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Aphorismes sur la Conscience-sans-objet
par Franklin Merrell Wolff
1. La Conscience-sans-objet est.
2. Avant que les objets ne soient, la Conscience-sans-objet est.
3. Alors que les objets semblent exister, la Conscience-sans-objet est.
4. Lorsque les objets disparaissent, cependant la Conscience-sans-objet est, demeurant inaffectée à travers toutes choses.
5. En dehors de la Conscience-sans-objet, il n’est rien.
6. Au sein de la Conscience-sans-objet réside le pouvoir d’attention qui projette les objets.
7. Lorsque les objets sont projetés, le pouvoir d’attention en tant que sujet est présupposé, cependant la Conscience-sans-objet demeure inchangée.
8. Lorsque la conscience des objets naît, alors semblablement, surgit la conscience de l’absence d’objets.
9. La conscience des objets est l’Univers.
10. La conscience de l’absence d’objets est le Nirvana.
11. Dans Conscience-sans-objet se trouvent à la fois l’univers et le Nirvana, cependant pour la Conscience-sans-objet, les deux sont identiques.
12. Dans la Conscience-sans-objet réside la semence du Temps.
13. Lorsque l’attention connaît le Temps, naît alors la connaissance de l’intemporalité.
14. Etre conscience du Temps, c’est être conscience de l’Univers, et être conscient de l’Univers, c’est être conscient du Temps.
15. Reconnaître l’intemporalité c’est atteindre le Nirvana.
16. Mais pour la Conscience-sans-objet, il n’est aucune différence entre Temps et Intemporalité.
17. Dans la Conscience-sans-objet se trouve la semence de l’Espace contenant-le-monde.
18. Lorsque l’attention connaît l’Espace contenant-le-monde, alors la connaissance de la Vacuité Spatiale est née.
19. Etre conscient de l’Espace contenant-le-monde, c’est être conscient de l’Univers des Objets.
20. Reconnaître la Vacuité Spatiale, c’est s’éveiller à la Conscience nirvanique.
21. Mais pour la Conscience-sans-objet, il n’est pas de différence entre l’Espace contenant-le-monde et la Vacuité Spatiale.
22. Dans la Conscience-sans-objet se trouve la Semence de la Loi.
23. Lorsque naît la cosncience des objets, la Loi est invoquée comme une Force qui tend toujours vers l’Equilibre.
24. Tous les objets existent en tant que tensions dans la Conscience-sans-objet et ont toujours tendance à se muer en leurs propres attributs ou en d’autres.
25. L’effet ultime du passage de tous les objets à leurs pôles complémentaires est l’annulation mutuelle dans un Equilibre complet.
26. La conscience est le champ des tensions dans l’Univers.
27. La conscience de l’Equilibre est le Nirvana.
28. Mais pour la Conscience-sans-objet, il n’y a ni tension ni Equilibre.
29. L’état de tension est l’état du devenir-permanent.
30. Le devenir-permanent est le mourir-sans-fin.
31. Ainsi, l’état de la conscience des objets est un état de promesses toujours renouvelées qui passent dans la mort au moment de leur accomplissement.
32. Si bien que, lorsque la conscience est attachée aux objets, l’agonie de la naissance et de la mort ne cesse jamais.
33. Dans l’état d’Equilibre, où la naissance annule la mort, la Béatitude sans-mort du Nirvana est reconnue.
34. Mais la Conscience-sans-objet n’est ni agonie ni béatitude.
35. A partir de la Grande Vacuité, qui est la Conscience-sans-objet, l’Univers est projeté de façon créatrice.
36. L’univers est expérimenté comme la négation créée qui résiste toujours.
37. L’acte créateur est béatitude ; la résistance peine sans fin.
38. La résistance sans fin est l’Univers de l’expérience ; l’agonie de la crucifixion.
39. La créativité incessante est le Nirvana, la Béatitude qui dépasse la conception humaine.
40. Mais pour la Conscience-sans-objet, il n’est ni créativité ni résistance.
41. Le toujours-devenir et le toujours-cesser-d’être sont de l’action sans fin.
42. Lorsque le toujours-devenir annule le toujours-cesser-d’être, le Repos est reconnu.
43. L’Action incessante est l’Univers.
44. Le Repos sans fin est le Nirvana.
45. Mais la Conscience-sans-objet n’est ni l’Action ni le Repos.
46. Lorsque la conscience est attachée aux objets, elle est réduite par les formes imposées par l’Espace contenant-le-monde, par le Temps et par la Loi.
47. Lorsque la conscience se déprend des objets, on atteint la libération quant aux formes de l’Espace contenant-le-monde, du Temps et de la Loi.
48. L’attachement aux objets est la conscience confinée à l’Univers.
49. La Libération vis-à-vis de cet attachement est l’état de Liberté Nirvanique illimitée.
50. Mais la Conscience-sans-objet n’est ni l’esclavage ni la liberté.
51. La Conscience-sans-objet peut-être symbolisée par un ESPACE qui est indifférent à la présence ou à l’absence d’objets et pour Elle il n’est ni Temps ni Intemporalité ; ni Espace contenant un monde, ni Espace
Vide, ni Tension, ni Equilibre ; ni Résistance ni Créativité ; ni Souffrance ni Félicité ; ni Action ni Repos ; et ni Limitation ni Liberté.
52. Le GRAND ESPACE n’étant pas identifiable à l’Univers, ne peut pas non plus être identifié au moindre Soi.
53. Le GRAND ESPACE n’est pas Dieu, mais cela qui engloble tous les Dieux, ainsi que toutes les autres créatures.
54. Le GRAND ESPACE, ou Conscience-sans-objet, est la Seule Réalité dont tous les objets et tous les soi dépendent et tirent leur existence.
55. Le GRAND ESPACE englobe à la fois la Voie de l’Univers et la Voie du Nirvana.
56. Rien ni personne n’existe hormis le GRAND ESPACE.
Extrait de Une expérience spirituelle – Philosophie de la conscience,
Relié ; traduction de l’américain par Placide Gaboury.
Franklin Merrell Wolff a enseigné les mathématiques et la philosophie à Harvard et Berkeley. Il se consacra à l’éveil de la conscience, notamment par l'étude et l'intégration de l'oeuvre de Shankara, éveil dont il témoigna de la reconnaissance en 1936 après vingt quatre ans de recherche.
Dans ce livre, la philosophie véritable est conçue comme une voie de réalisation spirituelle. L’auteur introduit à la non-dualité que ces aphorismes tentent de symboliser, puis les explicite, les commente et les discute. Son originalité est de tenter dans un langage occidental une synthèse entre les vues non-dualistes du Védanta et du Bouddhisme et même du Christianisme ésotérique.
Du même auteur : Expérience et philosophie, où l’auteur fait le récit circonstancié du (non)processus d’éveil.