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Agriculteurs et cancer, le risque des pesticides.
Une étude française révèle une augmentation des tumeurs cérébrales (cancer) pour certaines catégories professionnels dont les agriculteurs en raison des pesticides. Le risque d'être victime d'un cancer de type tumeur cérébrale est multiplié par 2,6 chez les personnes les plus exposées aux pesticides, essentiellement les agriculteurs et les viticulteurs.
Ces données ont été rendues publiques lors d'une conférence organisée par l'Association pour la recherche sur le cancer, association très impliquée dans la recherche sur les tumeurs d'origine professionnelle qui sont à l'origine de 5 à 10% des nouveaux cas, soit de 15 à 20.000 cancers par an. Près de 10 % des cancers sont d'origine professionnelle (environ 20.000 cas par an), ce domaine de recherche est peu développé dans notre pays.
Face à ce constat alarmant, l'Association pour la Recherche sur le Cancer a mis sur pied en 2002 en concertation avec la FNATH, association des accidentés de la vie, le pôle ARECA Epidémiologie des cancers professionnels. Selon les premiers résultats, le risque d'être atteint d'une tumeur cérébrale est 2,6 fois plus grand pour les personnes les plus exposées aux pesticides (et même de 3,2 fois plus pour les gliomes) ainsi que pour celles qui traitent leurs plantes d'intérieur avec des produits phytosanitaires.
Les cancers professionnels : des maladies fréquentes mais mal connues. Poussières de bois, amiante, fibres de substitution, produits chimiques, pesticides… Un quart des travailleurs ont été exposés à des agents cancérigènes dans leur univers professionnel sur les quatre dernières années. Les toxiques professionnels sont à l'origine de plus de 8 % des cancers en France, soit plus de 20.000 nouveaux cas de cancer chaque année dans notre pays.
Pratiquement tous les types de cancer peuvent être concernés, les cancers des voies respiratoires étant les plus fréquents, à la fois en raison de la voie de pénétration par inhalation de toxiques environnementaux, de leur éventuelle interaction avec le tabac et de la fréquence relative des cancers broncho-pulmonaires. Cependant, les cancers professionnels restent à ce jour en France méconnus et mal pris en charge.
Les travailleurs exposés, une « population sentinelle » dont l'étude est fondamentale pour déterminer les agents cancérigènes. Sur le plan scientifique, les cancers d'origine professionnelle sont d'un intérêt fondamental pour l'identification de substances cancérigènes. La plupart des cancérogènes humains ont été identifiés au sein de populations professionnelles. Les travailleurs exposés jouent un rôle de « population sentinelle » vis-à-vis de la population générale en raison d'expositions plus élevées et de longue durée, possibilité de mesure précise des expositions, meilleure accessibilité et possibilité de suivi de longue durée.
L'Association pour la Recherche sur le Cancer a alloué un budget de près d'un million et demi d'euros à son pôle de recherche en épidémiologie des cancers professionnels lancé en 2002 dans le cadre du réseau ARECA en partenariat avec la FNATH, association des accidentés de la vie.
Les équipes de recherche ont d'ores et déjà obtenu des résultats importants pour trois agents cancérogènes majeurs : Pesticides et produits phyto-sanitaires ; Amiante et fibres de substitution ; Poussières de bois.
La France est le deuxième utilisateur mondial en quantité de pesticides utilisés. La France se situe au 2ème rang, après les Etats-Unis, des utilisateurs de pesticides avec près de 100.000 tonnes de pesticides (ou produits phytosanitaires) utilisées chaque année en milieu agricole, auxquels s'ajoutent les produits à usage domestique ou de loisir. La population exposée est nombreuse avec 664.000 exploitations agricoles, correspondant à une population active familiale de 1.155.000 personnes employant environ 154.000 salariés permanents, plus les jardiniers occasionnels. Les produits sont divers avec 9.000 produits pesticides commercialisés en France ce qui représente environ 900 substances actives.
Le pouvoir cancérigène de ces pesticides est mal identifié. Les effets sur la santé sont bien connus pour les intoxications aiguës, mais mal connus pour les expositions modérées ou prolongées. Trois effets potentiels ont déjà été identifiés par des études épidémiologiques : cancers, troubles neurologiques chroniques et troubles de la reproduction.
Dans le cadre de l'homologation avant mise sur le mArché, les études toxicologiques chez l'animal ont mis en évidence le pouvoir cancérigène de certains pesticides, entraînant alors un étiquetage particulier. L'évaluation du risque pour l'homme n'a été réalisée par le Centre International de Recherche sur le Cancer que pour une soixantaine de produits à partir des données disponibles : 1 est classé en cancérigène certain (dérivés arseniés, interdits en France depuis 2002), 2 en cancérigènes probables (captafol interdit en France depuis 1992 et dibromure d'éthylène, réglementé) et 18 en cancérigènes possibles.
Les agriculteurs sont plus touchés par certains cancers. Si des études menées en Amérique du Nord et en Europe du Nord montrent que la mortalité par cancer, tous cancers confondus, est moins élevée chez les agriculteurs que dans le reste de la population, très peu d'études ont été menées en France sur les cancers en milieu agricole. Certains cancers seraient plus fréquents : hémopathies malignes (leucémies, lymphomes malins, myélomes…), cancers cutanés, sarcomes des tissus mous, cancers de la prostate, cancers gastriques et cancers cérébraux.
Les travaux de recherche sur les pesticides financés par l'Association pour la Recherche sur le Cancer sont aux nombre de travaux principaux. L'Association pour la Recherche sur le Cancer soutient actuellement deux recherches essentielles sur la nocivité des pesticides : Une étude sur l'impact des pesticides dans la survenue des tumeurs cérébrales dont la fréquence est 30% supérieure chez les agriculteurs : La mise au point d'outils fiables de mesure de l'exposition aux pesticides dans les grandes cultures et la viticulture (80% des cultures en France).
Impact des pesticides sur les tumeurs cérébrales : étude Céréphy
Les objectifs de l'étude Céréphy étaient de : Comparer la fréquence d'exposition à des facteurs de risque professionnels et environnementaux, plus particulièrement les pesticides, chez des patients atteints de tumeurs cérébrales et chez des témoins de la population générale ; Étudier la relation entre la survenue de tumeurs cérébrales et l'utilisation de pesticides dans l'agriculture, le jardinage et l'utilisation domestique.
Le nombre de personnes atteintes de tumeurs cérébrales augmente dans la plupart des pays industrialisés, sans explication pour l'instant : actuellement il y a 2.800 décès annuels par cancer cérébral en France soit 3% des décès par cancer entre 35 en 64 ans. Des tumeurs avec un pronostic défavorable : moins de 50% de survivants à 5 ans. Une élévation du risque de 30% chez les agriculteurs. L'absence d'étude en France et un faible nombre au niveau international sur les facteurs de risque environnementaux et professionnels suspectés : expositions aux pesticides, champs électromagnétiques, solvants, huiles, résines…
La population étudiée concernait la Gironde, une région agricole utilisant de grandes quantités de pesticides : 221 personnes de 16 ans et plus atteintes de tumeurs cérébrales ; 442 témoins indemnes de tumeur cérébrale, tirés au sort en Gironde.
Selon les résultats déjà obtenus, les sujets les plus exposés professionnellement aux pesticides ont 2,6 fois plus de risque d'être atteint de tumeur cérébrale (parmi les tumeurs cérébrales, le risque de développer un gliome est multiplié par 3,2). Par ailleurs, les sujets déclarant traiter régulièrement les plantes d'intérieur ont un risque 2, 6 fois plus élevé : des analyses complémentaires sont en cours pour expliciter ces résultats. En terme de retombées scientifiques et sanitaires les chercheurs souhaitent connaître la relation entre l'exposition professionnelle aux pesticides et la survenue de tumeurs cérébrales et établir des pistes pour la recherche de pesticides susceptibles d'entraîner la survenue de tumeurs cérébrales.
Estimation de l'exposition aux pesticides : étude PESTEXPO
Les objectifs de l'étude étude PESTEXPO étaient de : développer des index permettant de mesurer l'exposition aux pesticides pour les contextes agricoles les plus fréquents, dans le cadre d'études épidémiologiques, afin de mieux connaître les expositions réelles des utilisateurs au cours d'une journée, d'une saison et d'une vie professionnelle, en fonction des types de culture, des périodes et des zones géographiques ; Déterminer les facteurs influençant le niveau d'exposition externe et interne des sujets aux pesticides ; Progresser dans la connaissance des effets à long terme des pesticides sur la santé et notamment sur la survenue de certains cancers ; Aider à l'établissement de valeurs limites d'exposition.
Cette recherche vise à combler le manque de données fiables sur les expositions aux pesticides des populations agricoles et à compléter les données sur l'exposition contenues dans les dossiers d'homologation des nouvelles molécules qui ne rendent pas compte des conditions réelles d'utilisation.
La population étudiée étaient composée d'agriculteurs à la fois de grandes exploitations agricoles et de polyculture-élevage dans le Calvados, des exploitations viticoles de tailles variées en Gironde, pour refléter l'ensemble des conditions de traitement existantes.
Les attendues en terme de retombées scientifiques et sanitaires sont : Disposer d'outils fiables et utilisables dans les différentes études pour quantifier l'exposition instantanée ou cumulée de chaque agriculteur au cours de sa vie professionnelle ; Identifier les paramètres faisant varier les expositions ainsi que les corrélations entre doses internes, doses externes et niveaux de génotoxicité ; Mieux identifier les situations à risque afin de mieux cibler les actions de prévention des effets à long terne sur la santé et notamment des risques cancérogènes ; Aider à l'établissement de valeurs limites d'exposition sans risque majeur pour l'utilisateur ; Faire progresser les recherches dans le domaine des expositions à très faibles doses dues à des contaminations environnementales (utilisation des pesticides pour le jardinage et les plantes d'intérieur notamment).
Près de 200 personnes utilisatrices de pesticides ont été observées, ce qui représente plus de 8.000 dosages sur les tenues de travail. Les pesticides sont dosés sur les différentes parties du corps. Les paramètre principaux identifiés sont, par ordre décroissant : la phase d'exposition, le type de matériel utilisé et la protection individuelle.
De telles données restent à confirmer par des enquêtes sur de plus larges populations d'autres départements, avec des types de cultures différents. Néanmoins elles mettent l'accent sur le rôle potentiellement nocif de certains produits phytosanitaires. « La plausibilité que les pesticides favorisent le développement de tumeurs cérébrales est suffisamment forte pour que des actions soient entreprises », pour le Pr Goldberg. Il apparaît important de diminuer le niveau d'exposition des agriculteurs et des particuliers avec le port de masques et de gants, la modification des méthodes d'épandage, le non-mélange des produits entre-eux.