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Méditer pour mieux agir
Par Elisabeth Berthou
Des scientifiques américains viennent de montrer de nouveau les effets puissants de la méditation sur le cerveau. Voici une chronique de ces découvertes qui ouvrent de nouvelles portes...
Grâce à des électrodes placées sur le crâne d'adeptes de la méditation et reliées à un électroencéphalogramme, des chercheurs de l'université de Madison, dans le Wisconsin (Etats-Unis), ont montré que la pratique de la méditation pouvait induire des modifications cérébrales durables. Les résultats de la première partie d'une étude sur les effets de la méditation sur le cerveau ont été publiés dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine PNAS et repris dans un article du journal suisse Le Temps.
"L'analyse des résultats a montré que les méditants expérimentés arrivent à produire, pendant leur pratique, des oscillations rapides dans les fréquences dites gamma. Ces ondes reflètent en effet la cohérence de l'activité cérébrale et sont détectées pendant des états d'attention soutenue ou pendant l'activité consciente", explique Le Temps. (On peut noter que la production d'ondes gamma témoigne d'une activation exceptionnelle de neurones, telle qu'on la rencontre pendant les processus de création et de résolution de problème).
Ainsi, au cours de l'expérience, les chercheurs ont remarqué une augmentation exceptionnelle des rythmes gamma dans le cortex frontal. "Cette région sous-tend des fonctions mentales complexes, comme la pensée abstraite, la capacité d'apprentissage, mais aussi les actions volontaires", commente Antoine Lutz, docteur en neurosciences cognitives et responsable de la recherche. Mais ce ne serait pas la seule zone concernée, l'étude montrant une activation des aires pariétales, suggérant ainsi une "synchronisation à longue distance entre ces zones. La méditation générerait donc une forte coordination entre plusieurs régions du cerveau", écrit le journal suisse. "Nous pensons que le degré de synchronisation reflète l'entraînement des sujets, explique le Dr Lutz.
Cette cohérence de l'activité cérébrale repose probablement sur une réorganisation des connexions cérébrales." Donc, une réorganisation du cerveau due à un entraînement mental.
Les sujets qui se sont prêtés à cette première partie de l'étude, des pratiquants bouddhistes venus d'Europe et d'Asie, ont utilisé "une technique dite de compassion universelle et d'amour inconditionnel". La poursuite de la recherche devrait faire état d'autres types de méditation (visualisation, concentration.). "Les chercheurs utiliseront également l'imagerie par résonance magnétique nucléaire fonctionnelle (IRMF), permettant de mieux localiser anatomiquement les régions stimulées", rapporte Le Temps. Au demeurant, les premiers résultats "ouvrent déjà des perspectives d'application dans des domaines comme les déficits d'attention et les problèmes d'anxiété". D'ailleurs, aux Etats-Unis, "la méditation est quotidiennement utilisée dans 200 hôpitaux pour la gestion du stress. Par exemple, dans les phases terminales du cancer", indique le Dr Lutz.
Vivement intéressé par cette recherche, le journal suisse a demandé à Matthieu Ricard, docteur en biologie cellulaire, coauteur de l'étude (et, sans doute, en France, le plus célèbre des bouddhistes après le dalaï-lama) ce qui l'avait incité à participer à cette expérience. "J'ai collaboré à l'élaboration des protocoles scientifiques afin de définir les différents types de méditation qui ont été depuis étudiés en laboratoire." Matthieu Ricard explique également le choix du type particulier de méditation employé, la compassion universelle. "Elle ne s'exerce pas sur un sujet précis, ce qui permet d'éviter la stimulation de la mémoire et de l'imagination. Les résultats de l'étude montrent une forte augmentation de l'activité cérébrale dans les régions du cerveau liées aux émotions positives et une plus grande disponibilité à l'action. En effet, la compassion génère un état de totale disponibilité, toutes les barrières tombent, ce qui permet un passage à l'action."
D'après ce scientifique bouddhiste, l'étude a prouvé qu'une personne entraînée à la méditation "pouvait modifier durablement sa plasticité cérébrale". "Est-ce dû à un renforcement des connexions existantes ou à la constitution de neurones ? Nous ne le savons pas. Ce qu'on peut dire, c'est que le cerveau se modifie grâce à un enrichissement intérieur et volontaire, et ce à l'âge adulte."
"Les bouddhistes ne font pas de prosélytisme", ajoute-t-il. "L'important est de montrer les changements que peut induire la méditation et de mettre à disposition de la société cette technique qui peut être utilisée en tant que telle, sans aucun objectif religieux." Des expériences d'application de la méditation sont déjà en cours à l'heure actuelle : sur des enfants hyperactifs en Californie et, par ailleurs, auprès de 150 professeurs américains afin d'évaluer leurs changements après trois mois de pratique. Du reste, "on pourrait envisager d'ajouter l'équilibre émotionnel au programme des écoles, en utilisant la méditation", conclut Matthieu Ricard.
Elisabeth Berthou