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Obésité - Un problème mondial ! Un problème de mondialisation ?
MONTRÉAL (Réseau Proteus) 3 juin 2005
« L'obésité n'est pas juste un problème individuel. Il est plus que temps que la société, l'école, le milieu de travail et l'industrie alimentaire se mobilisent pour créer un environnement soutenant pour les adultes et les enfants souffrant de surpoids et d'obésité. Nous devons leur donner les moyens et l'éducation qui leur permettront de résister à l'environnement obésogène actuel.». Voilà le coeur du message livré par Dr Jong-Wook Lee, directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), dans le cadre d'une journée intitulée « Santé et mondialisation : le défi de la prévention », qui se tenait à Montréal pendant le Forum économique international des Amériques (1).
Une crise mondiale
« On compte actuellement 1,5 milliard de personnes en surpoids ou obèses dans le monde, et on estime qu'en 2000, ces problèmes de santé ont causé 2,6 millions de morts. De plus, nous savons que les maladies chroniques, dont l'obésité est l'une des causes, vont bientôt causer plus de morts et d'incapacités que les maladies infectieuses », a prévenu Dr Lee.
Un constat qu'a également fait Simon Barquera Cervera, directeur du Département de nutrition et des maladies chroniques de l'Institut national de santé publique du Mexique. « Notre pays est aux prises à la fois avec des problèmes de malnutrition qui persistent dans les régions rurales, et des problèmes de surpoids et d'obésité qui augmentent rapidement dans les régions les plus développées. Nos observations indiquent clairement que le passage d'une alimentation traditionnelle riche en céréales et faible en gras à une alimentation de type occidental riche en gras a fait augmenter la prévalence des maladies cardiaques dans notre pays. Et malheureusement, nous observons aussi que, même dans les régions les moins développées, la consommation de gras est en train d'augmenter. »
Les pauvres sont plus vulnérables
« C'est dans les pays où les revenus sont faibles ou moyens que l'embonpoint et l'obésité augmentent le plus rapidement. Dans les pays en voie de développement, le fardeau du diabète et des maladies cardiaques s'ajoute à celui du sida, de la tuberculose et de la malaria, ce qui met une pression intolérable sur leur système de santé », a également souligné Dr Lee.
Plusieurs conférenciers ont souligné le lien entre pauvreté et obésité, notamment, Adam Drewnowski, directeur du Centre de santé publique et de nutrition de l'Université de Washington. Selon lui, aucun doute, l'obésité est la conséquence de la mondialisation de l'économie, parce que cette dernière contribue à appauvrir les gens. « Mais, qui les rend pauvres? Les coupables ne sont pas Pepsi ou McDonald, mais plutôt les entreprises comme Wal-Mart, qui contribuent à la pauvreté de leurs employés », a-t-il affirmé.
Pr Drewnowski a notamment démontré que, dans la région de Seattle, il y a un lien direct entre la valeur des maisons et l'incidence de l'obésité. « Dans les endroits où les propriétés valent 745 000 $ et plus, moins de 6 % des gens sont obèses, mais là où elles valent 150 000 $, la prévalence est de 23 % », a-t-il souligné, cartes à l'appui. Il a également insisté sur le fait que, malheureusement, une alimentation saine coûte plus cher qu'une alimentation riche en calories. « Les enquêtes de prix démontrent qu'à teneur égale en calories, les légumes et les fruits coûtent beaucoup plus cher que les aliments gras et sucrés, et ceci est notamment attribuable au fait que le sucre et les matières grasses, comme l'huile de soya, sont très peu chers à fabriquer », a-t-il expliqué.
Une concertation globale est-elle possible pour enrayer l'obésité?
« Nous devons absolument travailler ensemble sur ce problème de santé : gouvernement, industrie, commerce, professionnels de la santé et consommateurs. Si nous travaillons chacun de notre côté, nous n'arriverons pas à grand-chose et le coût en sera très élevé. L'industrie doit se responsabiliser et réaliser qu'il en va également de sa propre prospérité à long terme », a averti Dr Lee, le directeur général de l'OMS.
Dr Angelo Tremblay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en activité physique, nutrition et bilan énergétique, a toutefois manifesté un certain scepticisme quant à la possibilité que l'on puisse réellement concilier les intérêts de la santé et ceux du commerce international.
Après avoir présenté des données scientifiques à l'effet que le manque de sommeil et l'excès de stress pouvaient induire des changements hormonaux causant un gain de poids, il a terminé sa présentation en disant : « Est-ce que l'obésité est un effet secondaire de la mondialisation? Je serais bien tenté de dire oui, pour certains individus vulnérables qui sont exposés à un contexte féroce, susceptible d'induire des changements hormonaux entraînant un surpoids. Il est fort probable qu'il continuera d'être difficile de lutter contre la pandémie d'obésité tant que les visions de l'Organisation mondiale de la Santé ne feront pas le poids par rapport à celles de l'Organisation mondiale du commerce. »
Françoise Ruby - Réseau Proteus
1. La journée « Obésité, faire face à la réalité » a été présentée à Montréal le mardi 31 mai 2005 dans le cadre du Forum économique international des Amériques, un événement habituellement axé sur les thèmes du développement économique, des échanges commerciaux et de la finance. Cette journée a été organisée en collaboration avec la Fondation Lucie et André Chagnon*, et avec la participation de l'Université McGill de Montréal, et a rassemblé une brochette d'experts de calibre international.
* Le Réseau Proteus est soutenu par la Fondation Lucie et André Chagnon.