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Voir est-il suffisant pour comprendre la nécessité d'une pratique soutenue?
Entretien avec Douglas Harding
Saisir l'expérience n'est pas assez, il faut la prendre au sérieux et pratiquer, c'est cela l'important. Il est très facile, très simple de voir, mais continuer à voir véritablement tout le temps qui nous sommes exige de s'y consacrer avec une réelle patience, de la persévérance et de l'énergie.
Comment pratiquer ?
La première chose que je peux faire est celle-ci : quand j'ai quelqu'un en face de moi, qui que ce soit, au travail, à la maison, n'importe où, lorsque j'ai un visage en face de moi, vais-je voir la vérité : nous ne sommes pas un visage en face l'un de l'autre mais visage là en face et espace ici en moi : je suis vide pour cette personne, je n'ai rien pour rejeter cet ami, la situation est espace à visage. Vais-je voir la vérité ? Il est important de s'en souvenir. Bien sûr, les relations aux autres deviendront plus faciles (surtout si j'étais timide, nerveux ou facilement irritable) et j'apprécierai beaucoup plus leur compagnie. Voici un autre rappel : dire la vérité lorsque je suis en voiture ou lorsque je marche : l'espace que je suis est non seulement vide, vaste et clair mais immobile, et c'est le paysage qui bouge. Tout le paysage bouge dans mon immobilité.
Je pense que ces rappels sont d'un grand secours au commencement, mais après un certain temps, il n'est plus nécessaire de pratiquer cela. On a juste acquis une nouvelle habitude : être centré, consciemment centré et ainsi demeurer dans le lieu que nous n'avons jamais quitté. Ce n'est pas être extraordinaire, c'est simplement être ce que nous sommes vraiment, être naturel. Certains y parviennent facilement, pour d'autres cela prend un peu de temps.
Nous sommes construits ouverts pour les autres et cette ouverture est infinie. Quand nous étions petits enfants, nous étions ouverts, nous n'avions pas eu l'idée de nous fermer pour maintenir les autres dehors. La condition humaine consiste à mettre quelque chose à l'intérieur de soi pour empêcher le monde extérieur de rentrer ; mais si vous regardez véritablement ici dedans, vous ne trouverez rien, absolument rien qui puisse exclure le monde. Ce qui est merveilleux, c'est que, indépendamment de ce que nous ressentons, quels que soient nos sentiments, si horribles soient-ils, la vision de nous-mêmes en tant qu'espace, vacuité est toujours à notre disposition . Au milieu des problèmes du monde, au milieu de toutes les difficultés de la vie, la vision de notre clarté est toujours disponible et peut nous aider beaucoup. Je pense que la racine de tout ce qu'il y a de négatif dans le monde, c'est l'illusion : croire que je suis une chose, construite fermée et non pas ouverte ; alors je me mets à haïr et je suis avide. Mais si je me débarrasse de cette illusion que je suis construit pour rejeter, construit pour l'avidité, la haine et la peur, je commencerai à aimer.
Vous parlez un langage non religieux. Comment vous situez-vous par rapport aux religions ?
Mon approche est, en effet, une approche non religieuse et non psychologique. Cela lui donne l'avantage d'être simple. Elle rejoint pourtant ce qui fait le cœur de toutes les religions avec lesquelles je me sens en communion totale. Que disent-elles ? Ce que vous êtes réellement au contre, votre essence, la conscience qui engendre le monde, le Je Suis qui est au cœur de toutes choses, celui qui est plus moi-même que Douglas, qui est chez lui en moi, plus près de moi que tout autre, celui-ci est traditionnellement infini, immaculé, clair et vide pour tout le monde. Ainsi il est à la fois vide, totalement vide, infiniment clair et aussi totalement rempli de notre univers sans exception. Il est hors du temps, éternel, immobile, calme et éveillé. Lorsque je regarde en moi avec honnêteté, en abandonnant tout préjugé, ce que je trouve a exactement ces caractéristiques et je suis cela.
Toutes les grandes traditions religieuses nous disent qui nous sommes vraiment. Au centre de notre vie est la conscience unique d'où procèdent toutes choses et c'est notre véritable identité. La réponse à tous nos problèmes est de voir cela et de voir qui a le problème. Voyons-le et tout s'éclairera peu à peu. Tout ce que nous avons à faire, c'est de laisser la place."
Douglas Harding, entretien avec Dominique Umbert.
Revue Terre du Ciel.