Le maître
par Arnaud Desjardins
Un thème essentiel et difficilement compris en Occident, je m'en aperçois année après année, c'est celui du maître spirituel, du guru comme on dit en sanscrit - et on ne peut pas parler des maîtres sans parler aussi des disciples auxquels le maître transmet un enseignement vivant.
Depuis les nombreux scandales liés aux sectes ou à un certains mouvements pseudo-spirituels que les médias ont révélés, le mot gourou est aujourd'hui utilisé dans un sens péjoratif : il est devenu synonyme de charlatan dangereux alors que, dans tous l'Orient, cette institution du maître et des disciples ne pose aucun problème, pas plus que de parler d'un médecin et de ses patients en France.
Le maître est celui qui nous conduit pas à pas sur le chemin de notre propre transformation intérieure, avec un amour et une patience inlassables, et nous permet d'émerger des conflits et des souffrances dans lesquels nous nous débattons pour accéder à un monde de sagesse, de sérénité et d'amour.
On peut donc déplorer que l'usurpation de cette fonction par des personnes non qualifiées dont les motivations égoïstes ont conduit à l'exploitation d'autrui ait rendu cette fonction presque maudite. Il ne serait pas juste cependant de tomber dans l'excès inverse en " jetant le bébé avec l'eau du bain " et de se priver ainsi de la relation privilégiée d'instructeur à élève que les traditions spirituelles ont connu à toutes les époques.
Il n'y a aucun doute que, dans le christianisme, la relation de maître à disciple existe aussi sous la forme de directeur de conscience, du père spirituel, du maître ou de la maîtresse des novices. En hébreu, le mot rabbi est celui que les disciples utilisaient pour s'adresser à Jésus. Les textes chrétiens d'autrefois mentionnent couramment les " anciens " qui possèdent l'expérience et la maturité sur la voie spirituelle et les transmettent à ceux qui viennent les consulter. Mais ce rôle du maître a été peu à peu perdu, oublié en Occident alors à peu près à la traduction du mot guru, sinon par l'étymologie du moins par le sens. Dans l'islam, chez les soufis, le maître est appelé cheikh ou, en Iran, en Afghanistan, pir, mot qui signifie simplement vieux, âgé- le terme le plus respectueux qui soit. Aujourd'hui encore, aussi bien dans l'hindouisme, le bouddhisme que le soufisme, le maître fait partie des données culturelles admises par toute la société.
Vous devinez que, personnellement, je suis convaincu de la nécessité d'un maître sur la Voie. Comme on le dit si bien, l'exception confirme la règle : si de temps en temps un être humain, ici où là, atteint l'éveil, la sagesse, par lui-même, cela demeure tout à fait exceptionnel dans l'ensemble des traditions. Si nous voulons apprendre à bien jouer d'un instrument de musique, nous nous adressons à un professeur qualifié. C'est vrai dans tous les secteurs d'activité, dans tous les domaines de l'existence. Comment cela pourrait-il ne plus être vrai quand il s'agit de la démarche la plus importante et la plus délicate qui soit, celle de notre propre transformation ? (…)
L'ami spirituel, p18, La Table Ronde, A.Desjardins, 1996
A lire aussi : Comment le maître peut-il aider à la transformation intérieure ? par Osho
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