SkyDancing, nous avons donc trois rôles principaux :
- En tant que successeurs désignés de Margot Anand, supervision de l’ensemble du dispositif SkyDancing pour son compte : organisation, gestion, supervision de la ligne pédagogique des Instituts et des formations pour enseignants.
- En tant qu’animateurs : collaborateurs des différents Instituts et principalement de l’Institut Francophone. Cet Institut a toujours été dirigé par l’expérimentée Nital Brinkley qui a récemment été rejointe par Selma. Nous sommes les animateurs principaux mais pas uniques du TEL francophone et, à ce titre, travaillons pour l’Institut Francophone. Mais nous avons également des collaborations ponctuelles avec les deux autres Instituts.
- En tant qu’animateurs certifiés SkyDancing Tantra, nous avons, comme les autres, créé notre propre école de Tantra « Silent Mind Tantra », affiliée à SkyDancing International. Nous y offrons quelques stages mixtes et une série de modules pour couples. Évidemment, les pratiques y sont différentes, mais l’état d’esprit demeure le même que celui que nous insufflons au TEL depuis 10 ans dans la continuité de l’enseignement de Margot.
L'enseignant Osho explique que le rôle du thérapeute et du référent Tantra est une question très délicate car on peut facilement tomber dans le piège où on est admiré, on "aide" les autres et Osho dit que cela peut facilement nourrir l'ego, est-ce que ce sont des sujets que vous abordez avec les nouveaux animateurs ?
Merci pour cette question. Elle soulève un point fondamental dans l’animation. Bien naturellement, nous, le collectif des enseignant(e)s de SkyDancing Tantra, sommes des êtres humains avec leurs lumières et leurs failles. Les failles non conscientisées, notamment les failles dites narcissiques, sont effectivement dangereuses lorsqu’elles concernent les facilitateurs. Un animateur qui n’a par exemple pas suffisamment conscience de son besoin d’être validé par le regard de ses participants n’est alors que peu capable de « contenir » ce besoin à sa juste place et donc peu en capacité d’avoir une gestion neutre et non complaisante de son groupe. Une grosse partie du travail proposé au TEL puis principalement par la suite dans la formation pour enseignants que nous dispensons, consiste à soutenir la mise en lumière de l’existence de ces failles en chacun d’entre nous. Le travail passe également par le fait de comprendre comment celles-ci peuvent venir s’insinuer dans la manière d’animer des facilitateurs et créer des rapports faux et inconsciemment (ou pas) manipulateurs avec les participants. Nous cherchons à éviter cela au maximum. C’est le travail sur soi avec la pratique du Tantra, la supervision, l’intervision et la thérapie qui nous permettent de limiter l’impact de cet écueil. Les principaux comportements « gouroutisants » ou manipulateurs sont évidemment par ailleurs listés dans notre charte éthique sur laquelle s’engagent nos facilitateurs sous peine de perdre leur certification.
Enfin, tous nos facilitateurs, afin d’être certifiés, doivent passer par l’étape de venir nous assister pendant les cycles du TEL ou pendant des séminaires officiels des Instituts ou des stages d’animateurs chevronnés de la communauté SkyDancing. Dans ces stages, ils doivent adopter et nous montrer une attitude d’ « ego contenu » et être profondément au service du groupe et des animateurs principaux sans chercher à se mettre dans la lumière, par exemple en « aidant » des personnes qui n’ont rien demandé. Etre passé par là est une excellente expérience lorsque l’heure est venue de passer en position de facilitation.
Un bon animateur n’est pas quelqu’un qui « fait » et qui se montre mais une personne qui crée puis tient un espace sécurisé pour que les participant(e)s apprennent de leurs expériences.
Laurence Heitzmann et Laurent Lacoste
Liens vers nos sites :
Silent Mind Tantra
Institut SkyDancing Tantra Francophone
SkyDancing Tantra International
Interview réalisée par Emmanuel Moulin pour Meditationfrance